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Collaboration académique-industrie: ces obstacles qui freinent l’innovation

4 décembre 2020, 22:00

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Collaboration académique-industrie: ces obstacles qui freinent l’innovation

Beaucoup d’acteurs de la communauté des affaires se sont déplacés à l’Université de Maurice (UoM), mercredi. Anthony Coombes, directeur d’Archemics Ltd, Bruno Dubarry, CEO de l’Association of Mauritian Manufacturers (AMM), Kendall Tang, CEO de RT Knits Ltd, Ramanathan Venkatasawmy, Head of Collaborative Economic Development à Business Mauritius, ou encore Jacqueline Sauzier, secrétaire générale de la Chambre d’agriculture de Maurice, étaient du nombre. Ils ont tous participé au panel de discussions visant à mieux définir comment la recherche et le développement (R&D) par l’établissement des études supérieures pourraient aider le secteur privé.

Le ton est donné dès le départ par le secrétaire général de la Chambre de commerce et d’industrie (MCCI), Yousouf Ismaël. Il estime qu’il n’y a pas suffisamment de réflexion à long terme dans l’industrie. La culture de l’innovation ferait défaut et la peur de l’échec ralentit souvent les dépenses dans les R&D, qui devraient être un investissement et non pas un coût. «Il est nécessaire de mettre en œuvre un processus et une structure d’innovation», a-t-il indiqué.

Le vice-chancelier de l’UoM, le Professeur Dhanjay Jhurry, abonde dans le même sens. «Après cette pandémie, Maurice ne pourra pas avancer si les entreprises n’innovent pas. Pour cela, il faut davantage de technologies. Divers domaines mènent l’industrie. Nous aimerions travailler en étroite collaboration avec l’industrie pour faire avancer les choses.»

D’ailleurs, soutient Geerish Bucktowonsing, directeur de production à l’Economic Development Board, la collaboration de l’université devient de plus en plus importante pour améliorer la compétitivité de Maurice et répondre à un marché particulier dans l’ère nouvelle post-Covid-19. Une collaboration par rapport aux défis aurait certes aidé les entrepreneurs.

Toutefois, des barrières à la collaboration pour trouver des solutions ont émergé de la discussion. Les trois axes abordés par les panélistes étaient : les défis les plus urgents dans leur secteur respectif ; l’écosystème à mettre en place pour les relever ; et, enfin, la contribution que pourrait apporter l’UoM.

Un des obstacles majeurs dans le secteur agricole est la baisse constante de la superficie allouée aux cultures vivrières. Selon Jaqueline Sauzier, de 2014 à 2020, elle est passée de 8 300 hectares à 7 300 hectares. «La question est : sommes nous suffisamment innovants au niveau local pour ramener les jeunes dans le circuit agricole et promouvoir le secteur ? La chaîne de valeur doit être revue pour répondre aux besoins du producteur et du consommateur. Il faut savoir comment fait-on le lien entre les deux», avance-t-elle. Le secteur agricole pourrait ainsi souffler si notre dépendance des produits importés était réduite et si on opte plutôt pour la transformation. La mise en place de méthodes agroécologiques pour lutter de façon durable contre les ravageurs et/ou déterminer la cause des terres moins fertiles pour y remédier pourrait aussi être des créneaux de la recherche.

Le directeur exécutif (CEO) de RT Knits Ltd, Kendall Tang, évoque, pour sa part, le secteur manufacturier en soulignant l’apport de l’outil informatique qui augmente d’année en année. Mais beaucoup d’entreprises ont du mal à s’y adapter. «On investit dans des équipements qu’on croyait dernier cri mais six mois après, un nouvel équipement encore plus productif sort. On est donc très vite dépassé et on investit parfois dans des infrastructures archaïques.»

D’autre part, le CEO de RT Knits souligne le décalage entre l’industrie et l’UoM. «Jusqu’à présent, nous n’avons pas vraiment collaboré sur des projets de recherche et aujourd’hui on en paie le prix», fait-il ressortir. «Le secteur manufacturier, notamment le textile, fait face à un défi énorme: celui de transformer une industrie qui était basée sur la main-d’œuvre bon marché dans les années 80. Aujourd’hui, la donne a changé.»

Technologie et robotisation

C’est dans cette optique que Kendall Tang pense qu’il faut créer de la valeur autrement à travers l’innovation, la recherche et le développement; la technologie et la robotisation. Il faut s’appuyer sur des facteurs qui nous permettront de nous différencier. «On ajoute de la valeur sur nos produits pas uniquement en transformant la matière première en produits finis mais de façon innovante en apportant vraiment une valeur ajoutée.»

Le CEO de RT Knits fait des propositions par rapport aux problèmes de connaissances et de financement. «Au niveau des connaissances, je propose une approche topdown, en commençant par une formation continue pour les leaders. Eux-mêmes ont du mal à comprendre la complexité des technologies et ce qu’elles peuvent apporter. Il faut des spécialistes dans chaque domaine, des technologies qui vont servir l’entreprise.» Il souligne aussi le manque de techniciens pour opérer les équipements. Il faudrait donc valoriser le métier de technicien, voire le professionnaliser. Pour le financement, à ce jour, il n’y a pas de connexion directe entre l’industrie et l’université. Il faudrait donc trouver des moyens pour financer directement l’établissement supérieur pour développer la recherche.

Le chef du développement économique collaboratif chez Business Mauritius, Ramanathan Venkatasawmy, précise qu’il y existe déjà une collaboration entre les entreprises et l’université. Toutefois, il note un décalage entre les annonces et le calendrier ainsi que l’absence d’un lien émotionnel entre l’université et le monde des affaires. «Quelle est l’université d’où viennent la plupart des patrons d’entreprise aujourd’hui ? La plupart de l’étranger. Il faut changer le comportement du business et de l’université et créer un lien artificiel pour favoriser cette collaboration. Il faut des rencontres pour construire cette relation. Il est donc nécessaire de mettre en place des réseaux.»

L’entrepreneur doit pouvoir trouver l’université avec lequel il pourrait collaborer ou choisir des institutions étrangères, si les recherches ne peuvent pas se faire à Maurice. Ramanathan Venkatasawmy est convaincu qu’avec ces collaborations, l’université deviendrait un prestataire de services aux entreprises et pas seulement un formateur pour les étudiants. «Des discussions devraient déboucher sur l’élaboration d’un plan d’action concret qui pourrait être présenté au gouvernement dans les mois qui suivent», conclut-il.