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La guillotine publicitaire du GM encore plus aiguisée

3 octobre 2020, 22:00

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La guillotine publicitaire du GM encore plus aiguisée

Le marché de la pub, selon une étude de l’Association of Communication Agencies, a reculé de 14 % durant le confinement. Et les annonceurs, de même que ceux impliqués dans le domaine de l’événementiel, craignent que l’année 2020 ne soit marquée par un recul total de 74 % de leurs revenus. Si ce chiffre donne froid dans le dos, le gouvernement doit, lui, bien en rire. Ses boycotts publicitaires contre les titres tels que «l’express» et «Top FM» pèsent encore plus lourd dans la balance.

«To pou fou lamerdman, inn dir nou pa donn piblisité l’express», a lancé un ministre au Chairman d’une institution publique quelques jours après le déconfinement. Celleci voulait le jour même de l’incident faire passer une publicité dans le journal l’express. Cette scène, qui nous a été racontée par le Chairman en question pour expliquer qu’il n’allait plus faire passer ses pubs dans l’express, illustre bien la stratégie du gouvernement : tenter d’asphyxier commercialement ses critiques.

C’est ce qui est arrivé à Top FM quand celle-ci a voulu contester les licences octroyées à Planet FM et Wazaa FM. «Le lendemain même, Mauritius Telecom a unilatéralement mis fin à trois contrats publicitaires, dont un qui durait depuis 17 ans. SBM a suivi en enlevant toutes ses pubs sur notre antenne, mais également en nous privant d’overdraft (NdlR : facilité bancaire qui permet à une entreprise de se mettre temporairement à découvert). Tous les ministères en quelques semaines ont disparu de notre régie», raconte Balkrishna Caunhye, directeur de Top FM.

Cette pratique est loin d’être nouvelle. Durant son troisième mandat (2010-2014), Navin Ramgoolam avait adopté la même approche de boycott publicitaire face à l’express. Le journal avait porté l’affaire en cour pour demander le rétablissement d’une fair-share telle que prescrite dans la Newspaper and Periodicals Act (voir encadré sur le changement en catimini apporté en 2019). Étonnamment, l’État abdique en signant devant le juge qu’il allait rétablir les publicités gouvernementales dans l’express. Mais les actions ne suivent pas et l’express loge une nouvelle action. Cette dernière est toujours en cours à ce jour.

Entre-temps, en 2015, le gouvernement de l’alliance Lepep avait rétabli la publicité gouvernementale dans l’express avant de se fâcher à son tour contre le journal. Ainsi, de 2018 à ce jour, l’express fait à nouveau face au boycott publicitaire du gouvernement. «Nous parlons là de Rs 10 à 15 millions pour le titre l’express», explique Philippe Forget, Chairman du groupe La Sentinelle.

«C’est vrai qu’en temps de crise, ces millions pèsent plus lourd, quand les autres annonceurs révisent leur budget à la baisse», conclut-il. Une analyse qu’épouse également Balkrishna Caunhye : «Mais nous n’allons pas abdiquer. Je pense que la ligne éditoriale critique du pouvoir qu’adopte Top FM bénéficie au pays, même si cela peut nous porter un préjudice financier.»

En effet cette situation, bien que préjudiciable, n’est pas fatale. L’historien Jocelyn Chan Low, raconte que la relation conflictuelle entre l’État et la presse date depuis la liberté de la presse. «À chaque fois, c’est la presse qui en est sortie gagnante. Un gouvernement ne pourra pas éternellement se passer des services de la presse indépendante. Dans les foules de Mahébourg et de Port-Louis, nous avons vu un soutien important aux médias qui sont boycottés des communications du pouvoir.» Jocelyn Chan Low voit cependant une différence entre les boycotts précédents et l’actuel : la présence de médias complaisants.

Le site de propagande gouvernementale Inside News et sa radiosœur, Wazaa FM ne se contentent pas d’être la voix du pouvoir. Ils bénéficient aussi du soutien massif de Mauritius Telecom, par exemple. «C’est une anomalie quand on considère qu’Inside News n’est que le 34e site consulté à Maurice selon Alexa et que Wazaa FM n’est même pas citée dans certains sondages d’audience», nous confie le directeur d’une agence de publicité.

Le gouvernement actuel, entretemps, ne montre aucun signe d’assouplissement. Au contraire, juste après le déconfinement, le Government Information Service (GIS) a reçu des consignes strictes pour ne faire passer aucune publicité dans l’express. «Il n’y a pas eu de directives à travers une circulaire, mais on a reçu des coups de téléphone et des instructions verbales en ce sens», nous confie notre source au GIS.

L’amendement en catimini pour contourner l’express des annonces gouvernementales

<p>C&rsquo;est un changement majeur qui a été apporté à <em>la Finance Act</em> de 2019 et dont personne ne s&rsquo;était rendu compte. Ainsi, la partie régissant les publications officielles dans la <em>Newspapers and Periodicals Act</em> a été amendée. Auparavant, un communiqué gouvernemental ou même les annonces obligatoires d&rsquo;une compagnie ou même d&rsquo;un citoyen (un avis de changement de nom par exemple), devait être publié dans un journal avec une <em>&laquo;wide distribution&raquo;. </em>Or désormais, <em>&laquo;a daily newspaper or by electronic means&raquo;</em> suffit.</p>

Une chanson satirique disparaît mystérieusement de l’antenne d’une radio

<p>Une chanson satirique composée par deux animateurs d&rsquo;une radio privée a fait le buzz la semaine dernière. Elle reprenait une phrase culte du Premier ministre sur la mélodie d&rsquo;une chanson internationale pressentie pour être le disque de l&rsquo;année. Or, cette semaine elle a complètement disparu de l&rsquo;antenne. Y a-t-il eu des pressions commerciales ou gouvernementales ? Nous avons posé la question à la direction de cette station. <em>&laquo;La chanson n&rsquo;a simplement pas été diffusée pour des questions de règles de programmation. Nous pourrons la rejouer quand il faudra. Il n&rsquo;y a eu aucune pression de quelque sorte pour qu&rsquo;on n&rsquo;arrête de la diffuser&raquo;</em>, nous a répondu un des dirigeants de cette radio.</p>