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La Caze Lespwar de Solitude: une réussite portée à bout de bras depuis dix ans

13 septembre 2020, 21:30

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La Caze Lespwar de Solitude: une réussite portée à bout de bras depuis dix ans

Le mois prochain, cela fera dix ans que La Caze Lespwar de Caritas île Maurice a démarré ses activités à Solitude. Si, au départ, c’était pour répondre aux besoins alimentaires d’enfants allant à l’école l’estomac vide, l’institution a réussi à combler d’autres besoins au fur et à mesure qu’ils émergeaient. La Caze Lespwar touche directement 500 personnes. Mais, en réalité, indirectement, ce sont 1 500 enfants, femmes et hommes qui en bénéficient. Récit d’une réussite portée à bout de bras.

La «faiseuse de miracles» à La Caze Lespwar se nomme Christiane Pasnin, coordinatrice de cette institution, qui occupe le même poste à Caritas île Maurice pour la région Nord. Tout commence en 2007, lorsque 71 familles vivant dans des poches de pauvreté au Nord de l’île, obtiennent des maisons de la NHDC dans la région de Solitude.

Si certaines familles arrivent à s’acquitter mensuellement du montant de la location-vente, il ne leur reste pas grand-chose de leur maigre salaire ou des allocations qu’elles perçoivent de la Sécurité sociale pour vivre et envoyer leurs enfants à l’école. Christiane Pasnin et son équipe accompagnent les enfants fréquentant les écoles primaires/secondaires de la région.

Tout démarre avec la rencontre d’un petit garçon nommé Emmanuel, qui n’a pas grand-chose à se mettre sous la dent pour l’école. Christiane Pasnin va alors frapper à la porte du groupe TERRA pour obtenir un financement et offrir un petit-déjeuner complet, de même qu’un repas pour midi à emporter à l’école, à une douzaine d’enfants qui vivent un problème similaire.

Distribution de repas

D’emblée, le groupe TERRA accepte et c’est ainsi que cette distribution de petit-déjeuner et de repas de midi à emporter se fait d’abord dans la cour de l’église. Réalisant que ce lieu n’est peut-être pas adapté aux non-chrétiens «à qui il fallait alors proposer un lieu neutre pour établir une relation de confiance», Christiane Pasnin note aussi que plusieurs enfants bénéficiaires connaissent des troubles d’apprentissage et s’absentent de l’école.

Cette fois, c’est la secrétaire générale de Caritas île Maurice, Patricia AdèleFélicité, qui va voir du côté du groupe CIEL. Ce groupe accepte de financer la totalité du projet de La Caze Lespwar. C’est ainsi que la distribution de petit-déjeuner et de repas de midi à emporter s’effectue le matin devant des conteneurs réaménagés alors que dans l’après-midi, les bénévoles font de l’accompagnement scolaire avec une quarantaine d’enfants.

Christiane Pasnin, coordinatrice de La Caze Lespwar

Bientôt le besoin d’accompagnement des familles se fait sentir. Aussitôt, la coordinatrice de Caritas propose dans ces bureaux l’accompagnement des familles, qui passe par des cours hebdomadaires d’alphabétisation, de life skills, de crochet, de peinture sur tissu, de même que des groupes d’écoute par une psychologue rétribuée, qui vient là deux fois la semaine.

Frais universitaires

En 2011, une jeune fille de la région, qui a obtenu son admission à l’université, n’a pas de quoi payer ses frais universitaires. Christiane Pasnin se confie au père Michel Boullé, décédé cette semaine, qui la réfère au fonds d’études de la paroisse de Baie-du-Tombeau. C’est ainsi qu’elle peut aider la jeune fille à entamer ses études.

Sachant que cette demande se répétera, la coordinatrice de Caritas a l’idée de faire le tri de tous les vêtements de seconde main reçus et de les mettre en vente à un prix forfaitaire dans l’optique de constituer un fonds d’études propre. Une boutique de vêtements est aménagée dans un autre conteneur dans la cour de La Caze Lespwar. Elle est ouverte deux fois la semaine.

Les années passent et les cours offerts par La Caze Lespwar se structurent davantage. Une dizaine de femmes qui subissent la violence domestique et économique expriment le souhait d’obtenir du travail.

C’est de ces demandes que naît le projet de jardin thérapeutique bio. Ainsi, dès 7 h 30, ces femmes jusque-là inactives viennent biner et planter des laitues, des brèdes et d’autres condiments sans utiliser des pesticides et autres herbicides. Les récoltes sont vendues aux particuliers mais aussi à Vélo Vert, surtout depuis que ce projet a obtenu sa certification BIO. Une fois qu’elles en ont terminé dans le jardin, elles ont la possibilité de suivre les cours offerts par La Caze Lespwar.

Boutique solidaire

Christiane Pasnin et son équipe ne sont pas au bout de leurs peines. Elle réalise que plusieurs familles de la région ne peuvent joindre les deux bouts malgré tous leurs efforts. Elle tente de combler ces besoins par des colis alimentaires de Caritas mais ceux-ci ne sont pas réguliers.

Elle pense alors à l’ouverture d’une boutique solidaire. Elle approche des entreprises engagées dans la grande distribution et même si elle n’obtient pas de grosses ristournes sur les produits alimentaires de base, elle décide de mettre ces produits en vente à un tiers du prix acheté.

«Nous avons fait un budget avec les produits alimentaires de base et avons réalisé qu’un panier complet coûterait Rs 3 500 à ces familles. Nous avons donc décidé de subventionner ces paniers alimentaires à hauteur de Rs 2 700. Ce qui fait que ces familles n’ont que Rs 800 à débourser pour avoir leur ration du mois», explique Christiane Pasnin. Cette boutique solidaire, qui s’ouvre deux fois par mois, a vu le jour en 2015 et si 35 familles y prenaient avantage, après la levée du confinement, ce sont 69 familles qui viennent y faire leurs achats.

Conséquence du Covid-19

«Cette augmentation du nombre de familles est la résultante directe du Covid-19. Certains ont subi des réductions de salaires drastiques et d’autres ont perdu carrément leur emploi. Et il y a fort à parier que ce nombre augmentera», estime la coordinatrice de Caritas.

Sentant que les enfants ont besoin de se défouler après l’accompagnement scolaire, elle a fait en sorte que La Caze Lespwar leur propose des activités comme la musique, le chant, la ravane et le karaté en après-midi et ce, jusqu’à 19 heures. Le cours de musique est animé par Brendon, ancien bénéficiaire, qui est enseignant de musique pour le réseau ANFEN. Il encadre bénévolement les enfants de La Caze Lespwar.

«Sur nos 69 bénévoles, plusieurs sont d’anciens bénéficiaires», précise Christiane Pasnin.

Et pour que les adolescents ne soient pas tentés de goûter aux drogues synthétiques, elle a fait aménager un nouveau conteneur dans la cour baptisé La Caze Zen. Là, les ados ont un espace où ils peuvent s’adonner au carome, à la ravane, jouer au badminton, prendre une collation dans le coin cuisine et surtout trouver un espace de parole et d’écoute et ce, jusqu’à 20 heures tous les jours. Vingt-cinq adolescents fréquentent régulièrement La Caze Zen.

Petite entreprise

Tout cet encadrement et ces efforts portent des fruits. «70 % des enfants qui sont passés par La Caze Lespwar ont complété leurs études secondaires. Certains ont opté pour des cours techniques qu’ils ont réussis. Emmanuel, par qui tout a commencé, est aujourd’hui coiffeur. Un autre est pâtissier. D’autres ont ouvert leur snack. Certains sont devenus enseignants. Une fille est à l’université des Mascareignes où elle étudie la comptabilité et le business. Ce qui est super, c’est qu’ils nous donnent de leurs nouvelles même quand ils ne viennent plus à La Caze Lespwar.»

Avec l’aide de Bank One, La Caze Lespwar a permis à cinq femmes encadrées de suivre des cours pour lancer leur petite entreprise. Trois d’entre elles l’ont fait depuis le début de l’année et les deux autres sont en passe de le faire. Foodwise offre aussi des repas à cette organisation non gouvernementale mais cette aide est ponctuelle.

Aides compromises

En faisant ses comptes, si La Caze Lespwar touche directement 500 personnes, ce sont en fait indirectement 1 500 personnes vivant à Arsenal, Solitude, Triolet, Plaine-des-Papayes et Pointe-aux-Piments, qui bénéficient des facilités offertes.

Mais il y a des nuages qui ont commencé à se profiler à l’horizon. Les principaux bailleurs de fonds de La Caze Lespwar lui ont fait savoir qu’en raison de l’impact de la crise du Covid-19, ils ne savaient pas dans quelle mesure ils pourraient reconduire leurs aides financières. «C’est inquiétant», avoue Christiane Pasnin.

Mais comme cette femme n’est jamais à court d’idées, elle et un bénévole, qui a rejoint La Caze Lespwar en juin, ont conçu un projet d’extension du jardin thérapeutique bio sur un arpent supplémentaire derrière leurs conteneurs-bureaux afin de diversifier les légumes plantés et faire de l’élevage de poulets et de cabris et ainsi prendre le chemin de l’autosuffisance alimentaire. Ce projet au coût de Rs 863 500 a été mis sur crowdfund.mu et, à ce jour, La Caze Lespwar a recueilli quelque Rs 205 000.

«Depuis le 1er septembre, ça stagne et nous avons vraiment besoin d’un coup de boost pour que les cinq femmes identifiées puissent agrandir ce jardin thérapeutique bio et diversifier les légumes plantés pour rendre l’activité durable et se lancer dans un deuxième temps dans la culture fruitière via l’aménagement d’un verger. Nous sommes en négociation pour obtenir cet arpent supplémentaire qu’il faudra clôturer. Et ce sera encore un autre parrain à trouver. Nous espérons obtenir la totalité des fonds d’ici la fin septembre.»

Ce projet rejaillira sur la communauté car une fois ces femmes formées, celles-ci iront à leur tour former 20 personnes leaders, qui iront répandre des techniques de home-gardening à d’autres personnes dans la communauté. Qu’attendez-vous : à vos portefeuilles!