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Dr Reuben Veerapen: «Le Covid-19 arrivera forcément sur le territoire mauricien, autant s’y adapter»

16 octobre 2020, 09:30

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Dr Reuben Veerapen: «Le Covid-19 arrivera forcément sur le territoire mauricien, autant s’y adapter»

Les protocoles à La Réunion permettent de vivre dans la sécurité en n’asphyxiant pas l’économie. C’est l’exemple de ce qu’il faut faire, estime le Dr Reuben Veerapen : apprendre à vivre avec le virus que nous aurons encore pendant des mois, voire des années.

La Réunion est toujours en zone rouge avec 14 clusters actifs et, en deux jours, la semaine dernière, 112 nouvelles infections au Covid-19 ont été enregistrées. Pourtant, selon les médias réunionnais, les indicateurs montrent une baisse de circulation du virus et une amélioration de la situation. Qu’en est-il réellement ?
Nous avons eu environ 100 cas positifs (pas de patients malades) par jour vers la mi-août et au début de septembre et là, nous sommes plutôt à une moyenne de 40 cas positifs journaliers. Il ne faut pas non plus confondre positivité d’une personne complètement asymptomatique et un patient malade du Covid-19. Depuis dix jours, nous sommes sortis de la zone rouge ou zone de circulation active du virus. Le taux d’incidence pour 100 000 habitants par semaine est à 37 alors que le seuil d’alerte est de 50.Le nombre d’hospitalisations se situe à environ 50 et nous avons environ une dizaine de patients en réanimation. Ce qui indique que le système de soins est loin d’être saturé.

Les urgences ou autres structures apparentées reçoivent environ 30 suspicions de Covid-19 quotidiennement. Nous avons pu baisser le nombre de tests par jour. À un moment, c’était presque 3 000 par jour. Actuellement, c’est à moins de 2 000 tests quotidiennement et nous avons réussi à cibler les symptomatiques, les cas contacts, les personnels de santé ou encore les arrivées sur le territoire entre J2 et J4, après un premier test à J-3.Le taux de reproduction du coronavirus (R0) est largement en dessous de 1, signifiant que l’épidémie est, pour l’instant, sous contrôle.

La population réunionnaise a été exemplaire et disciplinée, à l’inverse d’autres régions car c’est elle qui a permis d’obtenir ces bons chiffres. Nous avons appris à vivre avec le virus en appliquant les mesures barrières (masques, distanciation physique dans la vie de tous les jours et en milieu professionnel, lavage des mains…) et en évitant des événements festifs familiaux avec un nombre trop important de convives.

C’est l’exemple même de ce qu’il faut faire, c’est-à-dire apprendre à vivre avec ce virus que nous aurons pendant encore de longs mois, voire des années. Il n’y a plus cette peur de la maladie en sachant que le système de soins hospitalier n’est pas sous tension et que les circuits en extra-hospitaliers fonctionnent bien (centre ambulatoire dédié au Covid-19). La vie a repris son cours quasi normalement, avec la reprise du sport ou des spectacles et surtout les possibilités de déplacement vers l’Europe (cinq à six vols par jour). Il faudra rester vigilant car l’épidémie reprend là-bas et il faut que la population ne baisse pas la garde. C’est elle qui a la clé pour éviter une nouvelle vague. 

Comment expliquez-vous que ce soient surtout les jeunes de 15 à 44 ans qui soient les plus touchés désormais à la Réunion ?
Cette tranche d’âge 15-44 ans est celle qui est la plus active (collège, université, milieu professionnel…) et se côtoie beaucoup plus. Par ailleurs, ce sont statistiquement des personnes moins vulnérables, qui développent des formes mineures du Covid-19 ou asymptomatiques, le plus souvent. Pour preuve, nous avons eu un seul décès d’un patient de moins de 65 ans. Il y a ce sentiment de moindre vulnérabilité, qui fait que cette catégorie fait moins attention aux mesures barrières que les autres.

Les plus âgés ou ceux qui ont des comorbidités (diabète, hypertension, obésité…) se protègent beaucoup plus et évitent les contacts extérieurs. Ils font très attention. Mes patients dont la moyenne d’âge est de 70 ans s’auto-confinent, en ne faisant plus ou très peu de fêtes familiales et vont faire les courses aux heures creuses etc. 

Le deuxième vol commercial d’Air Mauritius sur La Réunion a eu lieu le lundi 12 octobre. Maurice impose la quarantaine d’une quatorzaine de jours aux voyageurs qui débarquent à l’aéroport SSR avec trois tests PCR à la clé. Estimez-vous que ce sont de bonnes mesures ou sommesnous surprotecteurs ?
Pour Maurice, c’est au gouvernement mauricien de décider. Les protocoles que nous avons actuellement à La Réunion nous permettent de vivre dans la sécurité en n’asphyxiant pas l’économie (restaurateurs, hôteliers, gens du spectacle…) et en préservant un droit fondamental de circuler. Nous imposons un test avant de prendre l’avion J-3 et un deuxième entre J2 et J4 et la poursuite des mesures barrières. Il n’y a pas de confinement à l’arrivée et les personnes testées négatives reprennent le travail à J0 avec le respect des mesures barrières.

«Tôt ou tard, Maurice sera obligée de rouvrir ses frontières (…) et le virus ne sera pas maîtrisé.»

Il ne faut pas oublier que le taux de personnes encore positives après sept jours d’un premier test est de l’ordre de 4%. Le contrôle de l’épidémie dépend surtout de ces mesures barrières. La Réunion n’a, à aucun moment, été dans une situation sanitaire alarmante, c’est-à-dire pas de débordement du système de soins pour permettre de soigner toute la population Covid-19 ou non Covid-19. On est plutôt sur une phase décroissante de l’épidémie, ce qui montre que ces mesures fonctionnent correctement.

Maurice étant une île, on pourrait faire un parallèle avec les mesures mises en place à La Réunion. Tôt ou tard, Maurice sera obligée d’ouvrir ses frontières au risque de se retrouver en banqueroute et le virus ne sera pas maîtrisé avant encore plusieurs mois, voire un à deux ans. Le Covid-19 arrivera forcément sur le territoire mauricien et autant s’y adapter et apprendre à vivre avec.

Les vols entre la France où plusieurs villes sont en zone d’alerte maximale et La Réunion se poursuivent à une cadence normale. La France enregistrant une deuxième vague d’infections ne met-elle pas l’île à risque d’avoir une explosion de cas importés, d’autant plus qu’à La Réunion, le test PCR à l’arrivée n’est pas obligatoire ?
Ce risque existe, mais le protocole en place avec le test à J-3 et le deuxième entre J2 et J4, associé à des gestes barrières, devrait le minimiser. Comme je l’ai déjà dit, tout cela dépend de la population et de la mise en œuvre des mesures barrières. 

Des pays européens comme la France, l’Espagne, les Pays-Bas, enregistrent une deuxième vague de contamination et craignent une explosion de cas avec l’hiver au pas de leur porte. Inversement, l’été est arrivé dans les îles de l’océan Indien. Sommes-nous climatiquement plus protégées ?
On n’en sait absolument rien à aujourd’hui. Il y aura peut-être une saisonnalité mais on pourra le dire uniquement à partir de l’année prochaine. La vague en Europe avait déjà commencé vers la mi-septembre alors qu’il faisait encore chaud à Marseille ou à Bordeaux… Je pense que c’est plutôt conjoncturel de la reprise scolaire, universitaire et le retour à une vie économique soutenue (en France les mois de juillet et août sont des mois de faible activité en entreprise). 

Les dernières études en laboratoire indiquent que le Covid-19 reste infectieux pendant 28 jours sur des billets de banque, des écrans de téléphone et autres surfaces en verre, sur du plastique et sur l’acier inoxydable. Autant le port du masque et de la visière peut contenir les émissions aériennes du virus, comment faire au vu de ces nouvelles données pour s’en protéger tactilement ?
Le virus se transmet essentiellement entre deux personnes dont l’une est contaminée et surtout par voie aérienne (transmission de gouttelettes). Il existe d’autres modes de contamination (digestive, par contact et ensuite porter ses mains au niveau de la bouche et du nez…). Le fait de se laver les mains régulièrement, de nettoyer également les différentes surfaces exposées à intervalle régulier avec les produits ad hoc devrait être suffisant pour l’éviter.

Il faut faire également attention à des études expérimentales, qui ne reflètent pas la vraie vie car, certes, on a du virus vivant à J28 mais estce que l’inoculum (la quantité de germes) est suffisant pour déclencher la maladie chez un être humain en bonne santé ? Pour rappel, toutes les mesures barrières ont fait que cette année, il n’y a pas eu d’épidémie de grippe à la Réunion et très peu de cas de gastro-entérite.

À octobre, le virus est-il moins virulent et moins mortel qu’au début de la pandémie en janvier-février ?
Le Pr Didier Raoult, spécialiste des maladies infectieuses et professeur de microbiologie à l’université d’Aix-Marseille, affirme que le virus aurait muté mais il n’y a pas eu confirmation de l’ensemble de la communauté scientifique en ce sens. Par contre, on sait mieux le soigner de manière symptomatique : on utilise de l’oxygène à fort débit et on intube moins, on utilise de la cortisone vers J8, des anticoagulants à des doses un peu plus fortes et plus précocement dans les formes graves, évitant un grand nombre de décès par embolie pulmonaire, comme constaté au tout début