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France ou Kanaky, la Nouvelle-Calédonie retient son souffle

4 octobre 2020, 12:10

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France ou Kanaky, la Nouvelle-Calédonie retient son souffle

La Nouvelle-Calédonie, archipel stratégique de 270 000 habitants dans le Pacifique-sud, retient son souffle dimanche, dans l’attente des résultats du deuxième référendum sur l’indépendance, marqué par une mobilisation sans précédent, largement supérieure à celle du premier scrutin il y a deux ans.

Les 304 bureaux de vote ont fermé à 18H00 locale (9H00 heure de Paris). Les résultats définitifs ne devraient pas être connus avant plusieurs heures.

Emmanuel Macron doit s’exprimer à 13H00 depuis l’Elysée. En mai 2018, il avait souligné que «la France serait moins belle sans la Nouvelle-Calédonie».

Près de 180 598 électeurs de cet archipel français, colonisé en 1853 et disposant d’importantes réserves de nickel, étaient invités à répondre à la question: «voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante?».

Un premier référendum, organisé le 4 novembre 2018, avait vu le «non» l’emporter à 56,7%, un résultat plus serré qu’anticipé.

Dimanche, une heure avant la fermeture des bureaux, le taux de participation s’établissait à 79,63%, soit 6 points de plus que lors du premier référendum, selon le Haut-commissariat.

Selon l’historien Paul Fizin, cette mobilisation pourrait bénéficier aux deux camps. Parce qu’en 2018 certains loyalistes, persuadés de l’emporter aisément à l’aune des sondages, ne s’étaient pas déplacés, tandis qu’aux îles Loyauté, fief kanak, l’abstention avait été aussi sensible, en raison de l’appel à la non participation du Parti travailliste, implanté dans cette région.

Dans les rues de Nouméa et dans les quartiers populaires à majorité kanak, les indépendantistes ont largement manifesté toute la journée leur enthousiasme pour cette élection par des concerts de klaxons et des défilés de drapeaux.

Dans ce territoire à 18 000 km de Paris, qui représente l’un des derniers bastions de souveraineté européenne dans la zone après le Brexit, il fallait dans la matinée parfois plusieurs heures de queue pour glisser son bulletin dans l’urne.

C’était le cas notamment dans un bureau de vote du quartier populaire kanak de Montravel, au nord de Nouméa. «Je suis arrivée à 8H30 et il est 11H00, on n’est pas rentré encore, mais pour la dignité du pays, on attend», explique Chanié, Kanak originaire de Lifou, en robe orange et coiffe en feuille de maïs. «Mon choix c’est Oui, parce que je veux que ceux qui vont diriger notre pays, ce soient nos enfants, et plus la France».

Daniela, attendait elle dès 7H30, devant les bureaux de vote à la Vallée des Colons, un quartier pluriethnique de Nouméa: «je vote non car la France a toujours été là pour nous, elle le restera j’espère».

Tous les habitants du Caillou ne peuvent pas s’exprimer: le corps électoral de ce scrutin sensible est conditionné à plusieurs critères, comme justifier d’une résidence continue en Nouvelle-Calédonie depuis au moins le 31 décembre 1994, être natif de l’archipel ou relever du statut civil coutumier kanak.

Christophe, 57 ans, dont parents et grands-parents sont nés sur le Caillou, est venu avec toute sa famille. «Chaque voix compte», insiste ce Caldoche, pour qui «la Nouvelle-Calédonie n’est pas prête à être indépendante financièrement».

«J’entends les arguments qui disent que c’est dangereux économiquement», mais «je vais voter oui», explique Guillaume Berger, un autre caldoche. «Notre présence ici sera remise en question si on n’est pas capable de construire l’indépendance avec les Kanak».

La consultation s’est déroulée sans mesure barrière ni masque, puisque l’archipel est exempt de Covid-19, grâce à une réduction drastique des vols internationaux et une quarantaine obligatoire pour tout arrivant.

Ce référendum, comme le premier, s’inscrit dans un processus de décolonisation entamé en 1988 par les accords de Matignon, signés par l’indépendantiste kanak Jean-Marie Tjibaou et le loyaliste Jacques Lafleur, après plusieurs années de quasi guerre civile entre Kanaks, peuple premier, et Caldoches, d’origine européenne.

Ces affrontements avaient culminé avec la prise d’otages et l’assaut de la grotte d’Ouvéa en mai 1988 (25 morts).

Ces accords, consolidés dix ans plus tard par l’accord de Nouméa, ont institué un rééquilibrage économique et géographique en faveur des Kanaks et un partage du pouvoir politique, même si les inégalités sociales restent importantes.

Les observateurs jugent une victoire du «oui» peu probable, mais n’excluent pas sa progression.

En cas de victoire du «non», un troisième référendum est possible d’ici à 2022. Une option que refusent déjà les loyalistes mais que les indépendantistes disent vouloir mettre en oeuvre.