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Vidia Mooneegan: «Le recours à la technologie dans divers domaines doit être accéléré»

6 avril 2020, 20:00

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Vidia Mooneegan: «Le recours à la technologie dans divers domaines doit être accéléré»

Certains refusent de se laisser abattre par les tentacules d’une calamité qui n’a pas encore dit son dernier mot. Le patron de l’organisme qui coordonne et parle au nom du secteur privé explique pourquoi l’émergence du Covid-19 pourrait constituer une occasion unique pour le pays de revoir sa copie afin qu’on sorte grandi après cette épreuve.

Quels dégâts le Covid-19 a-t-il fait subir à notre économie, même si cela peut paraître prématuré d’effectuer un bilan partiel de son impact ?
L’impact de ce phénomène sanitaire, qui a pris tout le monde par surprise, sera, dans une large mesure, tributaire de la capacité du pays à stopper, sinon à ralentir, les effets du Covid-19 sur la santé publique. Si, pour le moment, la santé publique est la principale préoccupation, il ne faut pas perdre de vue la nécessité de définir une stratégie pour favoriser une reprise économique dans les plus brefs délais. D’autant plus que nous faisons face à un phénomène qui nous empêche d’avoir une visibilité à court, moyen et long termes. Personne, en se basant sur notre mode de fonctionnement conventionnel et actuel, n’est en mesure de maîtriser les contours du Covid-19 et de prévoir, voire prédire, une éventuelle stratégie pour faire face au pire scénario que le Covid-19 nous réserve.

Outre les handicaps associés au Covid-19, quels autres obstacles sont susceptibles de barrer la route à une reprise économique rapide ?
La liste des obstacles est longue. Il faut certes envisager toutes les situations, les unes plus complexes que les autres, qui accompagneront l’émergence de ces obstacles. Mieux vaut pour le moment se concentrer sur les types d’obstacles qu’on est sûr de trouver sur notre route. L’aspect de la saisonnalité va entrer en jeu. Les saisons vont basculer les unes vers les autres. Personne ne peut prédire le comportement du virus avec le changement de saisons. Les choses peuvent s’améliorer certes – ce que tout le monde souhaite – mais elles peuvent aussi empirer. On ne peut pas prévoir l’évolution d’un virus alors qu’aucun médicament, jusqu’à preuve du contraire, n’est parvenu à donner une lueur d’espoir quant à sa capacité à contrer les risques associés au Covid-19. 

Il n’est pas interdit de prévoir aussi une baisse de la demande, élément déterminant dans la fabrication des produits. Un autre obstacle, dont il ne faut pas minimiser l’impact, concerne la réticence des personnes à se déplacer surtout dans les pays où le Covid-19 fait des ravages. La relance de notre économie dépend énormément de l’évolution de la situation dans nos principaux marchés, que sont les États-Unis et les pays de la zone euro. Le fait que nous entrons dans la période hivernale sera un véritable casse-tête pour les médecins et la population en général. Personne ne peut prévoir jusqu’à quand la question sanitaire sera la préoccupation majeure de tout un chacun.

Rien n’est tout mauvais ou tout bénéfique. En dépit de son émergence surprise, les peurs qu’il a provoquées, le pessimisme dans lequel il a plongé les plus optimistes des optimistes, peut-on évoquer quelques leçons que le Covid-19 a contraint le monde et, notre pays, à retenir ?
Le Covid-19 a une dimension planétaire et retenir des leçons d’un tel évènement devient un devoir, voire une obligation. Une des premières leçons à tirer est la nécessité de revoir notre posture par rapport à la mondialisation. Elle a abouti à une situation où la République populaire de Chine s’est attribuée graduellement la réputation de «grenier» du monde. Il sort d’un domaine, le sanitaire, où on l’attendait peut-être le moins et a entraîné dans son sillage le risque potentiel d’une rupture de la chaîne d’approvisionnement, surtout alimentaire. Il est peut-être temps de réfléchir à la possibilité de nous doter des capacités susceptibles de nous aider à atteindre le plus haut niveau d’autosuffisance alimentaire en cas de rupture de la chaîne d’approvisionnement au niveau mondial. La diversification de nos sources d’approvisionnement est une idée qui mérite d’être exploitée. 

L’émergence du Covid-19 a également démontré l’importance, pour chaque entreprise, d’un Business Continuity Plan afin qu’une catastrophe, qui paralyse le fonctionnement de ses infrastructures physiques, ne l’empêche pas de poursuivre ses activités même si ce ne sera pas une situation idéale. Il faudrait aussi un carnet diplomatique garni et à jour afin que, dans n’importe quelle situation, nous puissions compter sur l’appui de spécialistes chevronnés dans leur domaine de compétence. Notre pays doit pouvoir disposer d’un répertoire de compétences agiles et capables d’intervenir en toutes circonstances. Les secteurs public et privé ont affiché un très haut niveau de collaboration qui mérite d’être salué mais qu’il faudra retenir comme référence à l’avenir.

Votre allusion à la nécessité pour toute société de disposer d’un système capable d’assurer la continuité de ses services évoque évidemment l’apport de la technologie dans les activités humaines. Des exemples où le recours à la technologie aurait pu apporter un plus à l’efficacité des acteurs qui ont été et sont, en première ligne de la lutte contre le Covid-19 ? 
Il est urgent pour le secteur public dans son ensemble, mais surtout pour des segments comme la police ou la santé, qui sont les premiers et les plus sollicités en cas d’urgence, d’accélérer la transformation numérique de l’exécution de tâches, qui malheureusement sont toujours manuelles. La production de quelque 25 000 permis de déplacement en est une preuve flagrante. La numérisation peut contribuer à constituer des bases de données pouvant être expédiées d’un point à un autre sans intervention manuelle. Le recours à la vidéo-conférence est une réponse sans équivoque à toute situation, qui empêche le déplacement humain. Il faudrait aussi un cadre légal pour permettre l’utilisation de drones pour évaluer une situation où tout déplacement humain comporte des risques mortels.

Si la capacité à gérer les crises occasionnées par le Covid-19 n’était pas une partition écrite à l’avance, ce phénomène a poussé dans leurs derniers retranchements tant les leaders politiques que les capitaines de l’industrie. Quelles sont donc les qualités que le Covid-19 aura contraint les leaders de demain à s’attribuer par rapport à leur prédisposition à traiter l’imprévu ? 
Le Covid-19 aura fait la démonstration, qu’en période critique où la nation, voire le monde, doit stopper son mode de fonctionnement habituel, la communication doit être sans ambiguïté. La véritable communication ne consiste pas à inonder l’opinion d’informations. Celui qui s’adresse à la nation ou à la communauté des affaires doit tenir un langage transparent, qui ne laisse aucune place au doute, à la confusion, à l’alimentation et à la propagation de rumeurs, aux non-dits. Il s’agit de parler un langage qui, tout en faisant pas l’impasse sur la vérité et la véracité des faits, rassure. Un langage qui ne s’éternise pas sur la présence ou la pertinence d’un problème, mais un langage qui s’élance vers des solutions. Le chemin vers la solution, face à des problèmes en apparence insurmontables, n’est jamais facile. Cependant, lorsqu’une solution se présente, il faut la prendre de manière sereine en acceptant d’assumer toutes les conséquences de son application.