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Gouvernance: le «Wakashio» provoque des dérives totalitaires

14 août 2020, 10:42

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Gouvernance: le «Wakashio» provoque des dérives totalitaires

Bis repetita. Moins de 24 heures après avoir brutalement refusé l’entrée aux journalistes de l’express, boycottés aux conférences de presse du Premier ministre relatives à l'échouement du MV Wakashio au même titre que nos confrères de Top FM, ne voilà-t-il pas que ce sont les élus de l’opposition et l’ensemble de la presse qui ont été privés d’accès, hier, jeudi 13 août, à l’Hôtel du gouvernement, où le leader de l’opposition voulait tenir une conférence de presse. Pourtant Arvin Boolell y a son bureau et a l’habitude d’y convier les journalistes et les autres élus de l’opposition. 

À un moment face aux policiers, le député travailliste Fabrice David, choqué, a lancé : «Nous avons été élus par le peuple. Si la police veut arrêter les journalistes, qu’elle nous arrête également !» Mais finalement face au refus des policiers de libérer la porte d’entrée, le leader de l’oppositon n’a eu d’autre choix que de tenir sa conférence de presse devant le poste de police, à l’entrée de l’Hôtel du gouvernement – au grand dam des passants. L’express a essayé en vain d’avoir la version du speaker Sooroojdev Phokeer, mais ce dernier nous a dirigés vers la clerk de l’Assemblée nationale. 

La police bloquant l'accès de l'Hôtel du GM aux élus et aux journalistes, hier.

Arvin Boolell a lancé une mise en garde par rapport à cette attitude totalitaire : «En tant que leader de l’opposition, j’ai le droit de parler à la presse, et personne, ni le speaker, ni le Premier ministre, n’a le droit de m’en empêcher.» 

Selon lui, la façon dont ce gouvernement est en train de traiter les journalistes et les membres de l’opposition ajoute au tort causé par l’immobilisme et l’incompétence démontrés entre le 25 juillet (date de l’échouement) et le 6 août (quand le fioul a commencé à s’échapper du Wakashio et quand le SOS a enfin été lancé). 

«Je ne dois aucune excuse. Si li apel BBC, so what?» a lancé Pravind Jugnauth.

«Transformer la MBC en BBC…» 

Interrogé par la BBC, Pravind Jugnauth a déclaré catégoriquement qu’il n’avait aucune raison pour lui de s’excuser par rapport à la gestion du dossier Wakashio, pointant même du doigt ceux qui osent le critiquer. Un peu plus tard, lors de son point de presse, auquel l’express et Top FM sont évités contrairement aux autres titres, il s’est emporté : «Mem si li apel BBC, so what? BBC inn fer lanket? Linn vinn enn Court of Investigation?» Cette sortie contre la BBC, qui a surpris plus d’un, montre que le Premier ministre mauricien ne s’élève pas contre la presse indépendante locale uniquement. Pour certains au sein du gouvernement, il faudrait désormais trouver une autre référence pour ceux qui vou-laient transformer la MBC en BBC (comme mentionné jadis dans le programme gouvernemental de la défunte Alliance Lepep). D’autant qu’il y a eu des signes, hier, de minimiser ou de carrément faire disparaître la chaîne anglaise. 

Aux Casernes centrales, personne ne veut commenter l’utilisation de policiers pour bloquer la route aux journalistes et aux élus de l’opposition. Le volubile Shiva Coothen est devenu muet quand nous l’avons interrogé à ce sujet. Coothen nous a même demandé de ne pas le citer. 

En revanche, nous avons pu joindre l’assistant commissaire de police Soondeereine Veeramalay qui n’avait pas ménagé Axcel Chenney et d’autres collègues mercredi, à Blue-Bay, leur bloquant l’accès avec un excès de zèle. «Ce n’est pas personnel, mais je devais suivre les instructions. On nous a dit que l’express et Top FM n’étaient pas invités à cette conférence de presse.» Interrogé sur les critiques à son égard sur les réseaux sociaux, l’ACP Veeramaly a répondu que «cela ne lui fait ni chaud ni froid et qu’il va continuer à faire son travail.» 

En l’absence des conseillers, c'est l’ACP Veeramalay qui est envoyé au front.

Des collègues de Veeramalay déplorent le fait que ce dernier a été envoyé au casse-pipe alors que des conseillers en communication ont manifestement peur d’affronter la presse et les caméras. Notre collègue Axcel Chenney, alors qu’on lui bloquait l'accès, avait appelé en vain les conseillers Jean-Paul Arouff et Ken Arian. Outre Arian, qui n’est pas un homme de presse, l’express a essayé d’en savoir plus auprès d’anciens employés de notre groupe, notamment Arouff et Raj Meetarbhan, qui sont restés injoignables malgré nos nombreux appels. 

Enfin, hier, jeudi 13 août notre équipe de journalistes a croisé dans le Sud le Premier ministre. Ce qui a donné lieu à un échange plutôt cocasse…