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Accord post-Brexit: Londres et Bruxelles à l’heure du sprint final

15 novembre 2020, 17:28

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Accord post-Brexit: Londres et Bruxelles à l’heure du sprint final

Après huit mois de pourparlers laborieux en pleine pandémie, l’Union européenne et le Royaume-Uni entament la semaine prochaine la dernière ligne droite de leur négociation post-Brexit. Au bout du tunnel: un accord commercial inédit ou un échec politique cuisant.

Le Royaume-Uni a officiellement quitté l’UE le 31 janvier dernier, mais l’effet du divorce ne se fera pleinement sentir que le 1er janvier 2021, à l’issue de la période de transition pendant laquelle il continue d’appliquer les normes européennes.

D’ici là, Londres et Bruxelles s’étaient promis de conclure un traité commercial «zéro tarif, zéro quota» pour limiter autant que possible les conséquences négatives (et inévitables) du Brexit.

Or, à moins de cinquante jours de la fin de l’année, les discussions, pourtant intensives, patinent.

«La logique et la raison devraient permettre de parvenir à un accord», estime un diplomate européen. «Mais si une chose est apparue clairement au cours des dernières années, c’est que la logique économique et le pur bon sens ne suffisent pas pour expliquer ce qui se passe avec le Brexit», confie-t-il.

Du référendum sur le Brexit en juin 2016, à la conclusion fin 2019 --à la dernière minute-- de l’accord scellant le départ du Royaume-Uni, en passant par la loi britannique remettant en cause ce même traité, le feuilleton du divorce a été riche en coups de théâtre.

Biden «moins amical» 

Dernier rebondissement: Dominic Cummings, conseiller très influent du Premier ministre Boris Johnson et architecte controversé de la campagne pour le Brexit, a pris la porte du 10 Downing Street vendredi soir. Une sortie qui a suivi celle de son allié du camp «Leave», Lee Cain.

Ces départs «laissent penser que (Boris Johnson) est prêt à faire les concessions nécessaires pour aboutir à un accord a minima», estime l’eurodéputé écologiste Philippe Lamberts.

Pour lui, M. Johnson «a fait le calcul» qu’entre l’élection de Joe Biden, «un président américain moins amical que par le passé, et une situation économique dramatique, il ne peut se payer en plus un Brexit sans accord».

L’hypothèse d’une modération de la ligne britannique a cependant été fermement rejetée par Downing Street.

Au moment où les pourparlers s’apprêtent à reprendre à Bruxelles, menés par Michel Barnier côté européen et par David Frost côté britannique, impossible de présager de leur issue.

Seule certitude: un accord devra être conclu dans les prochains jours, pour pouvoir être ratifié à temps par les Parlements britannique et européen.

Une visioconférence jeudi entre chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE --pour l’instant consacrée au seul Covid-19-- pourrait constituer une échéance. Mais une nouvelle prolongation des discussions ne peut être exclue.

Faute d’accord, les échanges seraient régis par les seules règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), avec le retour de droits de douanes ponctuellement très importants, mais aussi d’obstacles non-tarifaires (quotas, normes techniques ou sanitaires...).

File de camions 

Un «no deal» enfoncerait un peu plus des économies déjà affectées par le coronavirus, mais plutôt côté britannique: le Royaume-Uni exporte 47% de ses produits vers le continent, quand l’UE n’écoule que 8% de ses marchandises outre-Manche.

En cas de «no deal», Londres estime que jusqu’à 7.000 camions pourraient se retrouver bloqués dans le Kent (sud-est) avec jusqu’à deux jours d’attente pour traverser le Channel.

«Si nous ne parvenons pas à conclure un accord, cela représentera un échec énorme de la politique et de la diplomatie», a récemment souligné le ministre irlandais des Affaires étrangères, Simon Coveney.

Les pourparlers butent sur trois sujets: les garanties réclamées à Londres en matière de concurrence, l’accès des Européens aux poissonneuses eaux britanniques, et la manière de régler les différends dans le futur accord.

Sur la concurrence, l’UE veut s’assurer que le Royaume-Uni ne déviera pas des normes environnementales ou sociales en vigueur, mais aussi qu’il ne subventionnera pas ses entreprises à tout-va, alors qu’elle est prête à lui ouvrir son marché de 450 millions de consommateurs.

En cas de non-respect, elle souhaite pouvoir prendre des sanctions immédiates pour protéger ses entreprises, ce que Londres refuse.

«Soit les Britanniques acceptent et on passe à une négociation difficile sur la pêche», un sujet de première importance pour quelques pays dont la France, explique un diplomate européen. «Soit ils refusent et on sera hors délai: la négociation ne pourra pas aboutir.»