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Abdullah Hossen: «Entre l’optique et la politique, et entre opticien et politicien, il n’y a pas de grande différence»

23 février 2020, 20:00

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Abdullah Hossen: «Entre l’optique et la politique, et entre opticien et politicien, il n’y a pas de grande différence»

Si vous voulez n’entendre que du bien de Pravind Jugnauth et d’Ivan Collendavelloo, c’est l’interview à lire. Abdullah Hossen, l’opticien, est passé dans le camp du ML après avoir été député au MMM et transité par le PTr. Ce qui fait de lui un observateur privilégié.

Bon anniversaire Abdullah Hossen.
(Il fronce les sourcils). Ce n’est pas mon anniversaire.

C’est l’anniversaire du Parti travailliste (PTr)…
(Il éclate de rire) Je ne suis pas membre du PTr.

On vous souhaitera bon anniversaire en septembre quand le Mouvement militant mauricien (MMM) fêtera le sien puisque vous avez aussi été membre du MMM…
Ecoutez. Je fais de la politique active depuis 1995 (et il nous retrace sa longue carrière qui l’a conduit aux postes de lord-maire, député, et Parliamentary Private Secretary - PPS).

On connaît votre carrière. C’était juste une mesquinerie pour faire ressortir qu’avant le Muvman Liberater (ML) dont la vie est étroitement liée au Mouvement socialiste militant (MSM), vous avez été au MMM et au PTr. On raconte que Paul Bérenger vous qualifiait de «serpent à lunettes», il avait donc eu raison ?
Je ne suis pas d’accord. J’étais PPS dans le gouvernement de Ramgoolam, de 2010 à 2014. Ce même Ramgoolam qui disait sur toutes les estrades que ce n’était plus possible que bef travay, souval manzé et il était temps que bef travay, bef manzé. Mais au final avec Ramgoolam, bef inn travay, bourik kinn manzé.

Voilà pourquoi il a reçu une première claque en 2014, et une autre l’année dernière. Ramgoolam et Bérenger m’ont privé d’une investiture en 2014 alors que monn rint mo kadav pour le parti. Ils m’ont donné des responsabilités, je leur suis reconnaissant mais…

(On l’interrompt). Donc si vous aviez obtenu une investiture en 2014, vous auriez été à l’aise avec le fait que «bef travay, bourik manzé» ?
Si j’avais eu une investiture, ç’aurait été bef travay bef manzé. Hélas, ce n’était pas le cas. J’étais député sortant en 2014. Sur l’autel de l’alliance avec le PTr, le MMM demande la tête de tous les ex-MMM. Et Ramgoolam s’y plie. Dès le départ, il a abdiqué devant ses responsabilités en tant que leader.

En 2019, vous rejoignez le ML qui est en alliance avec le MSM et vous êtes candidat aux élections. La mauvaise réputation de cette alliance avec toutes les casseroles et scandales qu’elle trimbale et la perception que chez les Jugnauth «bef travay, fami manzé» ne vous ont pas dérangé ?
La réputation de l’alliance MSM-ML c’est son bilan. Quand a-t-on parlé de Negative Income Tax sous le règne de Navin Ramgoolam ? C’était une notion complètement ignorée. Aujourd’hui c’est une réalité sous le régime ML-MSM. Parlons de la pension à nos aînés. Je le dis toujours aux jeunes : nos aînés sont ceux qui nous ont fait faire les premiers pas de la vie. On ne peut pas les laisser sur la touche…

(On l’interrompt encore) Ce langage de politicien, on l’a archi entendu sur les estrades politiques. Cette interview est censée entrer dans vos tripes pour voir si vous êtes vraiment et à 100 % d’accord avec la méthode de gouverner du duo Jugnauth-Collendavelloo…
Il y a toujours des réalisations positives. Et il y a toujours des manquements. Et cela s’applique à tous les gouvernements. Mais c’est quoi le plus important ? Quand on s’engage en politique, on est motivé par des idéaux qui définissent notre itinéraire politique. L’engagement pour quoi faire ? Pour mettre ses compétences à la disposition du pays pour son progrès et son développement. Le développement et le progrès, c’est ce dont je vous parle et que vous qualifiez de langage de politicien, c’est le Negative Income Tax, c’est le salaire minimal, c’est la pension de vieillesse. C’est le travail pour ceux au bas de l’échelle. Ce gouvernement a valorisé le travail manuel avec un minimum de revenus.

Si je vous dis que le coefficient GINI qui mesure l’écart entre riches et pauvres ne cesse de croître et que la classe moyenne a de plus en plus de mal à joindre les deux bouts…
Dans une économie libérale, il est inévitable avec le développement et le progrès, que cet écart grandisse. À partir de là, le gouvernement a pris les mesures qui s’imposent pour combler cet écart. Le gouvernement a manifesté une certaine solidarité vis-à-vis des syndicats. Je salue Pravind Jugnauth et son équipe pour cela.

Vous êtes sûr que les syndicats du port, de l’industrie sucrière, auront la même appréciation et diront que «avec Pravind Jugnauth on vit mieux» ?
Certainement, avec Pravind Jugnauth on vit mieux. Beaucoup mieux. Prenez l’exemple du métro. Personne n’y croyait. Aujourd’hui il est vrai, il est réel et il fonctionne.

Metro ou Tram ? J’en appelle à votre conscience intellectuelle.
What’s in a name.

C’est donc ce beau bilan qui fait que vous rejoignez Ivan Collendavelloo et le ML en octobre 2019…
Oui. Ivan et moi n’avions jamais réellement coupé les ponts. Nous étions en contact. On ne se voyait pas souvent, mais on se parlait.

Vous êtes à l’aise avec l’homme qui a regardé Sobrinho dans les yeux et vu que son argent était propre ? Plus tard Sobrinho allait être le principal protagoniste de la plus grave crise constitutionnelle qu’ait connue le pays…
Quand la vérité a éclaté, le gouvernement a pris les sanctions nécessaires.

Il a fallu que la presse s’en mêle, que des enquêtes soient publiées. Si on s’était fié à l’analyse d’Ivan Collendavelloo on aurait été dans de sales draps…
Nous vous en sommes reconnaissants. Le gouvernement consolide cette liberté d’expression et la libre marge de manœuvre dont jouit la presse. C’est un élément fondamental de toute démocratie. À la lumière des révélations de la presse, je pense que le gouvernement a agi.

Au moment de rejoindre le ML, vous avez parlé de Sobrinho à Ivan Collendavelloo ?
Non. Par contre je dois vous dire qu’Ivan collendavelloo est un homme franc et sincère. Ce n’est pas un hypocrite. S’il était resté au sein de son cabinet d’avocats, il aurait gagné beaucoup plus d’argent que ce qu’il gagne en tant que vice Premier ministre.

Donc pour vous, le gouvernement Jugnauth-Collendavelloo est le gouvernement le plus propre que le pays ait connu ?
C’est le gouvernement qui a tenu le langage de vérité.

Le plus propre, c’était cela la question.
(Il fait semblant de ne pas nous entendre). Le gouvernement qui a identifié de nouvelles avenues de développement et de prospérité.

Je vous demande de dire que le gouvernement Jugnauth-Collendavelloo plus propre en termes de scandale, d’allégations de corruption, etc.
Il y a eu des cas fort regrettables de certains députés et non des moindres. Mais il y a eu les sanctions nécessaires. On ne peut pas montrer du doigt Pravind Jugnauth sur ce sujet-là. Il est un homme qui travaille sans tambour ni trompette.

Vous n’avez jamais qualifié le scandale Medpoint de scandale du siècle ?
Non, jamais.

De 2011 à 2014, alors que le PTr et le MSM s’affrontaient avec virulence, vous étiez au gouvernement, donc dans le camp des Rouges qui criaient sur tous les toits que l’affaire MedPoint est terriblement grave, que SAJ a démissionné pour sauver son fils, et que le MSM est une affaire de famille. Ça vous ne pouvez pas le nier.
Je n’ai jamais dit cela. Je ne l’ai jamais pensé. Pravind Jugnauth était ministre des Finances et qu’il soit partie prenante de l’achat de MedPoint n’est absolument pas choquant. C’est d’ailleurs ce point fondamental qui a été soulevé devant le Privy Council où Pravind Jugnauth a gagné son procès.

Vous étiez donc le seul travailliste à penser que Pravind Jugnauth est innocent ?
Je n’ai jamais personnellement commenté l’affaire Medpoint. Jamais.

Vos lunettes vous donnent décidément une certaine clairvoyance qui vous a permis, assis dans les rangs du PTr entre 2011 et 2014, de voir que Pravind Jugnauth serait Premier ministre en 2019…
Peut-être bien (il éclate de rire). Entre l’optique et la politique, et entre opticien et politicien, il n’y a pas de grande différence. Sérieusement, il y a toujours deux versions pour une histoire. Il y a la version du PTr et la version de Pravind Jugnauth.

Mais la vérité n’a qu’une seule version…
Cette version a été donnée par les Law Lords. Mais pardessus tout cela, il y a le tribunal du peuple. Ce tribunal a renouvelé sa confiance en Pravind Jugnauth, et cela en toute connaissance de cause. Si la population pensait que les Law Lords se sont trompés et que Pravind Jugnauth a magouillé dans l’affaire Medpoint, elle n’aurait pas voté pour lui comme Premier ministre. C’est simple. Ramgoolam peut lui se vanter d’avoir été blanchi par les tribunaux de justice, mais le tribunal du peuple l’a condamné. C’est cela le plus grand tribunal.

Le tribunal a élu ce gouvernement avec 37 % des voix seulement…
J’entends cela souvent. On oublie que nous étions dans une lutte à trois? Le MSM-ML a obtenu plus du tiers des voix. Le système veut qu’il ait obtenu la majorité des sièges. Mais n’occultez pas le fait que personne n’a fait mieux que nos 37 % ! Le PTr ou le MMM ont fait mieux ? Le tribunal du peuple, qu’on le veuille ou non, a choisi Pravind Jugnauth.

Ce même tribunal du peuple qui vous a relégué loin derrière Osman Mahomed dans la circonscription numéro 2. Il remporte 10 000 voix et vous 3 000.
Non non, vous vous trompez. J’ai remporté 4 000 voix et lui 7 000.

Vous êtes sûr ? Je vais revérifier.
(Sûr de lui). Ah oui oui. Allez vérifier. (NDLR : Osman Mahomed a factuellement remporté 10 560 voix contre 3952 à Abdullah Hossen)

Bref le tribunal du peuple vous a rejeté. Pourtant trois fois par jour sur Facebook, vous vous montrez en train de visiter des drains, des trottoirs, des rues à être asphaltées. La campagne est finie, vous savez. Les élections sont dans 5 ans à présent.
Campagne ou pas, élu ou pas, je me suis engagé en politique. Et cet engagement fait que je reste tout le temps, à tout moment aux côtés des habitants de la circonscription.

Ne vous investissez pas trop quand même. Pravind Jugnauth peut vous priver d’une investiture en 2024.
Comme l’a fait Navin Ramgoolam en 2014. Ça ne fait rien. Je suis dans cette circonscription depuis 20 ans. Et en me mettant à nouveau dans l’arène politique en 2019, je savais que mes chances étaient minimes. Mais mon objectif c’est 2024.

Attention aussi aux platebandes. Roubina Jaddoo-Jaunboccus, hors-jeu lors des dernières élections, n’a sans doute pas dit son dernier mot. Elle attend son procès pour revenir.
Il y a de la place pour tout le monde. Nous alignerons trois candidats aux prochaines élections.

Mais vous savez qu’elle est très proche de Pravind Jugnauth. S’il faudra choisir entre vous et elle, vous avez peu de chances.
C’est la direction qui décide. Qui sait ce qui va se passer dans les prochaines années? Je ne peux moi-même dire avec certitude ce qu’il adviendra de moi. Mais ma mission actuelle, même en étant hors du Parlement, c’est de faire que l’électorat de la circonscription numéro 2 se dise que l’Alliance Morisien a travaillé pour lui.

Donc aucun risque que vous poursuiviez votre saut de l’arc-en-ciel ?
On rappelle que vous êtes passés du mauve au rouge, puis du rouge au blanc. Le ML c’est votre gare ? Je ne suis pas passé du rouge au ML. J’ai été privé d’une investiture en 2014. Il y a une nuance. Ce n’est que 5 ans après que j’ai rejoint le ML.

On ne va pas s’y éterniser. Vous êtes un candidat battu au numéro 2. L’Alliance Morisien n’a élu aucun candidat au numéro 3 et a eu toutes les peines du monde au numéro 15. Votre analyse sur cette faiblesse particulière du MSM ?
Ce sont trois circonscriptions urbaines avec une majorité sinon une très forte présence de la communauté musulmane. L’histoire démontre que les relations n’ont pas toujours été cordiales entre le MSM et la communauté musulmane. Mais ces dernières années, le MSM a fait de gros efforts vis-à-vis de cette communauté. Mais 4 à 5 ans ne suffisent pas à redorer le blason du MSM auprès de la communauté musulmane.

Mais cet écart ne se creuse-t-il pas davantage quand le MSM choisit le Président qu’il a choisi alors que les autres partis avaient proposé un membre de la communauté musulmane ?
Ecoutez, Cassam Uteem était député de la circonscription numéro 3 pour le MMM. Il démissionne comme député pour aller à la Présidence. Plus tard, l’électorat du numéro 3 a démontré qu’elle n’a pas approuvé cette démarche. Voilà ma réponse.

Qui peut empêcher à Pravind Jugnauth de remporter les élections de 2024 ?
Personne. Pravind Jugnauth est parti pour au moins trois mandats. Ce présent mandat, et au moins deux autres mandats. L’opposition ? «Eoula !» Elle est une insulte à l’intelligence du peuple.

Allez dire ça aux victimes du Super Cash Back Gold envers qui Pravind Jugnauth n’a pas tenu sa promesse pour un remboursement partiel en décembre 2019…
Je ne sais pas s’il était question de décembre. Mais si Pravind Jugnauth a pris l’engagement de le faire, je suis sûr qu’il le fera.

Au-delà de la politique, vous êtes aussi un entrepreneur. Vous n’êtes pas inquiet de l’état de l’économie : la dette publique, la balance commerciale, la croissance, alors que l’Etat dépense sans compter sur le métro, ou encore les pensions ? Les travaillistes n’avaient-ils pas dit en 2014 que la pension à Rs 5000 était impossible ?
Le MSM l’a fait. Le gouvernement MSM-ML a tenu sa promesse sur la pension de vieillesse en décembre 2019. Toutes ces dépenses que vous citez ce sont des investissements.

N’y a-t-il aucun risque qu’un entrepreneur qui lit honnêtement les fondamentaux économiques dise en face de cette interview : «Quel hypocrite cet Abdullah Hossen. Parce qu’il est dans le camp du gouvernement il prétend que tout va bien dans l’économie» ?
Non. Les défis sont là. Mais c’était notre slogan lors de la dernière campagne et je vais vous la donner comme réponse à cette question : «Ansam tou posib».

Une nomination pour vous c’est aussi possible ?
Je n’attends rien. Je ne demande rien. Je ne veux rien.