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Entités abstraites

23 août 2020, 17:29

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Entités abstraites

Il est des mots ou des expressions que nous employons qui, à défaut d’être plus abstraits que d’autres, sont plus ambigus, voire plus nébuleux. On entend beaucoup parler ces derniers temps de « société civile », de « citoyens », de « nation ». La société civile, au sens sociologique du terme, est la partie de la société qui n’est pas de l’ordre du pouvoir ni du monde des affaires. Associations, ONG, lobbies, mouvements et autres font partie de la société civile. Quant à la société elle-même, c’est aussi une abstraction. Quant aux citoyens, ils sont l’ensemble des personnes majeurs d’un territoire donné et en âge de voter (dans les démocraties), ayant aussi des droits et des devoirs. Même si cela semble contredire l’idéal de citoyen, on sait qu’il existe des citoyens de différents « statuts ». Si l’on appartient à une famille riche dont le nom est connu, si l’on est un membre connu d’un parti politique, si l’on est richissime, notre « statut » de citoyen n’est pas le même que si on vient d’un milieu très modeste. Or, ce que revêt le sens de ce mot de citoyen, c’est que devant la loi, le traitement d’une affaire juridique d’un citoyen lambda ou d’une personne richissime doit être le même. Nous sommes bien loin de cette façon de faire.

A propos de la nation, voilà un mot qui est lourd de sens historiquement dans plusieurs pays du monde, et qui le reste toujours aujourd’hui. Car suivant par qui il est prononcé, il ne charrie pas les mêmes significations. S’il est prononcé par une personne d’extrême droite en Europe (ou ailleurs), on voit bien que ce n’est pas la même chose que s’il est dit par un Mauricien qui l’exprime à la suite de l’élan citoyen qui a lieu ces derniers jours pour combattre la marée noire. Ici, le sens serait plutôt que la nation mauricienne est en marche pour dépasser les différences, bien fortes. Prononcé par un ultra-nationaliste, c’est la mise en avant et la préférence d’une ethnie, d’une « race », d’une nation, alors que déclamé sur la plage de Blue Bay, c’est le fait de vouloir transcender les marquages communautaires, c’est l’élan censé montrer que l’on est d’abord Mauricien, et qu’ensuite on est de tel ou tel groupe. Ce mot de « nation » est très fort chez beaucoup de Mauriciens voulant aboutir à un pays où les logiques de pouvoir communalistes sont bien implantées et pratiquées, et qui bien souvent amènent leur lot de souffrances et de frustrations. Le fait d’accéder à une « nation » en mettant en avant la citoyenneté ne suffira pas. Il faut s’attaquer de front aux inégalités sociales.