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Vassen Kauppaymuthoo: «Des dégâts irrémédiables dans le lagon de Mahébourg en cas de marée noire»

28 juillet 2020, 11:50

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Vassen Kauppaymuthoo: «Des dégâts irrémédiables dans le lagon de Mahébourg en cas de marée noire»

En quatre ans, nous avons connu deux échouements sur nos récifs, l’un d’eux étant un pétrolier. Les autorités tentent de rassurer en disant que la situation est sous contrôle. Doit-on s’inquiéter à ce stade ? 
Le naufrage d’un navire de cette taille est inquiétant, malgré le National Oil Spill Contingency Plan. Car il est très difficile de circonscrire totalement la propagation dangereuse des hydrocarbures en mer, même avec tous les équipements dont nous pourrions disposer, comme les flotteurs. Les produits pétroliers sont très volatils. Ils peuvent également prendre la forme d’émulsion dans l’eau de mer, surtout quand elle est agitée et que l’on se trouve proche des récifs. 

Le temps actuel, avec un vent de l’est-sud-est, combiné à de fortes vagues, va causer un déplacement du navire vers la côte et entraîner le danger supplémentaire que la coque se fracasse sur les récifs, donc une aggravation de la situation. Chaque minute qui passe augmente le risque de déversement pétrolier. Il faut agir vite. Je pense que le ministère de l’Environnement a pris les choses en main, en coordination avec les gardes-côtes. 

Le parc marin à Blue-Bay est déjà dans un état critique. Est-il à l’abri d’une marée noire ? Quels sont les risques d’une telle catastrophe pour notre environnement marin ? 
Vu la situation actuelle, le risque d’un déversement d’hydrocarbures est bien réel. On se souvient du naufrage du MV Benita, il y a quatre ans, qui a causé des déversements d’hydrocarbures, même mineurs, mais qui a eu un impact sur l’environnement au Bouchon pendant plusieurs mois. Ici, on parle de 3 800 tonnes d’hydrocarbures qu’il faudra pomper rapidement, si on estime que les machines du bateau sont insuffisantes pour le désincarcérer des récifs et qu’il faudra essayer de l’alléger. 

Il faudra aussi penser à envoyer des remorqueurs du port pour le tracter. Mais toutes ces manoeuvres sont rendues difficiles, voire impossibles, avec les conditions météorologiques actuelles. Ce qui complique beaucoup la situation, très dangereuse, et qui risque d’avoir un impact direct sur le parc marin de Blue-Bay. 

Que peut-on encore trouver dans le parc marin aujourd’hui ? 
Dans le parc marin, 70 à 80 % des coraux sont morts. À l’endroit que l’on appelle le Jardin de Corail, tous les coraux en forme de feuille sont morts, pour plusieurs raisons, notamment les averses et l’absence d’un réseau de tout-à-l’égout. Ce qui reste, ce sont des coraux invasifs du côté de l’île des Deux Cocos. La dégradation du parc lui-même date de dix ans. 

L’île-aux-Aigrettes est-elle également menacée ? 
L’île-aux-Aigrettes est aussi directement menacée. Si un tel déversement se produit, avec la direction des courants, la pollution pourrait se propager rapidement à l’intérieur du lagon de Mahébourg, causant des dégâts irrémédiables à cette région qui, ne l’oublions pas, abrite un site Ramsar d’importance internationale (le parc marin de Blue-Bay), ainsi que la zone humide de Pointe-d’Esny (également un site Ramsar). 

Cette zone regorge de richesses. Il faudra mettre tous les efforts nécessaires pour éviter qu’une telle catastrophe ne se produise. Les conséquences d’une telle pollution sont sous la responsabilité financière de l’armateur, mais il faudra que les autorités s’assurent que ce dernier soit bien solvable et qu’il ne se mette pas en faillite pour éviter de payer les frais afférents à cet événement. 

Pourquoi la côte sud-est est-elle vulnérable à ce genre de catastrophe ? 
Maurice est sous l’influence du courant sud équatorial, qui se dirige vers l’ouest, des alizés du sud-est, des houles de l’est et du sud-est. L’île se trouve au nord de la grande route maritime qui relie l’Asie et l’Afrique du Sud - l’Amérique du Sud. Toute déviation, même minime de la route, et tout incident mécanique, qui affecterait la propulsion d’un navire, toute erreur humaine, combinée au contexte climatique et océanographique, conduisent directement les navires utilisant cette route à s’échouer sur cette partie de la côte qui est, de ce fait, extrêmement vulnérable. Cela implique donc qu’il faut prendre des mesures supplémentaires pour éviter que cela ne se reproduise. 

Est-il possible de protéger nos côtes, notre récif corallien contre ce type de danger ? Si oui, comment ? 
Il y a eu deux naufrages en quatre ans, dans la même région. Ce qui signifie que les mesures prises jusqu’ici pour la surveillance de notre territoire et du trafic maritime sont insuffisantes, notamment par le système de surveillance radar de la National Coast Guard. Il existe également un système, qui permet de suivre les navires en utilisant les AIS, une sorte de balise qui existe sur chaque bateau et qui en donne le positionnement. 

Cela pose aussi la question de la sécurité de nos frontières maritimes, quand on pense aux bateaux, qui se sont rendus à La Réunion à partir de Maurice récemment sans être détectés. 

Il est clair que nous devons prendre des mesures fortes et efficaces, faute de quoi, nous mettons l’environnement, mais aussi la sécurité nationale de notre pays en jeu. Les flotteurs sont peu efficaces. Le fioul a tendance à se mettre en émulsion et à rentrer dans la colonne d’eau, ce qui affectera les coraux. L’utilisation de dispersants chimiques cause également des dégâts.