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Pourquoi le vraquier n’a-t-il pas été arraisonné et pourquoi avoir attendu 15 jours pour monter à bord?

18 août 2020, 19:56

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Pourquoi le vraquier n’a-t-il pas été arraisonné et pourquoi avoir attendu 15 jours pour monter à bord?

Le Wakashio a pu continuer sa route vers nos côtes sans être inquiété alors qu’il ne répondait pas aux appels de la National Coast Guard (NCG). Le capitaine a affirmé, avant de couper toute communication durant deux heures avec la terre, qu’il effectuait un passage innocent dans nos eaux territoriales. C’est ce qu’a déclaré le Premier ministre à une question du député Buisson Léopold le 4 août.

C’est quoi le passage innocent ? L’article 19 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer prévoit que le passage innocent «allows for a vessel to pass through the territorial waters of another state, subject to certain restrictions». «Passage of a foreign ship shall be considered to be prejudicial to the peace, good order or security of the coastal State if in the territorial sea it engages in any of the following activities: (g) the loading or unloading of any commodity, currency or person contrary to the customs, fiscal, immigration or sanitary laws and regulations of the coastal State; (h) any act of wilful and serious pollution contrary to this Convention;»

Mais qui peut affirmer comme l’a fait le capitaine indien que son navire était en ‘innocent passage’ alors qu’il se dirigeait tout droit sur nos côtes ? Suffit-il donc qu’un capitaine de navire affirme qu’il effectue un passage innocent pour calmer nos gardecôtes, qui n’ont pas pris la mer pour aller à la rencontre du Wakashio mais se sont contentés de tenter d’entrer en communication radio avec ce dernier ? L’article 221 de la Convention sur le droit de la mer 1982 prévoit aussi :-

1. Aucune disposition de la présente partie ne porte atteinte au droit qu’ont les États, en vertu du droit international, tant coutumier que conventionnel, de prendre et faire appliquer au-delà de la mer territoriale des mesures proportionnées aux dommages qu’ils ont effectivement subis ou dont ils sont menacés afin de protéger leur littoral ou les intérêts connexes, y compris la pêche, contre la pollution ou une menace de pollution résultant d’un accident de mer, ou d’actes liés à un tel accident, dont on peut raisonnablement attendre des conséquences préjudiciables.

2. Aux fins du présent article, on entend par «accident de mer» un abordage, échouement ou autre incident de navigation ou événement survenu à bord ou à l’extérieur d’un navire entraînant des dommages matériels ou une menace imminente de dommages matériels pour un navire ou sa cargaison.

Le fait que le trajet du navire était plus que suspect ne justifiait-il pas que les autorités mauriciennes y accèdent au plus vite dès son échouement, d’autant plus qu’elles ne l’avaient pas arraisonné plus tôt dès son entrée dans nos eaux territoriales ? En plus du trajet suspect du Wakashio, le silence du navire lorsque les autorités ont tenté d’entrer en communication avec lui n’aurait-il pas dû les alerter ? D’autant plus que nos frontières sont fermées, comme la rappelé le Premier ministre lui-même le 11 août. «Il n’y avait pas d’appel de détresse non plus», a-t-il ajouté le même jour et ce même si le navire avait complètement dévié de sa trajectoire normale. Mais tout cela n’a guère éveillé des soupçons du côté de nos décideurs.

Donc, respect absolu du passage innocent par nos autorités alors que le navire violait ouvertement ce droit ! Et le gouvernement ne se pressera pas pour faire une descente sur le navire peu après l’échouement malgré cette violation. Ce n’est que le 9 août que le CCID y accèdera, soit avec 15 jours de retard. En attendant de savoir qui a décidé de ne pas réagir, le gouvernement a lui-même choisi de mettre en avant des arguments légaux qui font comprendre que la décision a été prise en haut lieu.

Selon le capitaine belge, Marc Robert, dans une interview dans nos colonnes le 14 août, le navire n’avait ni panne de moteur, ni panne d’électricité et donc de communication. Il a aussi exclu toute possibilité d’échouement volontaire pour réclamer l’assurance et n’a pas trouvé convaincant l’argument selon lequel le navire voulait capter l’Internet ou le wifi. Et il ne s’explique pas la raison du trajet du navire. Il ne resterait donc que l’option d’un déchargement illégal de cargo ou de clandestins. Le capitaine avait-il pris à son bord des migrants contre paiement sans que l’armateur n’en soit au courant ? Ou alors a-t-il pris et débarqué un cargo illicite ? Toutes ces questions restent posées.