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Pourquoi se focaliser sur l’aviation ?

23 avril 2020, 13:33

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Pourquoi se focaliser sur l’aviation ?

Le transport aérien constitue un secteur très important de l’économie mondiale, en effet, ce secteur fait désormais partie des grandes infrastructures de nos économies. L’aviation civile contribue á la  hauteur de 3,6% du PIB mondiale représentant USD 2,7 trillion et emploi plus de 65m de personnes. Cela se compare á une puissance économique qui  á l’ordre mondial serait classée dans le groupe du G20.

Plus de 60 millions tonnes de fret ont été transportées par l’aérien en 2017. Le trafic passager a tendance á doubler tous les 15 ans malgré les crises d’ordre mondial (Financière de 2008, SARS, Sept 11,….), ce qui  a valu à ce secteur d’être qualifié de résilient.

La globalisation de l’économie stimule le voyage des «businessmen» et l’agrandissement de la classe moyenne à  travers le monde a donné lieu a une croissance soutenue du trafic touristique.

En effet, l’homme moderne est pressé donc il n’hésite pas à prendre l’avion pour de courtes ou de longues distances pour les affaires, pour le plaisir, pour la famille, pour la religion, pour la politique, pour l’éducation, pour la curiosité et plusieurs autres raisons. Le transport aérien est devenu une commodité qui malgré les formalités d’immigration, de douane et de sécurité reste attractive et efficace, car elle permet de connecter les gens et les cultures d’une façon sûre et sans encombre.

Certains prédisaient, que l’Internet allait réduire les voyages (surtout d’affaires), mais il semblerait que le besoin de contact personnel est plus fort.

Le transport aérien a littéralement explosé ces dernières décennies, attirant l’intérêts des investisseurs privés dans un secteur exclusivement réservé au club fermé des Etats (au fait, les seuls pouvant répondre aux immense « liabilities » de cette industrie et à ses investissements massifs). Le lobby des investisseurs privés  s’est vu récompenser par la libéralisation de l’aviation civile donnant naissance à d’autres modèles plus performants notamment les Charters, les LCC et des Hybrides et cela grâce aux possibilités d’outsourcing finalement approuvées par Organisation de l’aviation civile internationale (OACI)pour  les autorités de l’aviation civile, entre autres.

Le trafic aérien bénéficie d’une croissance annuelle de 5%. Depuis peu cette industrie fait face a une compétition accrue poussant les compagnies dite Legacy à se réinventer afin d’être plus compétitives. Certains Etats ont donc minimiser leurs participations dans ce secteur tout en encourageant une compétition plus saine et en imposant les normes de qualité et de sûreté, au profit des voyageurs.  Certaines compagnies dites «Porte-drapeaux» ont disparu ces dernières années et beaucoup sont en grandes difficultés car elles n’ont pas su se réinventer. La compétition est tellement rude que même certaines compagnies dites «privées» ont été mises hors-jeu. La plus récente ayant marqué nos esprits est JetAirways. La cause principale étant la pénétration soutenue des Low Cost Carriers et des opérateurs du Moyen-Orient. Ces derniers ont une stratégie de détourner les trafics a travers leurs hubs en offrant des produits et services hors pairs  à des prix imbattables. L’économie d’échelle, la croissance, une visibilité de leurs produits a tout bout de champ accompagnées d’un marketing à outrance ainsi qu’à l’accès a des pétrodollars (capitaux) à prix cassé font partie de l’ADN de leur succès.

A janvier 2020, Il y avait au total près de 770 compagnies aériennes régulières opérant 26,000 appareils à travers le monde. La plus grande flotte mondiale est en Asie avec 7880 unites, suivie par l’Amérique de Nord. Pour situer l’ordre de grandeur, le continent Africain compte mois de 800 appareils opérant des services réguliers et Delta Airlines aux Etats-Unis opèrent une flotte de 910 avions, suivie par United Airlines avec 793 appareils.

Le pré-Covid était surtout marqué par les demandes d’effort d’ordre écologique et la volatilité du prix du JetA1 comme deux paramètres importants pour la survie de ce secteur. Beaucoup d’initiatives ainsi que des directives ont été mises en place par OACI pour rendre ce secteur plus «propre». ( par exemple des mesure visant a diminuer :des gaz à effet de serre CO2, NOX et de la pollution sonore, entre autres, à travers des taxes imposées aux opérateurs).

Durant ces dernières décennies, les mega-country-cities comme ; Dubaï, Hong Kong et Singapour se sont bâti grâce aux connectivites aériennes en utilisant leurs compagnies aériennes comme outil de développement économique.

D’autres pays comme, l’Ethiopie et le Rwanda se désenclavent et se développent grâce à des compagnies aériennes performantes. D’autres pays (notamment en Afrique sub-saharienne), incluant les Etats insulaires a travers le monde (Pacifique, Caraïbes, Océan-Indien) dépendent énormément des compagnies étrangères pour soutenir et alimenter la demande touristique.

Jusqu’à maintenant aucun pays et aucune instance internationale n’a osé remettre en cause ou limiter le rôle fondamental de l’aviation civile à leur développement économique.

Les conflits majeurs, n’ont fait que freiner momentanément et impacter certains aspects périphériques de l’activité transport aérien. Le cas le plus flagrant est celui de la lutte contre le terrorisme qui a engendré de nouvelles pratiques ( augmentant les coûts), mais qui n’a jamais freiné la croissance du trafic.

Or, la crise du coronavirus a pour la première fois dans l’histoire, remis en cause le principe même de voyager. 

Aujourd’hui, le voyage représente un danger pour le voyageur lui-même et pour les autres. Les Etats découragent le déplacement des populations entre les pays, entre les régions et même entre les villes. S’il faut absolument se déplacer, un minimum de temps est requis (la quatorzaine) avant de pouvoir faire le voyage de retour. Ce cloisonnement mondial a mis le transport aérien à l’arrêt presque total depuis plusieurs semaines ; et cela risque de durer encore un certain temps. Plus de 60% de la flotte mondiale est clouée au sol. Les compagnies aériennes sont en détresse et plusieurs sont en cessation de paiements. Certains Etats ayant les moyens (US, France….) se sont prononcés pour des mesures de soutien qui seront associées a des conditions très strictes. Ces mesures n’ont toujours pas été prononcées car les Etats sont en guerre et leurs priorites, la sante de leurs citoyens.

Les scénarios envisagés pour l’aviation civile post-Covid.

A ce sujet, il y a plusieurs scénarios qui ont été suggérés : une reprise en V ( 6-12 mois), une reprise en U (12-24 mois), une reprise en L (24-48 mois)....

Malheureusement, tant qu’un vaccin et/ou un médicament efficace ne sont pas mis au point, les précautions mises en place ne pourront que perdurer. Plus cette période est longue, plus on observera le désarroi, voire la disparition, des compagnies les plus fragiles.

Certains Etats pensent  assouplir les mesures de confinement dans les prochaines semaines. Cela pourra éventuellement relancer timidement le trafic domestique dans un contexte économique au ralenti. Cette relance très localisée ne sera probablement pas suffisant pour contre balancer les coûts fixes (les loyers des appareils et des locaux, les salaires, les coûts financiers, les assurances, ) exorbitants des compagnies aériennes.

Les pertes évaluées, sur la base d’une crise s’arrêtant avant l’été (mi-Mai), s’élèvent à près de 320 Milliards USD, soit 55% du revenu annuel des compagnies IATA.

La reprise en V est à écarter catégoriquement, En effet, un vaccin ne pourra pas être disponible avant avril prochain. Le ralentissement des économies, la peur et le chômage n’encouragent guère à des voyages. Atteindre un trafic au même niveau Pre-Covid après 24 mois malgré des injections en capitaux de certains Etats dans les compagnies aériennes est invraisemblable.  Nous pouvons donc éliminer la possibilité d’une courbe en U.

Par ailleurs, dans quel cadre juridique, sur quelles bases, conditions ou critères les Etats vont-ils injecter leurs trésoreries ( «Tax payers money») dans les compagnies aériennes ? Est-ce que ce seront des prêts, des prises de participations ou des nationalisations ? Comment vont réagir les compétiteurs n’ayant pas eu ces injections ? Quelle est la garantie que ces compagnies qui bénéficient d’un soutien de l’Etat ne vont pas tomber en faillite ?

Les changements a prévoir chez les opérateurs :

Des experts préconissent des changements profonds des différents business modèles du transport aérien comme suit :

 • Au moins pendant les deux prochaines années, il y aura une grande réticence à voyager fréquemment et ceci même sur des courtes distances. Cela aura un impact non négligeable sur les low cost.
 
• Les hommes d’affaires vont limiter les voyages et préférer le recours aux visioconférences et les interactions via Internet. Les voyages physiques seront limités aux stricts besoins de relancer la machine industrielle, chez les filiales ou les fournisseurs.
 
• Les touristes vont préférer utiliser leurs propres moyens pour se déplacer, quand cela est possible. Ce qui va favoriser le tourisme de proximité.

En cas de voyage aérien, le touriste va préférer limiter le nombre de vols tout en privilégiant des destinations sûres au point de vue hygiénique et sanitaire. Ce qui serait valable, même pour le court et le moyen-courrier.

Le long-courrier vers des destinations dites ; exotiques ; aventures et découvertes ne feront pas surface avant 4 à 5 ans.
 
• Les voyages religieux seraient plus réduits et plus encadrés. Il est fort probable que les autorités, des différents pays concernés, finissent par imposer des quotas plus limitatifs et mettent en place des mesures d’hygiène draconiennes.
 
• L’activité événementielle va baisser, à cause de la crise économique et des nouvelles règles d’hygiène. Il y aura moins de conférences et de foires.
 
• L’aviation privée va continuer à être active, car les sociétés et les individus qui ont les moyens de le faire, vont préférer éviter la foule et voyager seuls, donc utiliser des avions privés.
 
• Dans tous les cas de figures, moins de voyages. Les vols directs seront favorisés au détriment des vols avec correspondances.  Modifiant le business model des compagnies globales qui comptaient sur leur Hub pour développer leurs activités.
 
Pour ce qui est du nombre de passagers, le transport aérien retrouverait une activité équivalente à celle de 2019, d’ici 4 à 6 ans, en passant par 50% d’ici 2 à 3 ans.
 
Ce entraînerait un surplus d’avions passagers. Le chiffre est actuellement près de 70%, il passerait à près de 60 % au dernier trimestre 2020 et à près de 50% en 2022/2023. Ce surplus serait résorbé progressivement pendant la prochaine décennie.

Les fabricants d’avions verront leurs commandes annulées ou reportées impliquant des efforts financiers massifs chez les constructeurs et leurs fournisseurs.  Les recherches et développements pour une industrie plus efficace en consommation énergétique et moins polluante seront certainement mise en touche faute d’investissement.
 
Un simple support financier aux compagnies aériennes ne sera donc pas suffisant. Il faudrait vraisemblablement une refonte du business model et une restructuration complète des compagnies aériennes.
 
On verra se profiler à l’horizon des :

  • Nationalisations
  • Consolidations/Acquisitions
  • Régionalisations/Contractions
  • Et plus simplement des Liquidations de plusieurs opérateurs.

Il y aura des compagnies qui vont pouvoir redémarrer rapidement et s’adapter aux nouvelles normes de sécurités sanitaires et aux nouvelles contraintes du marché, mais elles n’utiliseront pas la totalité de leur flotte, avant quelques années( Emirates, Singapore airlines, ..). D’autres redémarreront progressivement, grâce à un fort support de l’Etat pour pouvoir s’adapter au nouvel environnement économique et se restructurer sur le plan opérationnel et social ( Air France, Lufthansa, British Airways, Iberia...).

Toutefois, certaines auraient besoin d’une restructuration financière et organisationnelle plus profonde, a savoir, une restructuration complète, avec un plan de redressement ambitieux, clair et précis, qui tient compte de toutes les nouvelles données. Ces plans nécessiteront des fonds publics importants et sans garanti aucune de succès. 
 
Qu’en est-il des prix de nos billets ?
 
Dans un premier temps, les opérateurs vont baisser les tarifs afin de relancer la machine de la consommation de transport aérien. Nous noterons au passage que le prix du JetA1 est au plus bas, ce qui procurerait à l’industrie cette flexibilité sur les tarifs.

Au bout de 18 à 24 mois, on verra une adaptation progressive et inodore des tarifs en particuliers sur les secteurs ou la compétition a été réduite, voire disparue.

Les destinations lointaines qui riment avec un trafic maigre, saisonniers et où les marges sont les plus faibles, seront très impactées par la pratique des tarifs élevés qui pénaliseront à la fois ces destinations ainsi que la démocratisation du voyage long-courrier.