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Traités de «karapat, paress»: des fonctionnaires répliquent

24 octobre 2020, 10:12

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Traités de «karapat, paress»: des fonctionnaires répliquent

«Fonctionnaire karapat dépi kan ti travay dan sa sa péi-la?», «…laplipar finn gagn enn travay par backing. Dir mersi. Gété komié somer pé rod travay» ou encore «fonctionnaire pares pé fer manifestasion». Ce ne sont là qu’une partie des commentaires qui ont fusé sur les réseaux sociaux après le rassemblement organisé, mercredi 21 octobre, par le président de la Federation of Public Sector and Other Unions (FPSOU), Rashid Imrith, à Port-Louis, pour déplorer les conditions de travail ou encore une indication selon laquelle le gouvernement ne paierait pas de boni de fin d’année. Une vague de critiques que Rashid Imrith, qui commémore le mardi 27 octobre ses 44 ans de fonctionnariat, trouve «normale».

«Le contraire nous aurait étonnés. La fonction publique est financée par l’argent des contribuables. Lorsqu’une personne finance un service, elle doit avoir le droit d’émettre des critiques. D’ailleurs, celles émises ne sont pas assez car c’est avec raison que le public est devenu exigeant. Le secteur public est appelé à devenir plus productif et efficient», estime le syndicaliste.

Par contre, soutient-il, «une hirondelle ne fait pas le printemps. Il y a des brebis galeuses, certes, mais il ne faut pas généraliser puisque certains services offerts par la fonction publique sont cinq-étoiles. Cependant, des adversaires ne veulent pas voir progresser le secteur public car ils souhaitent qu’il y ait des créneaux à développer en affaires lucratives». 

Rashid Imrith, qui occupe le poste d’Office Management Executive au ministère de l’Agro-industrie, ajoute que l’absence de communication de la fonction publique n’arrange pas les choses. «C’est la raison pour laquelle on propose depuis un moment, une semaine dédiée au service civil, chaque année, où le public peut découvrir le travail réalisé par les fonctionnaires. D’ailleurs, beaucoup ne savent pas qu’au sein de la fonction publique, nous avons ce qu’on appelle le ‘mystery shopping’ où un groupe de fonctionnaires se rend chez un prestataire en tant que clients pour repérer les failles et faire des recommandations en vue d’apporter des améliorations», indique-t-il.

Ce qui lui fait dire qu’au-delà des critiques du public, il y a aussi des institutions comme le bureau de l’Audit, le Public Accounts Committee ou encore les questions parlementaires qui assurent que les fonctionnaires offrent un meilleur service, tout en agissant dans les paramètres de la bonne gouvernance. «Sans compter que les 85 000 fonctionnaires sont aussi des consommateurs des services publics. De ce fait, c’est dans notre intérêt d’être plus productif», déclare Rashid Imrith. D’autre part, il tient aussi à rappeler que si, pendant le confinement, les bénéficiaires d’aides sociales ont pu recevoir leur argent ou encore bénéficier de la campagne de vaccination à l’intention des personnes âgées et vulnérables, c’est aussi grâce aux fonctionnaires.

«Fonksioner triy bred» De son côté, un management support officer (MSO) de 30 ans, qui a rejoint la fonction publique il y a deux ans après avoir travaillé pour le secteur privé pendant une décennie, confie qu’auparavant lui aussi croyait que les fonctionnaires ne travaillaient pas. Maintenant qu’il fait partie du système, il dit se rendre compte du travail abattu par ces derniers. «Malheureusement, dans le passé, ce sont les fonctionnaires eux-mêmes qui ont véhiculé une mauvaise image. On connaît tous les histoires de ‘fonksioner triy bred’ ou encore qui prennent des pauses comme bon leur semble. Cette image tristement célèbre demeure», confie-t-il.

D’ajouter que ce n’est pas bien de dire que des fonctionnaires qui se tournent les pouces ont l’audace de réclamer leurs droits. «On signe une clause de confidentialité. Ce qui fait qu’on ne peut pas aller vers la presse pour dénoncer lorsque nos droits sont en train d’être bafoués. C’est seulement à travers le syndicat qu’on peut faire entendre notre voix», souligne le MSO.

Cela dit, il ne manque pas de faire ressortir que c’est facile d’émettre des critiques. «Quand on est dans la peau de ce fonctionnaire critiqué, c’est différent. Sans compter que le public peut beau critiquer, mais ce sont envers ces mêmes fonctionnaires qu’il doit se diriger pour des services. Ou encore, si l’occasion se présente, il postulera lui aussi pour avoir un emploi dans le secteur public. Car, au final,on veut tous d’une sécurité d’emploi», affirme-t-il.

Quant à Prisheela Mottee, fonctionnaire au bureau de l’état civil et vice-présidente de la Civil Status Officers Union, elle trouve dommage qu’il y ait cette perception du fonctionnaire ne travaillant pas et n’offrant pas un service de qualité. Ce, alors qu’ils sont là pour servir le public et travailler dans les meilleurs intérêts du pays, dans les paramètres de la loi. «On fait de notre mieux et des fois avec les moyens de bord», indique-t-elle.

Celle qui compte dix ans de service en tant que fonctionnaire souligne que malgré les critiques, l’on ne peut nier que la fonction publique a fait ses preuves pendant la période du confinement, notamment. «Elle a été l’épine dorsale en assurant les services essentiels notamment. Les fonctionnaires ont mis l’intérêt du pays en avant car ils sont là pour servir le public. Malheureusement, on n’entend que des critiques. Lorsque ces derniers clament leurs droits, même des jurons à l’encontre des fonctionnaires fusent parmi les commentaires sur les réseaux sociaux», déplore la jeune femme de 32 ans.

De préciser qu’à la fin de la journée, les fonctionnaires sont aussi des contribuables, des personnes qui ont recours à des emprunts pour la construction de leur maison ou pour les études supérieures de leurs enfants. «Les employés de l’État ne sont pas au-dessus de la loi. Eux aussi font face à l’instabilité de la situation économique. Je suis d’accord qu’on doit améliorer nos services afin d’atteindre la perfection dans nos prestations mais on ne peut pas discréditer le rôle joué par les fonctionnaires», affirme Prisheela Mottee.

Pour Prisheela Mottee, fonctionnaire au bureau de l’état civil,
le service public a fait ses preuves pendant le confinement.

Même son de cloche pour cet officier du Fisheries Protection Service qui compte 23 ans de carrière. Bien qu’il ne soit pas un fonctionnaire qui travaille dans un bureau de 9 à 16 heures, les critiques faites à l’égard de sa communauté ne le laissent pas insensible. «Le public ne connaît pas notre réalité. Dans notre cas, par exemple, on se fait souvent attaquer par les malfrats, que ce soit à terre ou en mer. Ce n’est que tout récemment qu’on nous a donné un tonfa. Et c’est la seule arme que nous possédons pour nous défendre alors que nos adversaires sont mieux équipés. Ce n’est qu’un exemple pour vous dire à quel point on travaille dans des conditions difficiles. Nous mettons notre vie est en péril. Je me souviens lorsqu’un de nos hauts cadres avait été kidnappé»,

raconte-t-il. Le problème, selon lui, c’est que le travail accompli par les fonctionnaires n’est pas suffisamment médiatisé. «Par contre, grâce à la technologie, les internautes peuvent facilement émettre des critiques.»