Publicité

Dominique Wolton: «Les réseaux sociaux, une immense poubelle»

3 mars 2020, 08:07

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Dominique Wolton: «Les réseaux sociaux, une immense poubelle»

«L’information est saisie d’une tragédie : on ne la croit plus. Tout le monde pense que tout le monde ment.» Le sociologue Dominique Wolton , directeur de recherche au CNRS, dont il a fondé l’Institut des sciences de la communication, était de passage à La Sentinelle, hier. L’occasion de parler de ses thèmes de prédilection : l’information et la communication, la mondialisation, la diversité et les identités culturelles, mais aussi de raconter son dialogue avec le pape, à partir duquel il a réalisé un livre.

S’adressant à des journalistes, principalement, il a évoqué les enjeux de leur métier. L’erreur commise depuis des décennies c’est d’avoir voulu diaboliser la communication. Or l’information c’est de la communication. L’information, c’est le message, la seconde, c’est la relation. «Vous ne sauverez pas l’information sans sauver la communication.» Paradoxalement, l’incommunication augmente avec les millions d’informations qui circulent sur les réseaux. Sa vision pessimiste du journalisme est qu’il soit tué par la technologie triomphante. «On croyait que plus il y aurait d’information, plus il y aurait de démocratie, mais ce n’est pas vrai. Le volume d’information ne crée pas la communication.»

 D’ailleurs, les journalistes se sont fait avoir. «Vous avez cru que les réseaux c’était la vérité, mais avec Internet c’est la subversion. C’est une immense poubelle où chacun raconte sa vie, balance des saletés.» Ce qui entraîne son lot de désinformation, d’infox (fake news). «Plus il y a de connaissances accessibles, plus le rôle des intermédiaires est fondamental. On a besoin d’intermédiaires humains

Dominique Wolton est en croisade contre les GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon). Sa crainte : qu’ils envahissent jusqu’aux écoles pour suppléer aux enseignants, les remplacer par la technologie. «Les GAFA c’est l’aliénation complète. L’impérialisme mondial, c’est rien par rapport à eux.»

 Les principaux concernés, ceux à qui il faudrait expliquer que ni les écrans ni les milliers de messages ni la technologie, n’aideront à solutionner leurs problèmes relationnels de chair et d’os, ce sont les jeunes. D’ailleurs, cette mondialisation des «échanges» virtuels, cette vitesse technologique, ce temps réel, contribue aux erreurs, à l’incompréhension, au repli identitaire, à la standardisation, («un plus grand volume et une plus grande vitesse de diffusion d’information ne créent pas plus de diversité»).

Si le progrès de la mondialisation c’est l’ouverture, sa tragédie c’est la standardisation. Elle a écrasé les identités, avec, en conséquent, les conflits culturels. Une illustration avec le coronavirus. «On est sur un chaudron. Avec la mondialisation, les peurs ancestrales vont remonter (…) Souvent, après les pandémies, il y a des guerres, il faut trouver des bouc-émissaires.» Peur de l’autre entretenue par les réseaux sociaux, qui exacerbent nos côtés les plus sombres. «On ne nous apprend pas à nous respecter», déplore Dominique Wolton. Qui confie une leçon d’humilité que lui a faite le pape, en lui disant qu’il ne fallait pas parler de tolérance car cela induit une notion de supériorité, mais de respect.

D’où l’importance pour les journalistes de garder leur distance de ces nids à insanités que sont les réseaux et de ne pas subir la tyrannie des internautes. Si la demande génère l’offre, nous ne sommes plus dans notre rôle. Notre métier c’est de vous dire ce que vous ne voulez pas entendre. Cela, vous vouliez le lire ?