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Karuna Ramhit, «High Achiever» de l’ACCA: une jeune femme qui sait faire parler les chiffres

5 octobre 2020, 22:34

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Karuna Ramhit, «High Achiever» de l’ACCA: une jeune femme qui sait faire parler les chiffres

Si les fins limiers de toute police savent généralement faire parler des suspects, c’est dans un autre registre que Karuna Ramhit s’est illustrée et c’est celui de faire parler les chiffres. Portrait de celle qui est sortie première pour Maurice et quatrième mondiale sur 4 086 participants à l’examen de taxation de l’Association of Chartered Certified Accountants (ACCA).

C’est mercredi que cette femme de 30 ans a reçu son trophée au cours d’une cérémonie récompensant les High Achievers de l’ACCA pour 2020. Si Karuna Ramhit était confiante d’avoir bien fait à l’examen de taxation, cette cadette de Vinod Ramhit, ancien Household attendant à la State House, qui est à la retraite après 45 ans de service, était loin de s’imaginer qu’elle obtiendrait une note de 97 sur 100 à cet examen. «Une fois que l’on connaît sa note, on se demande où on a bien pu perdre les trois petits points qui manquent», dit-elle, les yeux brillants d’excitation à chaque fois qu’elle parle de chiffres et de bilans financiers.

Le plus étonnant avec Karuna Ramhit est qu’elle ne se destinait pas du tout à la comptabilité mais à la pharmacie après des études secondaires en sciences au collège Hindu Girls à Curepipe. Puis, c’était le Marketing Management, qui a eu ses faveurs après qu’elle a visité la Métropolitan University à Londres et assisté à une présentation sur cette filière. «Cette présentation était de si haut niveau que cela m’a inspirée et j’ai pensé à me spécialiser en Marketing Management», raconte-t-elle. C’est ainsi qu’à son retour à Maurice, elle a obtenu son admission à l’université de Maurice et a suivi un cours menant au Bachelor in science (BSc) en Marketing Management. Si elle a trouvé le domaine intéressant, au final et une fois son diplôme obtenu, elle ne se voyait plus y faire carrière car elle est «très timide, voire renfermée. Alors que dans les ventes, il faut être extravertie.»

Pour s’occuper en attendant d’être fixée sur la voie qu’elle voulait suivre, elle a fait du porte-à-porte par autobus et a vendu en freelance des packages télévisés pour le compte de MC Vision. Malgré sa réserve, elle a réussi, en l’espace de quelques mois, à convaincre une vingtaine de personnes. Lottotech cherchant à l’époque un Project Leader sur une base contractuelle pour vendre ses cartes à gratter, elle a postulé et a réussi l’entretien. Elle est restée six mois au sein de cette entreprise où l’équipe l’a accueillie à bras ouverts.

Dans ma tête,c’est clair que je serai un jour directrice financière.

Si elle a chômé pendant les six mois suivants, en parcourant un site de recrutement, elle a noté que la Compagnie Mauricienne de Textile (CMT) recherchait un(e) Sales Executive à plein temps. Comme cela cadrait avec son BSc, elle a postulé et obtenu le poste. Recrutée comme stagiaire d’abord, elle a été encouragée à participer aux réunions de pré-développement des lignes de vêtements, à leur développement, à leur présentation aux clients. Karuna Ramhit a aussi été chargée du suivi des commandes et s’est occupée du relationnel avec les clients majoritairement anglais. Même aujourd’hui, alors que de l’eau a coulé sous les ponts depuis, elle se dit très reconnaissante envers Sharmilee Nunhoo, son supérieur immédiat à la CMT, qui lui a mis le pied à l’étrier et l’a aidée à voir plus clair dans ses choix.

«Elle m’a permis et même encouragée à prendre des initiatives, d’assister à des réunions importantes, de grandir au niveau professionnel. Nous avons travaillé trois ans ensemble.» C’est au cours de sa dernière année à la CMT qu’elle découvre le Costing. Et c’est pour elle une révélation. «Je me suis prise de passion pour le Costing. Par exemple, lorsqu’il y avait un retard dans les commandes, j’adorais remonter la filière et faire parler les chiffres pour donner des explications aux clients. C’est là que j’ai réalisé que plus que la vente et la communication, c’était les chiffres qui m’intéressaient et que je voulais trouver des solutions aux problèmes en les décortiquant.»

Karuna Ramhit se dit alors qu’elle doit prendre du recul et réfléchir sur ce qui lui correspondrait réellement professionnellement. Et le seul moyen de le faire est de démissionner. Pendant six mois, elle se met en mode pause, tout en se renseignant sur les différents domaines financiers qui pourraient éventuellement l’intéresser. En surfant sur la Toile, elle tombe sur le site de l’ACCA Global et décide de visiter le bureau mauricien. Une préposée lui explique en quoi consiste ce programme et lui conseille de prendre un cours en ligne pour savoir si c’est ce qu’elle veut faire réellement.

«C’était un cours pour débutant. Le pire est qu’à l’école, je n’aimais pas la comptabilité. Même lorsque j’étudiais à l’université, il y avait un module sur la comptabilité que j’ai échoué. J’ai dû le reprendre et prendre des leçons pour réussir. Or, en suivant ce Beginners’ course qui avait trait au Financial reporting et au Management accounting, j’ai commencé à comprendre la base de la comptabilité et j’ai trouvé ça intéressant.» Elle sait alors qu’elle a trouvé sa voie. En suivant les conseils de la préposée du bureau mauricien de l’ACCA , elle opte pour le Platinum Partner, dont les cours sont dispensés au London College of Accountancy à Ébène. Pour le niveau 1, elle s’y rend trois fois la semaine et pendant six mois, elle suit les cours de Financial Accounting, Management Accounting et Accountant in Business et prend l’examen qu’elle réussit. C’est en janvier 2019 qu’elle entame le niveau 2 dans lequel il y a six papiers. Elle en prend deux, soit le Financial Reporting et le Performance Management qu’elle trouve «tough» mais qu’elle réussit néanmoins. C’est en juillet qu’elle commence le cours de Taxation qu’elle apprécie, même «s’il faut mémoriser des politiques et des lois et les appliquer à différents scénarii. Il y a beaucoup de détails à retenir, de clauses et de calculs à faire car cela concerne la taxe des compagnies et des particuliers».

Et lorsque tombe le résultat, elle est très émotionnée. «J’ai pleuré quand j’ai eu mes résultats. En réfléchissant sur les trois points perdus, je me dis que j’ai dû me tromper sur une clause légale. Mais ce résultat incroyable m’incite à continuer de plus belle.»

Elle aurait bien voulu prendre les autres cours du niveau 2 en simultané mais elle est un peu serrée au niveau financier car un cours pour un thème coûte Rs 8 500 et elle doit encore trouver Rs 6 000 pour l’examen. «Mes économies ont fondu», dit-elle en riant. Elle s’est donc mise en quête d’un emploi qu’elle a fini par trouver récemment car jusqu’ici et vu son Curriculum Vitae, on la dirigeait surtout vers les ventes et le marketing. Début septembre, elle a réussi à se faire embaucher par une management company sud-africaine basée à Tamarin et elle y est Specialist in accounting. «J’applique dans la vie réelle la logique de ce que j’ai appris dans mes cours et je travaille avec le directeur financier.» Cet emploi bien rémunéré lui permettra de reprendre ses cours d’ACCA et compléter les papiers du niveau 2 d’ici l’an prochain et de prendre les cours tombant sous le niveau 3 ensuite. Vu qu’elle est prise en semaine avec son travail et qu’elle rentre à Moka lessivée après un si long trajet allerretour jusqu’à Tamarin, c’est le dimanche qu’elle va suivre son cours d’ACCA au London College of Accountancy. «Il faut trouver du temps pour les assignments et je dois avouer que je ne suis pas encore habituée au rythme. Mais je dois foncer. Je me donne un an et demi pour compléter l’ACCA.»

Une chose est certaine, c’est qu’elle sait désormais qu’elle vise un poste de directrice financière dans quelques années. «Je m’implique autant non pas parce que cela fait joli de dire qu’on a fait l’ACCA mais parce que je suis désormais sûre de vouloir travailler dans la comptabilité et plus généralement le business management. Dans ma tête, c’est clair que je serai un jour directrice financière. Je sais que je suis sur la bonne voie. Je veux développer mon expertise dans chaque domaine des finances. Je veux avoir les compétences et pas que le titre. La qualification sera le bouquet final. Je veux être digne du titre de Qualified Accountant by ACCA».

Karuna Ramhit estime qu’il faudrait que les gens écoutent leur cœur et aiment leur travail. «C’est ainsi qu’ils feront un travail de qualité. S’ils n’aiment pas ce qu’ils font, qu’ils soient au moins reconnaissants d’avoir un emploi et que leurs employeurs leur aient fait confiance. Et s’ils sentent qu’ils ne sont pas dans le domaine où ils devraient être, qu’ils aient le courage de démissionner pour aller faire ce qu’ils aiment… »