Publicité

Migrants: face à l'«urgence», l’Ocean Viking s’apprête à retourner en Méditerranée

19 juin 2020, 14:31

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Migrants: face à l'«urgence», l’Ocean Viking s’apprête à retourner en Méditerranée

 

Une «urgence»: après trois mois d’arrêt lié à la crise sanitaire, le navire Ocean Viking s’apprête à reprendre samedi ses sauvetages de migrants en Méditerranée, poussé par «l’ampleur des besoins humanitaires», à l’heure où l’Europe «remonte le rideau» de l’accueil.

Durant un mois, entre début mai et début juin, plus aucun bateau d’ONG ne patrouillait au large de la Libye, faisant craindre aux organisations internationales que la Méditerranée centrale, route migratoire maritime la plus meurtrière du monde selon les Nations unies, ne devienne un angle mort avec des naufrages «invisibles».

Les deux seuls bateaux qui bravaient le coronavirus et la fermeture des frontières avaient alors été saisis par les garde-côtes italiens, tandis que Malte a attendu plusieurs semaines avant d’autoriser quelque 400 naufragés à débarquer sur son île.

«On sait qu’on va retrouver une situation humanitaire tragique et le coronavirus n’est pas encore tout à fait derrière nous, mais il y a urgence de repartir pour mener notre mission, étant donné l’ampleur des besoins humanitaires», explique à l’AFP Sophie Beau, directrice générale de SOS Méditerranée, association qui affrète l’Ocean Viking, successeur de l’Aquarius.

Depuis le 8 juin, deux autres navires ont repris leurs activités, d’abord le Sea Watch 3, d’une ONG allemande, puis le Mare Jonio, d’une ONG italienne.

«Un, deux, trois navires, ça ne suffira pas à couvrir la zone, il faut remettre en place une flotte étatique comme en 2013/2014 avec l’opération italienne Mare Nostrum», réclame la cofondatrice de l’ONG, qui a instauré de strictes mesures de prévention contre le Covid-19 à bord de l’Ocean Viking, actuellement à Marseille et dont tout l’équipage observe une quatorzaine avant le départ.

«On a bien vu que malgré l’absence de navires humanitaires, les traversées continuaient», ajoute-t-elle.

 «Electrochoc de la solidarité» 

Selon le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), les départs de Libye et de Tunisie ont augmenté de 151% entre début janvier et fin mai, comparé à la même époque l’an dernier: 10 936 personnes contre 4 351.

En avril, les départs de Libye ont même augmenté de 341%, tandis que le mois de mai a vu une explosion des départs de 751% depuis la Tunisie (1.378, contre 162 en mai 2019).

Seules 7.000 personnes environ ont atteint les côtes européennes. Que sont devenues les autres ? Rattrapées par les garde-côtes ? Disparues en mer ?

Le HCR recense 186 personnes qui ont péri dans cette zone depuis le 1er janvier. L’organisation internationale pour les migrations (OIM) en décompte 269.

«Vu qu’il n’y avait personne en mer à un moment, c’est difficile d’avoir des chiffres fiables, c’est potentiellement beaucoup plus», reconnaît Sara Abbas, représentante de l’OIM en France.

Un naufrage documenté, dans la nuit du 4 au 5 juin au large de la Tunisie, qui a fait au moins 55 morts juste avant la reprise des opérations humanitaires, a remis un coup de projecteur sur ces risques: «C’est ce qu’on redoutait», résume Sophie Beau. «On sait bien que quand il n’y a pas de navire, les gens risquent leur vie.»

Autre enjeu: la réouverture des ports et la répartition des migrants en Europe, point d’achoppement diplomatique entre l’Italie, Malte et leurs voisins, qui peinent à faire fonctionner le pré-accord signé à La Valette en septembre 2019, et qui a déraillé avec la pandémie.

«Le coronavirus, c’est une parenthèse qui a bloqué les choses. Maintenant que les frontières rouvrent progressivement, on relance les relocalisations, on remonte le rideau et on revient à la situation pré-Covid», explique à l’AFP un diplomate européen impliqué dans les négociations sur le pacte migratoire que doit présenter d’ici fin juin la commission européenne.

Sous l’impulsion de l’Allemagne, qui doit reprendre la présidence du Conseil de l’UE en juillet, il faut «un vrai électrochoc européen de la solidarité», avec l’instauration d’un mécanisme pérenne de répartition, pour soulager l’Italie et Malte, en première ligne, explique-t-il.

En contre-partie, dans ce pacte, pourrait s’esquisser l’idée d’un «code de conduite pour les ONG, pour s’assurer qu’elles travaillent de manière éthique, sans collusion ni active ni passive avec les passeurs», souligne cette source.

Pour l’heure, reprend Sophie Beau, c’est l’Europe qui doit «prendre ses responsabilités»: «Faute de solution coordonnée, ce sera le chaos en Méditerranée. Avec toutes les conséquences mortelles qui vont avec».