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Nita Deerpalsing: «Il y a un cynisme envers toute la classe politique»

13 novembre 2020, 10:45

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Nita Deerpalsing: «Il y a un cynisme envers toute la classe politique»

Quel regard jetez-vous sur la scène politique aujourd’hui?
Je pense que toute la population ressent clairement un vide au niveau de propositions fortes qui pourraient inspirer les mauriciennes et mauriciens.  Mais il ne s’agit pas seulement d’inspirer, il faut aussi donner espoir et confiance dans un système vertueux.  C’est pour cela que plus que jamais il nous faut du ‘leadership by example’.  Et là, il y a un gouffre. 

Vous ne voyez aucun leader autour de vous ?
Comme la plupart des citoyens, je ne vois pas, valeur du jour, d’exemple flagrant de ‘leadership by example’ qui suscite inspiration et adhésion enthousiaste.  Je pense que c’est le ressenti que partage la grande majorité de mauriciennes et mauriciens.

L’alliance au pouvoir est en train de célébrer une année marquée par plusieurs événements inédits, incluant des marches de protestations, des allégations de corruption au plus haut niveau. Qu’en pensez-vous?

Quand je rencontre les gens dans la rue, au supermarché, au bazar, le premier de leurs soucis c’est comment la situation post-Covid évoluera au niveau de leur pouvoir d’achat, leurs emplois et pour les jeunes, le manque de loisirs et la préservation de notre faune et flora - surtout après la catastrophe de Wakahsio.  

Sans aucune référence à ceux responsables de cet état de choses ?
Sincèrement à part une très petite minorité pour laquelle la politique partisane est comme un match de foot où chacun a son camp, la grande majorité de Mauriciennes et de Mauriciens ne sont nullement intéressés par les polémiques politiciennes.  Il y a au fait un cynisme envers toute la classe politique et cela est dangereux pour notre avenir.  D’autant plus l’importance de revenir aux principes de bases pour repenser l’avenir de ce pays que nous tenons tous, sans exception, quels que soit nos identités multiples, au profond de nos cœurs.

Donc toutes ces marches citoyennes ne vous ont pas marquée ? 
Bien sûr que ces marches citoyennes ont marqué les esprits. Mais encore une fois, je crois que les avis s’accordent à dire que le sentiment exprimé était contre toute la classe politique et non pas seulement contre un parti ou autre.

Le népotisme à outrance non plus ?
Je crois que quiconque de bon sens ne pourrait nier que la nomination du frère d’un ministre et du père d’un autre ainsi qu’une nomination outrageuse à la MSB dans un lapse de temps précédent la manifestation et dans la foulée de la catastrophe de Wakashio, a touché l’indignation de toute la population.  Mais nous serions hypocrites de prétendre que ces dérives relèvent d’un seul régime au pouvoir.   C’est justement pour cela que le ras le bol était dirigé envers toute la classe politique.

Vous aviez parlé un jour de la nécessité d’avoir un état laïc. Que vous inspire la marche des samouraïs avec le drapeau de l’Inde?
Je me permets juste une petite rectification.  Je n’ai pas parlé d’état ‘laic’.  Au contraire je me suis efforcée de bien préciser que je ne veux pas du concept de laïcité à la française  pour notre pays.  Ce n’est certainement pas un modèle qui devrait nous inspirer.  Les évènements en France nous en donnent la preuve.  Non, j’ai parlé plutôt de ‘secularism’, sécularité si vous voulez, parce que ces modèles anglophones de société pluriels  tels qu’au Canada mettent l’emphase sur la reconnaissance d’identités multiples et le droit aux citoyens d’exercer en toute liberté l’expression de leur identités multiples.  Dans une société plurielle comme la nôtre, il me semble beaucoup plus sain de nous inspirer de ces modèles de sécularité et d’en façonner notre propre version.  Il ne faut surtout pas faire du copier-coller parce qu’il nous faut toujours tout contextualiser.  C’est pour cela qu’il est regrettable qu’on n’ait pas encore entamé la construction de notre propre modèle de sécularité.  Tant que nous ne le ferons pas, nous ne construirons jamais une nation où chacun aura le sentiment d’appartenir à une même nation à part égale.  Et plus le temps passe, plus je me rends compte que cela est d’une urgence primordiale si on veut tous continuer à vivre paisiblement dans notre pays.  Je me hâte de préciser pour certains que sécularité n’équivaut pas du tout à un déni du droit ou non de souscrire et de pratique à une religion ou une autre.  Bien au contraire.  Mais pour construire une nation saine, il ne faut pas qu’il y ait dans l’imaginaire que chacun aurait de la nation ; d’hiérarchie d’importance de tel ou tel appartenance.  Ce qui compte c’est que dans la réalité de la vie de tous les jours, notre propre concept de sécularité se traduit dans des vraies conditions, concrètes crées pour favoriser le vécu d’une citoyenneté vertueuse et qui ne donne pas lieu à l’expression de toutes sortes de replis identitaires.

Est-ce que vous avez l’impression que c’est le cas actuellement ?  
L’exemple que vous citez n’est qu’un cas parmi d’autres.  De par mes échanges avec les gens que je rencontre au hasard, c’est l’impression qui se dégage.  Et cela n’augure rien de bien pour notre avenir commun de tous.

Quels sont vos rêves pour votre pays?
Eh bien justement, un pays où chacun se sent citoyen à part égale à tout autre citoyen serait  une nation saine dans laquelle nous serions tous tellement fiers d’y vivre et où il n’y aurait pas une multitude de malaises légitimes ou imaginaires. Mais c’est tout un projet. J’y réfléchis.

Pour en faire quoi ? Un nouveau parti politique ? A New Labour ?
Laissons évoluer les choses. Le temps nous donnera cette réponse.