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Dr Jyoti Jeetun, CEO du Mont Choisy Group: «Nous avons une responsabilité vis-à-vis des futures générations»

11 août 2020, 10:18

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Dr Jyoti Jeetun, CEO du Mont Choisy Group: «Nous avons une responsabilité vis-à-vis des futures générations»

Rare sont les femmes qui ont l’occasion d’occuper des postes importants dans le secteur privé. Dr Jyoti Jeetun fait désormais partie de cette liste sélective. Elle parle de l’environnement qui lui a permis d’exercer ses capacités et ses compétences dans le cadre d’un projet qui apportera un plus au développement dans le Nord.

Alors que le pays et par extension le monde entier est confronté aux effets de la pandémie Covid-19 avec la peur d’une ré- cession au ventre, les terrains de Bois des Champs, mis en vente par Mont Choisy Group, sont pris d’assaut par des acheteurs confirmés. A quoi attribuez-vous ce phénomène ?

Commercialiser Bois des Champs dans un contexte post-confinement a été un grand défi que nous avons relevé avec succès. Toutes les unités ont été «sold out» en quelques jours et nous ne nous y attendions pas. En effet, nous avons proposé à notre personnel et à nos actionnaires, en mode «early bird», une première phase comprenant 78 unités. À notre grande surprise, tous les lots ont été très vite réservés, ce qui nous a amenés à lancer immédiatement la deuxième phase. Et grâce au bouche-à-oreille, les unités ont rapidement trouvé preneurs. Le succès a été tel que nous avons dû annuler toute la campagne de communication et de publicité qui était prévue.

Pour expliquer ce succès, je dirais qu’il faut, au préalable, bien comprendre son marché et les besoins de cette clientèle pour pouvoir concevoir un produit qui lui convient. Avec le Masterplan de la Smart City ; réalisé par WATG (London), un cabinet d’architectes de renommée internationale, nos projets résidentiels et commerciaux viennent garantir un développement homogène et harmonieux qui prend en compte l’aspect écologique. Il s’agit désormais d’un critère de plus en plus important pour les futurs propriétaires. D’ailleurs, Bois des Champs a été conçu par G&F Architects avec un cahier des charges strict et précis. Grâce à cette approche du développement qu’il prône, Mont Choisy Group est aujourd’hui réputé pour la qualité de ses projets.

«Nous devons continuer à investir dans les infrastructures et la création de valeur.»

Tout cela a certainement contribué à convaincre les acheteurs que Bois des Champs est un investissement de qualité et surtout, une valeur sûre. En effet, l’immobilier a toujours été un investissement sûr, que ce soit à Maurice ou à l’étranger, et ce dans un contexte où les taux d’intérêt sont au plus bas et les marchés boursiers des plus volatiles à cause de la crise.

Cependant, le succès de ce projet ne doit pas occulter le fait que la pandémie de Covid-19 a chamboulé la vie de tout un chacun et a été un choc brutal, tant pour le monde des affaires que pour l’économie en général. Maurice fait partie des quelques rares pays à avoir su gérer avec succès cette crise sanitaire.

Comment dans un pareil environnement la reprise va-t-elle se manifester ?

Elle demeure extrêmement complexe et compliquée étant donné que le virus est toujours très présent dans le monde. Étant une personne de nature optimiste, je suis «cautiously optimistic» que nous relèverons les défis qui nous guettent.

Pour les entreprises comme la nôtre, l’incertitude est notre plus grand défi. Nous évoluons dans divers segments de l’immobilier, notamment les résidences destinées au marché mauricien, ainsi que les résidences de luxe qui sont principalement commercialisées auprès d’une clientèle étrangère. Ce segment est actuellement en berne car les étrangers ne peuvent pas, et ne veulent probablement pas voyager à cause du virus. Notre parcours de golf, qui dépend aussi largement des touristes, est également touché par cette crise sans précédent. Nous dépendons donc énormément sur l’ouverture de l’espace aérien pour envisager la reprise de nos activités. En parallèle, nous devons continuer à investir dans les infrastructures et la création de valeur, même si ces projets ne nous rapportent aucun «cash inflow» direct.

Durant les mois de confinement, on s’est beaucoup investi pour repenser notre business model, nos cash-flows et nos priorités, en envisageant tous les «best and worst case scenarios» possibles. C’est dans ce contexte que nous avons décidé de rendre prioritaire Bois des Champs qui est un projet résidentiel destiné au marché mauricien, et ce avec l’aval et le soutien de l’Economic Development Board.

«Tous nos projets de développement s’articulent autour d’une approche qui se veut avant tout durable, inclusif et intégré.»

Basé sur les résultats commerciaux de votre initiative, comptez-vous vous lancer dans le développement d’autres lotissements résidentiels ?

Il est certain que le climat économique actuel exige qu’on ait un business model qui soit flexible et agile pour pouvoir s’adapter au marché qui reste très volatil et incertain. Nous avons prévu un programme de développement avec divers projets résidentiels, commerciaux et d’énormes travaux d’infrastructure. Le succès commercial de Bois des Champs est un encouragement énorme au vu du contexte économique actuel, et nous permet d’investir dans des projets qui ne sont pas nécessairement axés sur les revenus mais qui sont dans la création de valeur. Par exemple, nous sommes en train de créer une promenade longue de 1,5 km, qui sera accessible à tous. Cet espace a été pensé pour être inclusif, dynamique et un lieu de rencontres pour tous les habitants de la région de Grand-Baie et Triolet, ainsi que nos résidents.

Sur la liste des demandes pour l’achat de lotissement quelle est la proportion venant des Mauriciens et celle venant des étrangers ?

Les terrains de Bois des Champs étaient destinés uniquement au marché mauricien. Cependant, nous avons d’autres projets résidentiels dans la Smart City qui seront dédiés tant aux étrangers qu’aux Mauriciens. D’ailleurs, le Smart City Scheme prévoit que 25% des propriétés doivent être réservées aux citoyens mauriciens ou à un membre de la diaspora mauricienne, enregistré sous le Mauritian Diaspora Scheme. Le gouvernement mauricien a d’ailleurs fait provision d’une série de mesures dans le récent budget, visant à attirer les étrangers à vivre et à travailler à Maurice.

Nous, les promoteurs, devrions ainsi concevoir des résidences attractives avec toutes les facilités du quotidien à leur disposition. Les développements futurs de Mont Choisy Group vont d’ailleurs en ce sens, avec une panoplie de services à proximité, et viendront réinventer la vie insulaire dans le Nord. Il faut reconnaître que la pandémie et le confinement ont eu aussi un «silver lining» car les gens ont su apprécier la qualité de vie à Maurice, surtout dans le domaine comme le nôtre où nous vivons dans la nature loin des centres urbains.

La clientèle étrangère d’origine mauricienne a-t-elle manifesté un quelconque intérêt pour l’investissement dans le secteur de l’immobilier ?

En effet, la diaspora mauricienne est un segment de marché important car nos compatriotes à l’étranger veulent souvent avoir un pied-à-terre à Maurice. Ils sont nombreux à op- ter pour le Nord, près de la plage. Je pense que c’est un segment qui n’a pas été suffisamment développé par le secteur formel. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui sont encore actifs professionnellement et qui rentrent au bercail afin de contribuer à l’économie du pays ou pour être proches de leurs parents.

Il existe une école de pensée qui remet en cause la stratégie basée sur le développement du segment immobilier craignant un empiétement à outrance de ce segment au détriment d’un équilibre écologique qui veille à ce que le béton ne dicte sa loi. Comment voyez-vous l’avenir de ce segment dans le cadre de la reprise économique post-Covid-19 ?

Il faut savoir que le secteur de l’immobilier et de la construction joue un rôle important dans l’économie. Il génère beaucoup d’emplois directs et indirects, principalement dans les micro- et petites entreprises. La performance de ce secteur peut influencer le développement de l’économie globale et contribuer positivement à la croissance économique et, comme dit l’Anglais, «dig yourself out of the recession». Cependant, je dois aussi reconnaître qu’à Maurice, tout ce qui touche à l’immobilier est perçu comme étant de la spéculation. Or, il est impossible légalement de spéculer dans le cadre d’un projet de Smart City comme, dans le cadre du projet Bois des Champs, un acheteur ne peut pas revendre la terre, sans avoir construit dessus.

Il est toutefois important de maintenir un juste équilibre entre béton et nature. Chez Mont Choisy Group, nous sommes fiers de venir avec des projets bien pensés qui font la part belle à l’aspect écologique. Nous avons conçu un masterplan qui va s’assurer d’un développement harmonieux et durable. Nous mettons beaucoup d’accent sur l’écologie et les espaces de vie. Par exemple, nous avons fait place à un Nature Reserve dédié à la faune et la flore mauricienne au cœur de la propriété de Mont Choisy.

Le groupe Mont Choisy, il ne faut pas l’oublier, sort de la terre, du domaine agricole mais avec des terres peu cultivables. Nous avons aujourd’hui une ferme ainsi qu’une pépinière qui nous tiennent vraiment à cœur. Nous faisons de sorte à construire dans le respect des habitants et de la nature. Maurice est un pays magnifique et Mon Choisy se trouve dans l’une des plus belles stations balnéaires de l’île et nous ne voudrions pas la défigurer. Bien au contraire, la région de Grand-Baie a longtemps été critiquée et nous souhaitons lui rendre ses lettres de noblesse.

Quelles sont les obligations que les développeurs devraient s’imposer pour que leur projet ne constitue pas une agression contre les droits auxquels les citoyens peuvent légitimement aspirer ?

Tous nos projets de développement s’articulent autour d’une approche qui se veut avant tout durable, inclusif et intégré – trois piliers incontournables de notre stratégie. Et l’humain est, également, toujours au cœur de notre développement. Nous avons une responsabilité vis-à-vis des futures générations et nous l’assumons pleinement. Nous avons toujours favorisé et rendu prioritaire la communauté au sein de tous nos projets. La promenade est un exemple concret qui a pour but de connecter les villages avoisinants, de Grand-Baie à Triolet, et offrir un espace de vie à toute la région. Nos développements ont pour objectif de faciliter aussi la vie de nos résidents.

Vous êtes une des rares femmes à qui le secteur privé reconnaît la capacité d’assumer de très hautes responsabilités. Dans le public, il est plus facile pour une femme d’occuper de tels postes. Comment l’émancipation de la femme se fait au sein du conseil d’administration des sociétés du secteur privé ?

Il est vrai qu’il reste beaucoup à faire pour apporter de la diversité au sein des conseils d’administration et parmi des cadres supérieurs, non seulement en termes de genres, mais aussi de race, d’ethnicité, etc. Et ce, dans le monde et comme à Maurice. Je reconnais qu’il y a encore du chemin à faire, aussi bien dans le secteur public que privé. Il y a un débat pour savoir s’il ne faut pas légiférer pour qu’il y ait une meilleure représentation féminine au sein des équipes de direction et des conseils d’administration.

Ailleurs, dans des pays d’Europe, il y a une démarche volontaire des top companies d’avoir au moins 30 % de femmes au sein des conseils d’administration. Personnellement, je suis très reconnaissante envers le conseil d’administration du groupe Mont Choisy pour sa volonté, son courage et son initiative audacieuse de nommer à la tête de cette entreprise familiale, vieille de 200 ans, une personne qui n’est ni de la famille, ni de la communauté et de surcroît une femme.

Vous savez pendant la crise financière de 2008, Lehman Brothers, grande banque d’investissement qui avait plus de 150 ans d’histoire, a fait faillite. On dit souvent que si c’était Lehman Sisters, elle serait toujours là !

Avant d’appeler à occuper la fonction de CEO au sein de Mont Choisy Group, vous étiez à la tête du Sugar Investment Trust qui a contribué à l’émancipation des petits porteurs du secteur sucrier. Quelle est votre appréciation de l’évolution que le SIT a connue jusqu’ici ?

Grâce à mon engagement apolitique, ma passion et un travail acharné, j’avais aidé à bâtir cette compagnie à partir de rien avec une réputation et un bilan financier solide. À l’époque, certaines personnes qualifiaient la Sugar Investment Trust de «vieille ferraille» ou de «mort-né». Cependant, elle a été l’exemple d’une vraie démocratisation de l’industrie sucrière où les petits planteurs et travailleurs devenaient des partenaires des patrons sucriers.

Où en est-elle aujourd’hui ? Je n’en ai aucune idée ! Après ce que ma famille et moi avions vécu en 2005 et ce qui a suivi après, j’ai décidé de mettre cet épisode de ma vie dans un tiroir que j’ai fermé à clé. J’espère que les 55 000 actionnaires que j’ai laissés derrière moi sont bien pris en charge.

Il n’est un secret pour personne que votre parcours social et professionnel a tapé dans l’œil de la classe politique qui, dans certains milieux, voit en vous une femme capable d’assumer de très hautes responsabilités à la tête du pays. Est-ce une aventure qui pourrait un jour potentiellement faire partie de votre agenda ?

Je suis touchée et honorée qu’on pense cela de moi. Certes, il y a une volonté d’accueillir plus de femmes dans la politique, et on compte pas mal de représentantes féminines au sein de l’hémicycle. C’est très positif.

En ce qu’il s’agit de demain ou «the day after tomorrow», nous ne savons pas de quoi l’avenir sera fait. Après l’épisode 2005, j’ai décidé de vivre ma vie «a day at a time». Grâce à Mont Choisy Group, je suis rentrée au pays pour contribuer à son développement économique et pour transformer la région du Nord. Mon ambition aujourd’hui est de réussir à bâtir un héritage pour les générations futures.