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Politique et cinéma: l’étrange lien Govinden-Jugnauth

28 août 2020, 17:06

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Politique et cinéma: l’étrange lien Govinden-Jugnauth

Loganaden Govinden, un nom pratiquement inconnu à Maurice, mais qu’il faudra retenir à partir d’aujourd’hui. L’histoire est celle d’une «success story» d’un Mauricien établi depuis de longues années en Angleterre. Richissime homme d’affaires et producteur, son nom figure, cependant, dans une enquête de l’ICAC aux côtés d’un certain Pravind Kumar Jugnauth. Accessoirement, une de ses équipes est actuellement en tournage à Maurice alors que les frontières sont fermées. Venus en avion privé, ils sont passés par la quarantaine de «Voilà», à Bagatelle. 

Aucun journal mauricien ne s’est intéressé à cet homme, originaire du Sud et aux origines modestes. Il est pour l’heure un illustre inconnu auprès du grand public, mais il est un incontournable de la jet-set, voire la noblesse, londonienne. 

 Loganaden Govinden, né en février 1955 et plus connu sous le nom d’Alan Govinden, est un Mauricien établi en Angleterre depuis de nombreuses années, mais il a toujours conservé des liens avec son pays natal. Businessman visiblement à succès, il est également producteur de films via sa compagnie AMG International Film Limited qui a produit Sulphur and White, un film avec un casting étoffé, sorti l’année dernière, qui a connu un succès moyen malgré les très bonnes critiques. Alan Govinden se présente aussi comme un philanthrope et il est engagé dans plusieurs organisations et œuvres caritatives. Un de ses proches a confirmé à l’express l’engagement social d’Alan Govinden.  

«L’express» a pu consulter ces dépositions manuscrites récoltées par l’ICAC, signées devant et par des témoins.

Sa générosité cependant l’a-t-il poussé à littéralement offrir un terrain à Pravind Jugnauth ? «Kifer enn dimounn dan Langléter pou pey Rs 20 millions a enn lot dimounn dan Langléter pou dé zanfan miner enn politisien vinn propriyéter enn térin dan Moris?», avait demandé Roshi Bhadain lors d’un congrès à Rose-Belle le 7 août. Depuis, il attend la réponse de Pravind Jugnauth qui n’a pas pipé mot à ce sujet alors que cela fait aujourd’hui trois semaines jour pour jour depuis que la question a été soulevée.  

Dans son édition du 11 août, l’express a publié un extrait du document brandi par Roshi Bhadain à RoseBelle, soit un acte notarié où Pravind, Kobita, Sonali et Sonika Jugnauth «achètent» un terrain de 7 023 mètres carrés de BASE. Les acquéreurs disaient avoir payé Rs 20 millions «hors de la vue et sans le concours» du notaire pour ce bijou à Angus Road, quartier huppé de Floréal où se trouvait déjà la maison familiale des Jugnauth.  

Enquête Britannique ?   

Or, cette semaine, l’express a pu consulter une déposition consignée à l’ICAC en 2011 par une des parties prenantes du deal. Dans cette déposition manuscrite, consignée et signée devant témoins, ce protagoniste affirme que c’est Alan Govinden qui a payé les Rs 20 millions en Angleterre. L’argent, selon lui, a été payé sur le compte bancaire personnel de Patrick Rountree, un des actionnaires de BASE.

(…) Buyer, one Loganaden Govinden, a Mauritian National established in Europe. In 2001, he forwarded to me all the required documents to enable the notary to prepare the deed and he had paid the agreed Rs 20 M in Mr Patrick Rountree’s account in the United Kingdom.

 

(…) Deed of sale was not prepared and matters stood still. Finally in 2008, Mr Govinden informed us that the deed of sale should be prepared in the name of the children of Mr Pravind (…)

Cette affaire serait légalement, pénalement et politiquement embarrassante pour Pravind Jugnauth si jamais les dires de ce témoin s’avèrent car une pluie de questions va s’abattre sur lui. Pourquoi signe-t-il l’acte notarié pour dire qu’il a payé si ce n’est pas lui qui l’a fait ? Est-ce légal pour deux personnes qui ne sont pas parties prenantes de la transaction foncière de payer et de recevoir l’argent en Angleterre pour un terrain à Maurice ? Un homme public peut-il accepter un tel cadeau sous la Prevention of Corruption Act ? Est-ce que c’est vrai que les autorités britanniques enquêtent sur Pravind Jugnauth et Alan Govinden pour ce deal précis ?  

Dans l’entourage d’Alan Govinden, on prétend en effet que ce dernier avait acquis ledit terrain de Bel Air Sugar Estate (BASE) des frères Rountree, mais qu’il n’a pas pu venir s’installer à Maurice pour des raisons personnelles et familiales. Raisons pour les- quelles il a choisi «de revendre le terrain».  

Cette explication cependant devrait passer une série de tests au vu de la documentation consultée par l’express. Quand a-t-il d’abord acheté le terrain ? Où est l’acte notarié enregistré ? Comment la famille Jugnauth vient-elle affirmer dans l’acte notarié qu’elle a acheté le bien de BASE et non d’Alan Govinden ?  

En attendant que Pravind Jugnauth se décide enfin à répondre publiquement sur cette affaire qui sera sans doute le prochain feuilleton médiatique aux allures de volcan politique, nous avons appris qu’une équipe de tournage est à Maurice pour un film, Prisoners of Paradise, qui sera produit par AMG International, que dirige Alan Govinden.  

Alors que les frontières sont fermées, l’équipe de production composée de 57 personnes est arrivée de Johannesburg par un avion privé immatriculé ZSYAJ le lundi 10 août, à 18 h 10. «L’équipe a suivi toutes les procédures. Alan Govinden investit son argent car il croit en son projet et en son pays natal», nous dit une source proche de l’entourage d’Alan Govinden. 

 Invité à commenter le silence de Pravind Jugnauth et la soudaine disparition de cette enquête, Roshi Bhadain, celui qui avait été le premier à jeter un pavé dans la mare au début du mois, déclare que «ce silence est assourdissant et there’s more to this than meets the eye. Time will tell». Affaire à suivre…