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Drame de Poudre-d’Or: qui est responsable de quoi ?

2 septembre 2020, 18:45

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Drame de Poudre-d’Or: qui est responsable de quoi ?

Entre le port, la marine, la garde-côte, la barge L’Ami Constant, le remorqueur Sir Gaëtan, le travail effectué à Pointe-d’Esny, on peut facilement s’emmêler les pinceaux. Voici, pour mieux comprendre, une explication simple et directe du rôle et des fonctions des uns et des autres.

Mauritius Ports Authority et Port Master 

Le remorqueur Sir Gaëtan appartenait à la Mauritius Ports Authority. Comme son nom l’indique, l’instance, sous l’égide du bureau du Premier ministre, est responsable de veiller à la sécurité portuaire. Depuis février 2015, Ramalingum Maistry en est le Chairman. Le Port Master est Louis Gervais Barbeau. C’est lui qui se charge des va-et-vient au port. 

Un remorqueur sert à tirer les navires dont les moteurs ne peuvent tourner à plein régime dans les eaux portuaires vers les quais ou vers le large. 

Département du Shipping (la marine) 

Ce département est probablement le plus important qui tombe sous le ministère de l’Économie bleue, des ressources marines, de la pêche et de la marine. Alain Donat en assure la direction. Le département est chargé de garantir un système de transport maritime sécurisé et écologique. Le Shipping vise aussi à assurer que des embarcations enregistrées à Maurice sont sécurisées selon les normes internationales et qu’elles sont aptes à être utilisées.  C’est le département du Shipping qui certifie la navigabilité des remorqueurs et des barges.

Taylor Smith

La compagnie est propriétaire de la barge L’Ami Constant. Une barge est une structure flottante non motorisée – qui doit donc être remorquée – à utilisations diverses. Elle peut servir à transporter de grosses machineries qui seront utilisées en mer (pompes, foreuses sous-marines) ou même être suffisamment grande pour transporter des conteneurs. 

En août dernier, les autorités avaient annoncé avoir trouvé un accord avec Taylor Smith pour le stockage du fioul pompé du Wakashio. La barge a servi à Pointe-d’Esny comme point de transfert des cuves d’huile ou comme structure sur laquelle les pompes étaient posées. 

La question qui perdure aujourd’hui est celle-ci : quelle était l’urgence de transférer la barge dans le port dans la nuit de lundi à mardi ?

La garde-côte : une unité sous commande indienne à l’effectif mal choisi 

Après le naufrage du Wakashio, les membres de la National Coast Guard (NCG) sont critiqués une nouvelle fois. Cette fois-ci, les proches des victimes du drame survenu au large de Roches-Noires reprochent aux policiers de ne pas être intervenus rapidement. Leur responsabilité est d’intervenir en mer, pour des raisons de surveillance, de sécurité ou des sauvetages. 

Pour rappel, quand le vraquier japonais était en approche le 25 juillet, les gardes-côtes ne sont pas sortis pour l’intercepter. Au Parlement, le Premier ministre, Pravind Jugnauth, avait déclaré que la météo n’était pas propice pour que les heavy duty boats prennent la mer. Faut-il revoir le fonctionnement de cette unité de la police ? Les gardes-côtes ont-ils les formations adéquates ? Sont-ils capables de sortir en mer ? Tant de questions que les Mauriciens se posent. 

Un inspecteur de la NCG répond que cette unité a les moyens d’intervenir pour des sauvetages en mer, notamment avec ses bateaux rapides, souvent soutenus par les hélicoptères et des plongeurs spécialisés. Toutefois, il avoue que les gardes-côtes sont quelquefois frustrés. «Nous avons reçu la formation adéquate. Au sujet du déversement de l’huile lourde dans le lagon, j’estime que c’est le Salvage Master qui a mal calculé son coup. Mais pour le drame de Roches-Noires, je ne comprends pas pour quelle raison ils ont décidé de remorquer la barge pendant la nuit. Cela aurait dû être une opération diurne.» 

Face aux critiques des proches des victimes, l’inspecteur affirme qu’une opération de recherches est toujours plus complexe la nuit et qu’elle prend plus de temps. «Il faut naviguer avec prudence, d’abord, pour ne pas faire chavirer les bateaux des gardes-côtes sur les récifs, par exemple, en mettant du coup d’autres vies en danger. Ensuite, il faut faire très attention pour ne pas laisser passer le bateau sur des survivants qui sont dans l’eau car, la nuit, on ne les voit pas.» 

Cependant, l’inspecteur affirme qu’un mal ronge la NCG, mais que personne n’ose en parler. Cette unité de la police est sous le commandement des Indiens depuis sa création en 1987. «Beaucoup de Mauriciens ont été formés en Inde. Ce sont des gradés et des hauts gradés qui ont la capacité de gérer des hommes. Mais c’est dommage qu’ils ne seront jamais commandants. Cette frustration est bien présente au sein de cette unité.» 

L’inspecteur de la NCG affirme qu’il faudrait prendre exemple sur les Seychelles, dont la garde-côte est dirigée par des Seychellois, alors que les Indiens agissent comme consultants ou conseillers. «Ils sont beaucoup plus avancés que nous en matière d’intervention, par exemple. C’est l’exemple à suivre.» 

Selon un capitaine exerçant dans le privé, il y a un autre problème à la NCG : les recrutements sont mal faits. «Les meilleurs éléments de la NCG sont des Rodriguais. Ce sont des jeunes qui ont passé leur enfance près de la mer. Ils sont dans leur élément, tandis qu’à Maurice, ils recrutent même ceux qui n’ont jamais mis les pieds sur un bateau. C’est normal qu’au fond d’eux, ils soient effrayés face à une mer démontée ou quand ils sentent le danger. Dans leur tête, il y a déjà un blocage ou cette peur ancrée en eux depuis leur enfance.» 

L’idéal pour ce capitaine aurait été de recruter des «enfants de pêcheurs», par exemple, ou ceux résidant dans les zones côtières pour la NCG. «Il faut aussi demander aux aspirants policiers s’ils ont une passion pour la mer au lieu de les obliger à faire ce métier. C’est ainsi qu’on aura de bons éléments.»