Publicité

Virginie Parisot, citoyenne engagée: touche pas à ma région!

20 septembre 2020, 15:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Virginie Parisot, citoyenne engagée: touche pas à ma région!

Une situation difficile peut nous faire fuir. Ou réagir. Si le fioul du «MV Wakashio» ne s’était pas déversé dans le lagon du Sud-Est, Virginie Parisot, ancienne chef de plateau dans des centres d’appels, qui a grandi à Blue-Bay avant de s’installer à Mahébourg, n’aurait sans doute jamais pris la parole lors de la marche citoyenne du Kolektif Solider samedi dernier.

Être juste et équilibrée dans tout ce que l’on dit et fait, cela a toujours été le leitmotiv de cette chaleureuse femme de 45 ans, mère d’un fils de 15 ans, qui a passé les 15 premières années de son existence à Blue-Bay. En période scolaire – elle a fréquenté le collège Willoughby de Mahébourg jusqu’en Form V –, elle se consacrait à ses études. Mais durant les vacances, l’après-midi, elle attendait que la marée soit basse pour marcher jusqu’aux récifs et trouver des «zéros», coquillages à la chair très goûtée.

Elle savait quels pièges éviter car son père, Clément, lui a appris la mer, lui qui l’a longtemps pratiquée, d’abord en tant que marin et pêcheur, avant qu’il ne «jette l’ancre» à terre comme cuisinier. Lorsque Virginie Parisot a 15 ans, elle et les siens déménagent pour se rapprocher du lieu de travail de ses parents et ils s’installent à Mahébourg.

Au sortir de l’école, elle entame des cours de secrétariat chez Orian qu’elle ne complète malheureusement pas car elle refuse que son père s’endette pour cela. Elle trouve alors un emploi de baby-sitter à l’hôtel Shandrani et y reste trois ans. Avec ses économies, elle suit une formation en hospitalité et management auprès de HOTEC. Mais elle a du mal à se faire embaucher par des hôtels car la distance décourage les employeurs intéressés par sa candidature.

Virginie Parisot travaille dans des fast-foods de la région et même au cimetière du village. Jusqu’à ce qu’elle intègre un centre d’appels comme télé-agent. Au bout de sept mois, elle est promue superviseur et s’accroche car elle veut devenir chef de plateau, voire directrice. «Quand je sais ce que je veux, je suis une personne qui ne lâche jamais l’affaire», précise-t-elle. Au bout de quelques années, elle démissionne et prend de l’emploi dans un autre centre d’appels où de meilleures conditions lui sont offertes.

Mo enn sinp sitwayen ki lé ki so lavwa tandé ek ki lé dir ki ‘le système est à revoir et à refaire’…

Dans un troisième centre d’appels, où elle est recrutée comme chef de plateau, la direction accorde deux semaines de congé aux employés à un moment donné. Lorsqu’ils reprennent le travail, le directeur a quitté le pays en douce. En l’absence d’un codirecteur mauricien, elle prend les devants et alerte non seulement la presse mais contacte aussi, sur la plateforme Messenger, le ministre de la Bonne gouvernance d’alors, Roshi Bhadain. Elle lui explique le cas.

«Contre toute attente, il m’a répondu. Le lendemain, il a fait sa secrétaire me téléphoner et nous avons été référés au ministère du Travail où les employés ont tous eu droit au Workfare Programme. Je n’en demandais pas plus.» Virginie Parisot rejoint alors un autre centre d’appels où elle recommence presque à zéro, soit comme télé-agent avant de gravir les échelons et être nommée chef de plateau.

Dans sa vie personnelle, comme tout le monde, elle suit ce qui se passe dans le pays. Elle n’est pas vraiment intéressée par la politique car elle trouve qu’avec les partis traditionnels, «c’est toujours blanc-bonnet, bonnet-blanc». Elle leur reproche de toujours s’envoyer piques et invectives au lieu d’élaborer sur ce qu’ils feront pour le pays et leurs concitoyens. Si bien que lors de la campagne électorale de 2019, elle est séduite par les idées du Parti Kreol Mauricien (PKM).

«Le PKM parlait d’une île Maurice où tout le monde a le droit d’expression, où tout le monde est égal et a des chances égales. J’ai trouvé ça bien car j’ai un fils de 15 ans. Je ne trouverai pas normal d’avoir à aller faire le pied de grue devant la maison d’un ministre ou du député de la circonscription pour que mon fils ait un emploi à l’avenir», raconte-t-elle. Vu sa présence à leurs meetings et ses questions pertinentes, la direction du PKM lui propose un ticket qu’elle refuse. Au final, elle accepte d’agir comme un manager de campagne dans la circonscription de Mahébourg.

C’est en allant sur le terrain durant la campagne électorale qu’elle touche du doigt les préoccupations, les soucis et parfois la misère des habitants. C’est aussi durant ces trois semaines qu’elle découvre à quel point les électeurs sont versatiles. «Je ne vais pas entrer dans les polémiques des pétitions électorales et autres. Mais c’est durant cette période que j’ai réalisé comment les gens virent de casaques facilement. C’était une expérience à voir et à vivre», dit-elle.

Lorsque le centre d’appels qui l’emploie délocalise ses activités, Virginie Parisot est chargée de la formation des télé-agents basés à Madagascar. Cours qu’elle assure par Skype. Sachant qu’elle a des compétences et des contacts dans ce domaine, en début d’année, elle décide d’ouvrir sa boîte. Mais tout tombe à l’eau avec le confinement. Elle prend alors la résolution d’ouvrir un snack où elle proposera des pains au curry de poisson et autres fruits de mer frais pêchés dans la région.

Elle s’arrange avec certains pêcheurs qu’elle connaît pour qu’à l’ouverture de son snack, qu’elle baptisera «Kot Nini» – Nini étant le diminutif de son prénom –, ils puissent lui fournir du poisson et des fruits de mer frais. Elle réussit à trouver un local en face de la NHDC de Mahébourg, qui donne sur une route passante.

Elle n’attend que certains ajustements pour démarrer sa petite entreprise. C’est alors que le MV Wakashio se fracasse sur les récifs de Pointe-d’Esny et lâche son fioul. «Un navire qui vient droit sur nous et s’échoue sur les récifs de Pointe-d’Esny, à côté de Blue-Bay, où j’ai grandi, m’a fait me poser des questions. Comment un bateau peut pénétrer ainsi dans nos eaux sans être interpellé ? Et s’il y avait eu des militaires à bord ? Nous aurions été envahis en une nuit, sans nous défendre ?»

Lorsque Rezistans ek Alternativ demande aux citoyens de venir fabriquer des booms pour arrêter la pollution, elle n’écoute que son cœur et achète ce qu’il faut et suit le mot d’ordre. Et lorsqu’elle se laisse embarquer dans le recensement des personnes affectées par cette pollution, des souvenirs pénibles viennent la hanter. Elle pense aux derniers moments de sa tante Maryse, qui tenait le restaurant Chez Maryse à Blue-Bay et de Joëlle, la fille de celle-ci, les deux mortes cette année à deux mois d’intervalles d’un cancer généralisé.

Elle prend alors pleinement conscience de la gravité de l’inhalation des émanations du fioul, qui irritent la gorge et les yeux, dessèchent les lèvres, déclenchent des crises d’asthme et des troubles respiratoires chez plusieurs habitants de la région. Elle ne peut pas ne pas voir la peau des premiers skippers, qui sont entrés dans l’eau noircie d’hydrocarbures pour y placer des booms, qui est brûlée, «comme cuite». Elle compatit avec une veuve qui élevait plus de 200 poules à l’air libre et qui les a vues toutes mourir en un jour après que ces volailles aient mangé des bestioles se trouvant dans des algues rejetées par la mer.

«De Trou-d’Eau-Douce à Grand-Port, il y a au moins 4 000 personnes qui présentent des effets secondaires liés à cette pollution. Sans compter que l’économie de Mahébourg est morte. Ici, notre vie est liée à la mer. Il y a les pêcheurs, les skippers, les restaurateurs, qui peuvent dire adieu à leur gagne-pain. La mer est gratuite. On y vient pour se baigner, pour se détresser. Elle empêche les jeunes d’emprunter de mauvais chemins.»

Virginie Parisot de poursuivre: «Maintenant que toute cette partie du littoral sud-est est fermée, ki sa bann zenn-la pou fer? Ladrog dan kat kwin simin! Ek to éna bo dimann enn explikasion lotorité, to pa gagn répons. Péna transparans. Je ne suis dans aucune formation politique, dans aucune administration locale. Cela ne m’intéresse pas. Je suis une Mahébourgeoise, qui défend son village, le littoral Sud-Est. Beaucoup sont comme moi. Rezistans ek Alternativ inn la pou édé ek finn kré lespas pou ki Maybouzwa ek lakot sides koz pou zot mem. Si mo’nn désann lor koltar, sé Lasanble Solider Mahebourg kinn démann mwa koz piblikman pou lamars samdi dernié, é sé pou dir non a dégradasion nou maman later, dé lanatir, dé lamer, non a linégalité. Inn ariv ler pou tou dimounn éna égalité dé sans. Ler nou lévé dan gran matin ek nou poz nou lipié anba, nou tou Morisien a par antier. Mo enn sinp sitwayen ki lé ki so lavwa tandé ek ki lé dir ki le système est à revoir et à refaire…»