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Covid-19: les SDF victimes du virus de l’oubli

29 mars 2020, 19:30

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Covid-19: les SDF victimes du virus de l’oubli

Bob. C’est son nom. Il sait qu’il a 45 ans mais ne se souvient pas de son nom de famille. Il arpente les rues de Ste-Croix, en faisant attention de ne pas se faire épingler par la police. Il est à la recherche de nourriture en cette période de crise. Pour lui redonner le sourire, il suffit d’un «ti minn Apollo». Il ne demande pas grand-chose, juste de quoi assouvir sa faim.

Il est un sans-abri. Durant les cinq dernières années, il a exercé comme aide-chauffeur, sur des poids lourds et en jour de foire, dans la localité, mais surtout les samedis, plus spécifiquement, il transporte les légumes. Mais en raison du confinement, tout est à l’arrêt, n’ayant pas fait de provision, il se retrouve sans rien.

Il faut dire que Bob est timide. Il esquisse des sourires gênés en répondant aux questions. Son histoire et son vécu le rendent triste. «Ma mère étant décédée et n’ayant pas de père, je me suis retrouvé seul du jour au lendemain. Pa finn fer bel klas. Finn toulétan konn la mizer. Zordi, mo pé bizin dormi kot enn kamarad.» Confinement oblige. Au cas contraire, il risque de se faire prendre. «Kan lapolis trouv nou lor simé, zot met alarm, nou bizin sové, akoz péna drwa res lor simé mem si ou péna lakaz», déplore le quadragénaire.

Il est aussi très débrouillard. Il n’y a qu’à regarder ses savates et des vêtements qu’il porte. «Pa akoz mo péna lakaz mo bizin res dan malang. Je pars prendre mon bain dans la rivière et il en va de même pour ma lessive.»

En temps normal, il vit dans la rue, dans une maison abandonnée aussi, pour ne pas avoir à s’inquiéter des regards malveillants des passants. Vendredi, quand nous l’avons accosté, il était content. Des habitants ne sont pas restés insensibles à sa détresse. «Ek sa kas-la, mo finn asté enn ti coca ek enn minn dan enn laboutik ki touzour pé servi.»

20 heures. Ste-Croix toujours. Direction le dispensaire de la région. Une dizaine de sans domicile fixe y résident depuis quelque temps. Yo compte parmi ceux qui viennent de se joindre à eux, il y a trois mois environ. «Nou tou dan mem lapenn. Éna inn gagn pousé ek fami, éna péna fami. Isi nou dormi trankil, sof enn dé fwa, lapolis vinn pouss nou.»

Yo, en temps habituel, travaille comme laveur de voiture, mais en ce moment, il ne bosse plus. «Nous n’avons rien. Depuis dimanche, une dame vient nous apporter de la nourriture le soir, mais pour ce qui est des vêtements, nous n’en avons pas suffisamment.»

Il explique qu’avant le confinement, chacun traçait sa vie comme il le pouvait. «On sortait dans la rue, et on cherchait de quoi nous remplir le ventre», mais en ce moment, il est quasi-impossible de mettre les pieds dehors. «Nou pé manz zis enn fwa par sémenn, si dimounn kapav ed nou…»

Que ce soit Yo ou encore Bob, personne ne se soucie du Covid-19. «Quelle précaution prendre quand vous êtes à la rue ? Nou pa per nou, nou zis bizin kapav sirviv, nou péna kas ditou nou, nou viv zour pou zour...»

Quitte à braver la maladie et la mort.