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Profs de leçons particulières : entre chômage et intégration en ligne

6 avril 2020, 20:16

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Profs de leçons particulières : entre chômage et intégration en ligne

 

Avec le prolongement du confinement jusqu’au 15 avril, les programmes scolaires de l’État débutent aujourd’hui. Ce qui fait sourciller les enseignants dispensant des leçons particulières. Au chômage technique, ils perdent au moins Rs 40 000 mensuellement. D’autres se rattrapent en dispensant leurs cours en ligne.

«J’envoie des explications et des devoirs par photos à travers WhatsApp. Mais combien d’élèves y sont -ils intéressés? Ça ne'a pas l'air de vraiment marche », lance Jayson, enseignant qui dispense des leçons particulières d’anglais et de français au secondaire. En effet, sur 90 élèves, moins de 15 sont preneurs. Selon lui, ce recours est boudé par un bon nombre d’élèves n’ayant pas accès à Internet et dont le téléphone a été confisqué par leurs parents. «Certains enseignants utilisent des plateformes en ligne pour continuer leurs leçons, notamment pour les mathématiques ou autres filières plus difficiles. Mais pour les matières linguistiques, je ne vois pas assez d’intérêt.»

Et pour ce manque d’intérêt pour les cours particuliers en ligne, les enseignants paient le prix fort. Car selon Jayson, la perte se chiffre à une moyenne de Rs 40 000. «Heureusement que j’avais pu économiser un peu le mois dernier», avoue-t-il. D’autres prestataires également au chômage estiment que le montant lié à la cessation des leçons est bien plus élevé.

Selon, Nishal, professeur de leçon pour le Grade 10 au Higher School Certificate (HSC), ses homologues envoient des devoirs aux élèves par courriel ou font des petites classes de 40 minutes à travers Zoom, une plateforme de vidéo conférence. «Mais comme j’opérais déjà une plateforme avec mes cinquante élèves, j’ai déjà établi le programme pour les six prochaines semaines. En cas de questions, ils m’appellent ou me contactent par WhatsApp ou Messenger», explique-t-il. Les parents sont aussi mis à contribution pour le suivi à la maison. D’ailleurs, soutient-il, ce moyen fait davantage travailler les étudiants. Car si la séance régulière durait une heure par semaine, désormais, il faut compter 20 minutes par jour sous cette nouvelle formule avec le confinement.

Qu’en est-il de la rémunération? «Si le confinement dure 90 jours, les parents n’auront rien à payer pour le premier mois. Pour les 60 prochains jours, le tarif a été réduit comme je sais que tout le monde est en difficulté actuellement», précise notre interlocuteur. Ce sera l’équivalant d’un mois et demi.

Ravin, professeur de mathématiques, privilégie Zoom, WhatsApp et Office 365 pour continuer ses leçons pour les étudiants de Grade 7 à monter. «J’ai créé un groupe commun pour mes élèves d’école et de leçon. Ils sont 43 au total et semblent bien déterminés.» L’interaction se fait par vidéo tandis que les clichés des devoirs sont envoyés par WhatsApp. Est-il payé pour ce service à distance? «Ceux qui veulent payer le font. Aucun professeur ne peut l’imposer

Dans d’autres cas, les professeurs de leçons particulières semblent agir en bons Samaritains durant le confinement. Comptable de profession et détenteur d’un BA en Hinduism, Ewam Ramchurn compte se lancer dans les cours particuliers en ligne durant le couvre-feu. «Je l’ai déjà fait dans le passé. A Maurice, il n’y a pas beaucoup de professeurs d’hindi. J’ai déjà à ma disposition le programme d’étude des Grades 10 à 13. Je propose ces cours pour que les étudiants ne soient pas déconnectés et puissent s’améliorer», explique-t-il, en assurant que ces formations via WhatApps et Facebook seront «gratuites».

Risque d’échec scolaire

D’un autre côté, Vicky, professeur de chimie dans les Plaines-Wilhems, continue «à aider» les élèves auxquels il dispensait jusqu’ici des leçons particulières. «La chimie est un sujet compliqué à expliquer en ligne. En effet, il y a beaucoup d’équations et de structures. Pendant le confinement, je passe en revue les travaux effectués et envoie les notes aux élèves.» Opérant par le biais de l’application Zoom, Vicky assure également que ses prestations sont gratuites.

Les centres éducatifs et de leçons particulières ne sont pas en reste. Reshma Sumputh-Ramchurn, directrice générale de la Full Day School, à Curepipe et Rose-Hill et ayant un Tuition centre à Flacq, indique que les supports en ligne opèrent depuis le 20 mars. «Mais toutes les familles n’ont pas accès à Internet. On privilégie également WhatsApp avec des enregistrements des professeurs. On a aussi demandé aux parents de prendre un package de données d’une semaine et de le garder pour l’école. Les cours se font de 9 heures à 16 h 30», déclare la directrice, qui gère 150 groupes sur WhatsApp tous les jours. Pour les cours particuliers, une trentaine d’élèves sont concernés. Les groupes sont plus petits. Côté rémunération, c’est l’établissement qui s’en charge. «On a pris la responsabilité de payer les professeurs. Personne n’a demandé à être dans cette situation. On a dit aux parents qu’ils peuvent transférer les fonds ou peuvent le faire après le couvre-feu.»

Privés de leurs cours particuliers, les élèves sont-ils forcément voués à une baisse de performance? «Il faudra voir comment faire ce gros travail de rattrapage. Dans mon cas, j’ai des étudiants qui sont assez faibles dans leur scolarité. C’est un gros risque d’échec scolaire qu’on encourt», affirme Jayson. De son côté, Ravin soutient que l’impact sera positif comme les étudiants auront développé d’autres moyens d’apprentissage et ces temps additionnels.

Du côté des syndicalistes, on assiste à un lever de boucliers contre les cours particuliers. Vinod Seegum, président de la Governement Teacher’s Union (GTU) est catégorique. Pas d’école, donc pas de leçons particulières. «Peut-être que certains parents le veulent mais je suis contre cela. Dans une classe de 30 élèves, tous les étudiants n’ont pas accès à la technologie. Nous prônons l’équité.»

Munsoo Korrimboccus, porte-parole de l’Union of Private Secondary Education Employees (UPSEE), la prolongation du confinement aura un impact négatif sur les élèves, et sur leurs examens en particulier. «Une leçon particulière ne remplace pas l’école. C’est devenu comme une culture presque impossible à enlever. Je ne vois pas comment les élèves et leurs parents se l’infligent.»

D’ailleurs, comme le précise le pédagogue Michael Atchia, l’élève devrait pouvoir se débrouiller sans ces cours particuliers. «C’est vrai que les étudiants en dépendent beaucoup. Ils ne doivent absolument pas s’y rendre physiquement. Il faut leur redonner la volonté de travailler par eux-mêmes. Cela pourrait être plus bénéfique. Ils pourraient devenir de meilleurs apprenants.» Il suggère plusieurs pistes à cet escient. Au lieu de rester dépendant d’un professeur de leçons, les élèves du School Certificate (SC) et du HSC peuvent aussi se constituer en groupe par courriel ou WhatsApp pour travailler par exemple pendant une heure  les past exams papers. La création d’un emploi du temps dédié aux diverses matières est aussi nécessaire. Des recherches sur Internet sur ces matières ainsi que la réalisation de résumés contribuent également à maximiser ce temps d’apprentissage  et contraignent les étudiants à s’adapter au confinement.