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Révision de l’accord de Brexit: Londres sommé par Bruxelles de s’expliquer

10 septembre 2020, 15:10

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Révision de l’accord de Brexit: Londres sommé par Bruxelles de s’expliquer

 

L’heure est aux explications: Londres accueille jeudi une réunion d’urgence avec l’Union européenne pour justifier sa volonté de revenir sur l’accord de Brexit, qui a semé la zizanie en pleine phase finale de négociations poussives sur la future relation entre le Royaume-Uni et les 27.

L’intention de Londres de passer un projet de loi contredisant en partie l’accord entérinant son divorce avec le bloc européen en janvier dernier, une manoeuvre violant de son propre aveu le droit international, passe très mal auprès de Bruxelles. Les Européens ont donc convoqué une réunion extraordinaire du comité mixte chargé de superviser l’application du texte.

Le vice-président de la Commission européenne, le Slovaque Maros Sefcovic, est arrivé jeudi matin à Londres pour rencontrer le ministre d’Etat britannique Michael Gove afin «d’obtenir des clarifications du Royaume-Uni quant à l’application pleine et entière, et à la date prévue, de l’accord de retrait», a expliqué le porte-parole de l’exécutif européen, Eric Mamer, sur Twitter.

Cette poussée de tensions vient plomber une nouvelle session de négociations contre-la-montre avec l’UE, censées aboutir dans les prochaines semaines pour définir les modalités de coopération, en matière commerciale et sécuritaire notamment, entre les anciens partenaires au terme d’une période de transition post-Brexit s’achevant fin décembre.

Les discussions calent, butant notamment sur la pêche et les conditions de concurrence équitable, et font craindre un «no deal» destructeur pour l’économie. Le temps presse, Bruxelles voulant un accord d’ici à la fin octobre pour permettre une ratification dans les temps. Boris Johnson a averti de son côté que faute de compromis d’ici au sommet européen du 15 octobre, il se satisferait d’un «no deal».

 Possible action en justice 

«Je pense que le gouvernement britannique doit agir pour restaurer la confiance et rassurer de manière significative les négociateurs européens», a déclaré le Premier ministre irlandais, Micheal Martin, dans une interview jeudi au Financial Times. «Nos collègues en Europe, en particulier ceux menant les négociations, se demandent maintenant s’il y a la volonté ou non de (...) conclure un accord - et c’est un problème grave».

Si malgré tout le Royaume-Uni persiste et signe, il encourt le risque d’une action de l’UE qui pourrait le conduire jusque devant la Cour européenne de justice, selon un document de travail des ambassadeurs de l’UE, vu par l’AFP.

Le controversé projet de loi britannique sur le marché intérieur veut revenir «de manière très spécifique et limitée», selon Londres, sur le protocole concernant l’Irlande du Nord, qui définit le régime douanier de cette province britannique.

Ce texte vise à garantir l’absence de frontière physique entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande, membre de l’UE, et à éviter la résurgence de tensions dans cette région, ensanglantée par trois décennies de «troubles» jusqu’à la signature de l’accord de paix du Vendredi saint en 1998.

Mais le retour de contrôles douaniers fait craindre un regain de tensions. Il s’agit de «protéger notre pays contre l’interprétation extrême ou irrationnelle du protocole, qui pourrait conduire à une frontière en mer d’Irlande d’une manière qui, à mon avis serait préjudiciable à l’intérêt de l’accord du Vendredi saint et préjudiciable aux intérêts de la paix dans notre pays», a justifié le Premier ministre Boris Johnson devant les députés mercredi.

L’accord avec Washington en jeu 

La décision britannique a suscité une pluie de critiques, jusque dans le camp conservateur au pouvoir, y compris de la part d’anciens chefs du gouvernement, de Theresa May à John Major. Ce dernier estime que si le Royaume-Uni «perdait sa réputation d’honorer (ses) promesses», il perdrait «quelque chose qui n’a pas de prix et que nous ne retrouverons peut-être jamais».

La manoeuvre pourrait notamment saboter les négociations du Royaume-Uni avec d’autres pays, en particulier les Etats-Uni avec lesquels il entend décrocher un accord de libre-échange ambitieux avant la fin de l’année.

«Si le Royaume-Uni viole ce traité international et que le Brexit sape l’accord du Vendredi saint, il n’y aura absolument aucune chance qu’un accord commercial entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis passe au Congrès», a sèchement mis en garde Nancy Pelosi, la présidente démocrate de la Chambre des représentants.