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Sushis: mains chaudes ou pas, les Japonaises veulent leur place derrière le comptoir

8 avril 2020, 11:07

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Sushis: mains chaudes ou pas, les Japonaises veulent leur place derrière le comptoir

Les femmes ont les mains chaudes, leur goût est altéré pendant les règles et elles ne peuvent pas travailler de longues heures, affirment ceux au Japon pour qui l’art de confectionner des sushis serait réservé aux hommes.

Mais un nombre croissant de Japonaises veulent tordre le cou à ces vieux mythes et se forment dans les restaurants et établissements les plus prestigieux du pays pour devenir maître sushi.

Mizuho Iwai, 33 ans, est apprentie chez Onodera, restaurant haut de gamme du quartier de Ginza, aux rues en damier bordées d’étincelantes boutiques de marques de luxe du monde entier, et qui abrite nombre de tables de sushi parmi les mieux cotées de la planète.

Dans un secteur où les femmes sont clairement minoritaires, Mme Iwai est consciente d’être une anomalie. «Mais c’est pourquoi je voulais aller à l’encontre du statu quo», dit-elle à l’AFP. «Je me suis dit: «C’est ma mission»».

Chez Onodera, elle n’est pas totalement seule: il y avait avec elle une jeune fille parmi les dix apprentis avant la fermeture temporaire du restaurant en avril en raison de la pandémie de coronavirus. Mais la dizaine de cuisiniers du restaurant sont tous des hommes.

Clients rétifs

Le travail peut être épuisant et nécessite des années d’apprentissage. Comme dans la restauration à travers le monde, les horaires sont très lourds.

Les apprentis doivent mémoriser le nom et l’aspect d’une multitude de poissons japonais, apprendre les techniques du filetage, de la découpe, du désarêtage, qui semblent si simples dans les mains d’un professionnel aguerri mais virent vite au désastre dans celles d’un novice.

Le restaurant Onodera a aussi sa petite coquetterie à lui, sa façon particulière imposée au personnel de passer à travers le rideau traditionnel, ou noren: d’un geste élégant du coude.

«Mes collègues m’ont acceptée», estime Mizuho Iwai, qui a décidé de se consacrer à l’art du sushi après avoir cuisiné dans de petits restaurants japonais.

«Ils ne me traitent pas différemment parce que je suis une femme», assure-t-elle juste après s’être entraînée à trancher du chinchard japonais avec un des cuisiniers.

Le monde du washoku, ou cuisine japonaise, a longtemps été dominé par les hommes, plus encore que dans la gastronomie italienne ou française, selon Fumimasa Murakami, professeur à la Tokyo Sushi Academy.

Il n’existe pas de données officielles sur le nombre de femmes habilitées à confectionner les sushis dans les restaurants, mais M. Murakami estime que leur proportion est de «moins de 10%».

«La réticence à voir des femmes en cuisine au Japon reste forte, y compris dans le monde du sushi», constate-t-il.

«Et il existe réellement des clients qui ne veulent pas voir de femmes derrière le comptoir», ajoute-t-il. «Ce sont les clients d’âge mûr qui ont le plus de mal à accepter cela».

«Un travail sympa!»

Mais même des cuisiniers ont colporté ces idées reçues selon lesquelles les mains des femmes seraient trop chaudes pour maintenir la fraîcheur du poisson cru, ou que leur goût serait faussé pendant les règles.

Lorsque le chef d’Onodera, Akifumi Sakagami, 46 ans, a commencé comme apprenti dans un restaurant de sushi il y a plus de trente ans dans la ville septentrionale de Sapporo, les femmes étaient quasiment inexistantes en cuisine.

Pour lui, être cuisinier est une affaire de «compétence, de talent et d’efforts», qui n’a rien à voir avec le fait d’être un homme ou une femme.

Fuka Sano, l’autre apprentie du restaurant, dit ne pas s’être préoccupée de la faible féminisation du domaine qu’elle s’est choisi.

«Je pense que beaucoup de femmes sont convaincues que c’est un métier d’homme parce qu’elles y sont si peu représentées», dit la jeune fille de 18 ans.

Elle s’est décidée à entrer dans la profession après un voyage édifiant à Londres.

«Désolée de dire cela mais les sushis dans les chaînes de Grande-Bretagne n’étaient vraiment pas appétissants!», s’esclaffe-t-elle. Elle voudrait un jour contribuer à rehausser le niveau de la cuisine japonaise à l’étranger.

Sa co-apprentie espère que leur exemple va faire bouger les choses.

«Que le cuisinier soit un homme ou une femme n’a pas d’importance», dit Mme Iwai.

«J’espère que ce cliché va disparaître et qu’il y aura plus de choix pour les femmes. C’est un travail vraiment sympa!», conclut-elle.