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Dernière nuit du carnaval de Rio, Bolsonaro épinglé par la samba

25 février 2020, 10:29

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Dernière nuit du carnaval de Rio, Bolsonaro épinglé par la samba

Pour la deuxième et dernière nuit des défilés féériques du carnaval de Rio, les écoles de samba vont encore délivrer à partir de lundi soir des messages très politiques au gouvernement d’extrême-droite de Jair Bolsonaro.

Pour l’une des plus massives et somptueuses fêtes du monde, les six dernières écoles doivent défiler l’une après l’autre et jusqu’à l’aube sur l’immense avenue du sambodrome conçue par l’architecte Oscar Niemeyer, devant plus de 70.000 spectateurs en liesse et des millions de téléspectateurs.

Chacune des écoles de samba dispose d’environ une heure pour enchanter le public au son assourdissant de la samba et des batteries avec des chars allégoriques fastueux aussi hauts qu’un immeuble de plusieurs étages, quelque 3.000 danseurs aux costumes flamboyants et danseuses sculpturales très dénudées.

En jeu pour les treize écoles en lice lors de ces deux nuits de défilé, le titre très convoité de championne, enlevé l’an dernier par celle de Mangueira.

Mangueira qui a encore frappé les esprits la nuit précédente avec un défilé mettant en scène un Jésus noir venant apporter la paix dans une favela où il danse avec ses disciples avant d’être confronté à l’intervention brutale de policiers armés de matraques.
 
Plusieurs écoles ont ainsi dénoncé dans la nuit de dimanche à lundi les opérations policières qui ont fait plus de 1.800 tués l’an dernier, soit environ cinq personne par jour, sous un gouvernement arrivé au pouvoir avec la promesse de réduire la violence endémique au Brésil.

«Beaucoup de contestation»

Avec son Jésus à la peau noire, Mangueira avait déjà semé la polémique avant même le défilé, une pétition en ligne d’ultraconservateurs, très en cour aujourd’hui à Brasilia, ayant demandé l’interdiction de son défilé pour «blasphème».

Une autre école, Grande Rio, avait pris pour thème la veille celui de la tolérance religieuse, avec des chars exaltant les croyances afro-brésiliennes.

Lutte pour la diversité et les droits de tous les opprimés Noirs, pauvres, femmes ou communauté LGBT les dernières écoles de samba devraient enfoncer le clou dans la nuit, dans un pays de 210 millions d’habitants qui a porté à sa tête un président ouvertement raciste, misogyne et homophobe.

«Au carnaval il y a beaucoup de contestation, parce que nous voulons que le monde voie ce qui se passe ici», dit Camila Rocha, déguisée en énorme pierre précieuse. «Beaucoup de gens s’opposent à ce gouvernement extrémiste».

Ainsi, dans une très éphémère prise de pouvoir, les opprimés ou laissés pour compte sont traditionnellement au premier plan lors du carnaval qui puise dans ses racines indigènes, mais particulièrement cette année, an II du gouvernement Bolsonaro.

L’école la plus titrée du carnaval, Portela, avec 22 trophées, a précisément évoqué ces racines lors d’un défilé la veille qui a marqué les esprits.

«Notre village ne s’incline pas devant le capitaine», disait la chanson de l’école, une référence transparente à l’ancien capitaine de l’armée Jair Bolsonaro.

Ancré dans l’actualité

Avant-dernière à défiler dans la nuit de lundi à mardi, l’école de Mocidade doit rendre un hommage à la chanteuse mythique Elza Soares, 89 ans, une icône de la lutte contre le racisme et l’homophobie.

Le carnaval de Rio est également particulièrement ancré cette année dans l’actualité : la déforestation en Amazonie (elle a doublé en 2019, première année du gouvernement Bolsonaro), ou d’autres atteintes à l’environnement avec la pollution des océans, qui doit être dénoncée par l’école Unidos da Tijuca.

L’école Estacio de Sa avait illustré la veille avec un immense char allégorique le désastre environnemental provoqué par les dizaines de milliers de chercheurs d’or, dans les années 80.

L’école de Viradouro, elle, a dû remplir son spectaculaire aquarium où évoluait une sirène sur un char de 750.000 litres ... d’eau minérale, la souillure de l’eau coulant des robinets à Rio depuis deux mois aurait empêché le public de voir la performance aquatique.

Le long des 700 mètres du sambodrome des figurants évoqueront aussi, pour la dernière nuit, la corruption et le blanchiment d’argent, en référence à de récents scandales.

Enfin, l’école qui doit ouvrir le feu lundi soir dans le sambodrome, Sao Clemente, va dénoncer le flot de fausses informations ayant émaillé la campagne électorale de Jair Bolsonaro, un président décidément ultra-présent dans cette édition.