Publicité

Panafricaines 2020: penser l’avenir écologique de l’Afrique

12 mars 2020, 20:37

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Panafricaines 2020: penser l’avenir écologique de l’Afrique

Espérer ou désespérer ? À l’hôtel Hyatt Regency de Casablanca, au Maroc, les ateliers se sont multipliés les 6 et 7 mars, lors de la 3e édition des Panafricaines, le réseau des femmes journalistes d’Afrique, autour du thème «Urgence climatique les médias africains, acteurs du changement». Le moins que l’on puisse dire, les journalistes n’ont pas vraiment le sourire face à cette problématique.

«Le réchauffement climatique est la priorité zéro du gouvernement dans mon pays.» Ce cri du cœur est le même du côté du Togo, du Burundi, du Zimbabwe, de la Mauritanie ou des Comores. «Quand on est journaliste, l’objectif demeure l’information. Or, comment informer et sensibiliser sur les problématiques liées à l’environnement quand nos dirigeants n’ont strictement rien à faire du changement climatique !» s’insurge une journaliste comorienne. «J’avoue que je ne connaissais rien au changement climatique avant que mon pays ne soit frappé par des catastrophes naturelles. J’ai commencé à m’informer sur Internet puis je suis devenue militante pour la justice climatique en animant des causeries dans les villages et auprès des femmes notamment. Je suis donc allée au-delà du journalisme mais j’ignore comment faire pour que les dirigeants se bougent», explique cette journaliste-reporter en Mauritanie.

Ces dernières années, on compte 250 000 personnes déplacées climatiques de la Somalie. 330 millions de per- sonnes, soit un tiers des populations africaines, n’ont pas accès à l’eau potable. La moitié des Africains ont des problèmes de santé liés au manque d’eau. 70 % de la population africaine est investie dans l’agriculture, premier secteur impacté par le réchauffement climatique. Les villes africaines consomment deux tiers de l’énergie et sont responsables à plus de 70 % des émissions de carbone du continent. En Afrique centrale, la température peut atteindre 46°C. Selon le World Risk Index, sur les dix pays en tête de lice des plus impactés par le changement climatique, sept se trouvent en Afrique.

Comment passer du plaidoyer à l’action sachant qu’en 2020, une dizaine de scrutins présidentiels et/ou législatifs doivent avoir lieu en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, au Togo, au Nigéria, en Guinée et au Ghana. Cette année marque aussi le soixantième anniversaire de l’indépendance de dix-sept pays d’Afrique subsaharienne, dont la Mauritanie, le Mali, le Séné- gal, le Bénin et le Cameroun. «Nous aimerions œuvrer pour accompagner la dynamique de la transition énergétique, pour créer ensemble une nouvelle économie. Mais comment trouver des solutions novatrices, pérennes et audacieuses, si l’on n’intègre pas les savoirs nationaux dans cette démarche», s’interroge une autre journaliste.

Le réseau panafricain des femmes journalistes peut être à la fois un espace d’échanges d’informations et de bons procédés. Les journalistes africaines espèrent ainsi être plus visibles pour mieux plaider au niveau continental pour un sursaut urgent et nécessaire. «Nous sommes prêtes à relever ce défi car il y va de notre responsabilité de journalistes et de notre devoir de citoyennes mais il faut des discours de prises de conscience de nos dirigeants et des actions concrètes et urgentes de leur part. Les dirigeants et les peuples doivent devenir les forces motrices du changement», sou- ligne une journaliste et présentatrice à Canal Algérie, télévision publique algérienne.

Meryem Hdia, ambassadrice du climat, estime que ceux qui détiennent le pou- voir en Afrique ne s’intéressent pas au changement climatique car ils sont centrés sur des problèmes comme la pauvreté, la santé et l’éducation. «En tant qu’Africains, nous sommes plus ou moins conscients que la Nature est généreuse avec nous. Nous devrions donc être unis sur ce même continent, avec notre diversité et nos différences. Or, nos dirigeants nous séparent au nom de la mondialisation et d’un développement économique guidé par des politiques inhumaines et sans principes.»

Sarah Boukri, docteur en sciences politiques, a participé aux Panafricaines en tant que citoyenne et Marocaine. Selon elle, il ne faut pas tomber dans la dictature écolo qui aurait l’effet contraire sur l’Afrique. «Le défi pour l’Afrique n’est pas de réduire son émission de gaz à effet de serre mais de faire face aux conséquences du changement climatique.» Elle cite une étude des Nations unies, qui évalue à $50 milliards le budget annuel si l’Afrique subsaharienne veut mener à bien une politique d’adaptation au changement climatique.

Or, dit-elle, l’Afrique n’a pas les moyens. Et si d’aventure des financements étaient disponibles, la corruption et la mauvaise gouvernance ne permettraient pas de financer comme il se doit les politiques d’adaptation au changement climatique. Quant aux populations, «la problématique écologiste est un luxe car elles sont prises dans diverses préoccupations de survie.» Ce qui sauvera l’Afrique ? Un changement radical de mentalités et c’est autant la responsabilité que le devoir de médias crédibles et responsables.