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Pourquoi la promesse d’augmentation bat en retraite

7 octobre 2020, 19:24

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Pourquoi la promesse d’augmentation bat en retraite

En 2019, Pravind Jugnauth annonçait que la pension de vieillesse passerait à Rs 13 500 jusqu’à la fin de 2023. Un an plus tard, cette mesure pourrait être revue. En effet, sa déclaration, évoquant un «gâteau qui rétrécit» à la Journée internationale des personnes âgées, jeudi dernier, provoque des remous chez les bénéficiaires. Pourquoi cette promesse risque-t-elle de ne pas être tenue ? Explications.

«Ce n’est pas juste. Tout augmente : les aliments et surtout les médicaments plus chers par Rs 100 à Rs 200. Comment va-t-on vivre si on nous prive de la hausse de la pension ? C’était une promesse. Qu’ils la tiennent», martèle Maria Méguel, retraitée de 66 ans. Depuis que l’augmentation de la pension de vieillesse est revenue sur le tapis le 1er octobre, la pensionnaire est dans la tourmente. Tout comme Moobesh Seetohul, 53 ans, au chômage depuis le confinement, qui s’inquiète pour sa maman de 85 ans. «Déjà que je n’ai plus de travail, cela sera encore plus difficile. Nous ne faisons que passer de crise en crise», indique-t-il.

Les critiques des citoyens fusent sur la promesse de la pension à Rs 13 500 au terme du mandat gouvernemental et qui pourrait être mise en suspens. Une annonce faite le 1er octobre 2019 lors de la Journée mondiale des personnes âgées. Or, pour l’édition 2020, Pravind Jugnauth mentionne plusieurs impératifs pesant sur cette mesure.

Évoquant une hausse de 148 % depuis novembre 2014 jusqu’à présent et réitérant l’impact énorme sur divers secteurs provoquant une contraction de l’économie, le Premier ministre a déclaré que «le gâteau prévu lors de la campagne électorale a malheureusement rétréci. Si bien que les institutions internationales demandent à tous les pays de revoir leurs prestations au niveau de la sécurité sociale… Nous faisons tous face à des difficultés…» Bien qu’il ait assuré que des efforts de soutien aux aïeux seront faits, les propos semblent être mal digérés, laissant planer le doute sur la mise en application ou le retrait de la mesure. Pourquoi cette promesse pourrait-elle être brisée ? Sam Lauthan, ancien ministre de la Sécurité sociale, évoque une dure réalité : l’économie va très mal. «Les secteurs qui rapportaient gros, comme le tourisme, ont été largement affectés. En même temps, il y a un engagement moral envers les aïeux. Il faut un débat élargi avec des stakeholders, le secteur privé, etc. pour une solution», soutient-il. Des concessions sont nécessaires car la question des séniors devrait demeurer une des principales préoccupations. «Où couper les dépenses et dans quel secteur pour financer la pension ? C’est un dilemme. Il faut que l’État y réfléchisse», ajoute-t-il. Mais cette réflexion au- rait dû se faire dès décembre 2019 après l’apparition mondiale du Covid-19, affirme le syndicaliste Rashid Imrith. «Il fallait faire un plan de financement dès l’annonce de l’engagement de l’État à augmenter la pension. On ne peut pas brandir le prétexte du Covid-19 maintenant pour ne pas aller de l’avant. Le 1er octobre 2020, le Premier ministre a évoqué que la situation a changé. En d’autres mots, la hausse de la pension ne sera pas respectée. Pourtant, en janvier 2020, le président de la République confirmait que le gouvernement honorerait son engagement pour la pension. Le Premier ministre ne peut le prendre à contre-pied. Ceci a été dit au Parlement, ce qui a plus de valeur qu’en campagne électorale», déclare-t-il.

 De plus, il critique l’institution de la Contribution sociale généralisée (CSG), fonds qui devrait financer l’augmentation de la pension. «Cela ne fait aucun sens d’opérer la CSG si la pension ne sera pas augmentée. Pourquoi y contribuer alors ? Où ira donc cet argent ?» se demande Rashid Imrith.

Optimiste, Prem Seebaruth, président du Senior Citizens Council, souligne que rien ne prédit le retrait de cette mesure. «Nous sommes satisfaits d’avoir eu la pension à Rs 9 000. L’État continuera sur la bonne marche dans la mesure du possible. Si dimé péi lamem péna larzan, pa pou kas ros pou kapav gagn kas», explique-t-il.

Du côté des actuaires, Bernard Yen, Managing Director de Aon Hewitt Ltd, souligne que déjà sans le Covid-19, l’augmentation de la pension jusqu’à Rs 13 500 allait être très difficile et insoutenable à long terme. «Donc, pour moi, c’est tout à fait normal que le Premier ministre nous prévienne que la pension de vieillesse à Rs 13 500 ne sera pas possible. D’ailleurs, avec la CSG, l’intention annoncée jusqu’à présent est qu’en juillet 2023, l’objectif de Rs 13 500 sera atteint à 65 et non pas à 60 ans», précise-t-il.

240 000 seniors en 2023

Qu’est-ce que cela impliquerait s’il fallait maintenir cette augmentation ? D’après les estimations de notre interlocuteur, en juillet 2023, il y aura environ 240 000 personnes âgées de plus de 60 ans, dont 190 000 de plus de 65 ans. «Aujourd’hui, nous avons déjà environ 225 000 personnes âgées de plus de 60 ans et la Basic Retirement Pension (BRP) de Rs 9 000 pour elles coûte environ Rs 26 milliards par an. En 2023, ce chiffre va passer à environ Rs 28 milliards et s’il fallait à ce moment- là augmenter la BRP à Rs 13 500 cela coûterait environ Rs 14 milliards additionnels par an.»

Par contre, si la CSG de Rs 4 500 (la différence entre Rs 13 500 et Rs 9 000) est payée après 65 ans, la dépense additionnelle sera réduite à Rs 11 milliards par an. «Pour moi, ce coût additionnel est toujours trop élevé pour notre économie. C’est pourquoi j’espère que le gouvernement va revoir la CSG en profondeur et avec des consultations élargies pour arriver à un coût plus raisonnable et soutenable dans le long terme», conclut-il.

En chiffres

<p><strong>223 347</strong></p>

<p>&nbsp;C&rsquo;était le nombre de bénéficiaires de la pension de retraite de base âgés entre 60 et 89 ans en août 2020. D&rsquo;après Statistics Mauritius, 4 306 Mauriciens de 90 à 99 ans touchaient une pension mensuelle de Rs 16 710, tandis que 167 centenaires percevaient une allocation de Rs 21 710 durant cette même période. En revanche, en août 2019, 214 484 bénéficiaires de 60 à 89 ans touchaient une pension mensuelle de Rs 6 210. 4 135 Mauriciens de 90 et 99 ans recevaient Rs 16 210 par mois et 151 centenaires, un montant de Rs 21 210. Pour 2018-2019, l&rsquo;État a déboursé Rs 18,6 milliards pour les pensions, soit une augmentation de 10,4 % comparée à 2017-2018.</p>