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Incendie de Notre-Dame: un chantier à multiples facettes

14 avril 2020, 21:27

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Incendie de Notre-Dame: un chantier à multiples facettes

Quelle charpente et quelle flèche rebâtir, l’organisation du culte, le réaménagement des abords, les ultimes résidus de plomb, les trop nombreux dons, les enjeux économiques pour l’artisanat de pointe... : voici un tour d’horizon des multiples facettes du chantier de Notre-Dame.

Querelles d’experts autour de la charpente

Face au béton et à l’acier, choisis pour diverses charpentes de cathédrales au XXe siècle, la reconstruction à l’identique en chêne (ou au moins en bois) a de solides défenseurs. Ils font valoir que le poids de «la forêt», le surnom de l’ancienne charpente, a fait tenir la cathédrale à travers huit siècles, que le chêne stocke le CO2, et qu’il serait la solution la plus rapide parce que documentée. Des forêts de chênes sont disponibles. Les lobbies se déchaînent sur ce chantier juteux.

Comment organiser le culte?

Sont prévus à terme sur le parvis un chapiteau dédié à la prière et une boutique, où seront proposés les objets religieux auparavant vendus à l’intérieur de la cathédrale. Dans l’Hôtel-Dieu, une exposition présentera l’histoire de Notre-Dame.

Le tribut social est lourd pour la cathédrale qui a licencié 38 de ses 46 employés.

A quand une messe sous la nef? A terme, des offices devraient pouvoir y être célébrés, un mur provisoire étant élevé avant les transepts.

Compagnons et metiers d’art: une occasion unique

La loi du 30 juillet 2019 prévoit que la souscription nationale lancée pour financer la reconstruction servira aussi à financer des formations à certains métiers d’art devenus rares. Une crainte est que le chantier pompe une partie des artisans qualifiés au détriment d’autres monuments qui ont besoin d’être restaurés. L’Etablissement public qui pilote le chantier a pour mission de booster ces filières. Sur le parvis, un «village des métiers» devrait être installé, avec expositions et ateliers pour les touristes et scolaires. Des visites guidées du chantier sont même envisagées.

Le casse-tete du plomb

Des particules sont encore insérées en profondeur dans le parvis. Un nettoyage à l’ultra-haute pression a déjà été mené. Mais l’application d’une résine à froid transparente a été retardée par le coronavirus.

Avant l’épidémie et le confinement, tous les voyants étaient au vert pour que le parvis rouvre à Pâques. «Les questions de plomb sont à 95% levées», affirme Mgr Benoist de Sinety, vicaire général de l’archidiocèse.

Le reamenagement des abords, un enjeu touristique

Les 13 millions de touristes et pèlerins fréquentant chaque année l’île de la Cité s’y sentaient mal accueillis: un aménagement du site est requis. Il relève normalement de la Ville de Paris, mais l’Etablissement public pourrait s’en voir chargé: une opération qui pourrait durer au delà des cinq ans, et pour laquelle un concours d’architectes pourrait être envisagé. Un rapport de l’architecte Dominique Perrault préconisait en 2016 un grand réaménagement du parvis, du square Jean XXIII, de la promenade du flanc sud. Galerie commerciale sous le parvis, débarcadère... L’Hôtel Dieu sera réaménagé également. Un tiers va être cédé au promoteur Novaxia qui va notamment y installer un incubateur pour les entreprises de biotech. Des voix s’élèvent, redoutant un aménagement faisant la part trop belle aux commerces.

Un pilote dans l’avion

La création d’un Etablissement public dédié, et disposant de pouvoirs dérogatoires (voirie, environnement, urbanisme) pour aller plus vite, a indisposé certains députés, architectes et experts. Il a privé le ministère de la Culture (l’Etat est propriétaire de la cathédrale) de ses prérogatives, même si l’Etat est présent au conseil d’administration. Le général Georgelin assure travailler «sous sa tutelle» en bonne intelligence. Le président Emmanuel Macron se voit aussi reprocher d’avoir voulu faire de la restauration de Notre-Dame, qu’il a promise «plus belle encore», une affaire personnelle dans un but électoraliste.

Enjeux delaisses du patrimoine

La Fondation du patrimoine avait mis le holà dès mai au trop plein de dons pour Notre-Dame. Elle pointait du doigt les autres catégories délaissées ou sous-financées de monuments: églises parisiennes, autres cathédrales, et surtout l’innombrable armée des petites églises, chapelles, châteaux, maisons.

Les dons pour Notre-Dame sont exclusivement destinés à la restauration de la cathédrale, ont cependant rappelé le ministre de la Culture Franck Riester et le général Georgelin.

Une enquete qui n’en finit pas

L’enquête judiciaire sur les causes de l’incendie n’en finit pas. En juin, l’enquête préliminaire du parquet de Paris a écarté l’acte terroriste ou de malveillance, alors que cette hypothèse était alimentée par des réseaux complotistes. Reste la cause à établir: Mégot allumé qui aurait mis le feu, court-circuit. Comme l’a révélé le Canard Enchaîné, l’enquête pourrait mettre en lumière les négligences de sociétés intervenant alors sur la restauration de la flèche, mais aussi de l’Etat qui n’aurait pas bien respecté le cahier des charges...

Une mobilisation exceptionnelle

Dons et promesses de dons ont atteint 901,5 millions d’euros, et 188,3 millions ont été encaissés, selon l’Etablissement public. La défiscalisation a encouragé les Français à participer à la souscription nationale. 340.000 dons individuels, venant du monde entier, Etats-Unis en tête, ont été comptabilisés: de ceux des grands mécènes comme Bernard Arnault et François Pinault à celui d’un enfant ayant fait une collecte auprès de ses copains...

Les quatre organisations chargées de la collecte ont recueilli 621,7 millions d’euros. 355 millions sont allés à la Fondation Notre-Dame (sans compter 20 millions collectés pour les projets du diocèse), et 227 millions à la Fondation du patrimoine.

L’Etablissement a reçu en outre 202 millions de la Fondation Bettencourt-Schüller, de L’Oréal et de Téthys. Le ministère a obtenu 8,8 millions (Air Liquide, Crédit Agricole, etc...) Les départements franciliens et la Ville de Paris ont promis 70 millions.