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Plants de cannabis déracinés: place à l’importation

10 février 2020, 17:00

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Plants de cannabis déracinés: place à l’importation

Les trafiquants changent de mode d’approvisionnement. Dernière preuve en date, la saisie de 4,5 kg de cannabis à l’aéroport, le jeudi 6 février. À laquelle s’ajoutent les 100 et 140 kg de cannabis saisis à La Réunion en 2018 et 2019 respectivement, qui seraient destinés au marché mauricien. Des étudiants étrangers ont aussi été interceptés avec du cannabis ces deux dernières années à Plaisance.

Selon Danny Philippe, le président du Collectif Urgence Toxida (CUT), de plus en plus de cannabis importé entre sur le marché local. Pour lui, si les descentes de l’Anti-Drug and Smuggling Unit (ADSU) dans les champs de gandia sont acclamées comme des exemples de la lutte fructueuse contre la drogue, rien n’est moins vrai. 

Car, pour lui, les trafiquants cherchent par tous les moyens à répondre à la demande locale ,fut-ce en prenant des risques pour importer du cannabis. «On aura beau déraciner des plants des gandia sur les flancs de montagnes ou dans les champs de canne, il s’introduira toujours dans le pays, quand les consommateurs ne se tournent pas vers le synthétique.» 

Cocaïne et héroïne pour la classe moyenne

Un autre travailleur social, qui a voulu garder l’anonymat, affirme que la cocaïne et même l’héroïne, mélangées à d’autres produits, sont maintenant disponibles pour la classe moyenne. Alors que ces drogues n’étaient consommées auparavant que par des gens aisés.

«Le crackdown sur la culture artisanale du gandia est fait pour permettre à de gros trafiquants d’en importer en grande quantité. La démocratisation de la culture du cannabis, si l’on peut dire, est remplacée par un capitalisme commercial qui importe et distribue en grande quantité le cannabis et d'autres drogues.»

«Ces descentes et déracinements par l’ADSU, accompagnés des membres de la Special Mobile Force ou même du GIPM, ajoute-t-il, ne sont que du cinéma et de la propagande politique. Cela servira au politicien dans des meetings publics quand il clamera, par exemple 'nou pou san pitié kont trafikan ladrog. Get komié sézi nou finn fer ek nou pou kontinié'.»

Ces ressources auraient pu être utilisées, au moins en partie, pour la réhabilitation et la prévention, nous affirme le travailleur social. Danny Philippe est convaincu que les opérations de l’ADSU ont augmenté et avec l’aide de l’hélicoptère, les sorties sont plus efficaces. Tout cela fait que les prix prennent l’ascenseur.

Forte demande 

D’où l’idée de placer des commandes à l’étranger. Les principaux pays fournisseurs seraient La Réunion et Madagascar. D’autres pays de l’Asie, du Moyen-Orient et de l’Afrique alimentent le pays également. 

On se rappelle de l’étudiant nigérian Chukwuebuka Chibuezeh Amiduewe, qui avait eu l’idée d’aller chercher cette drogue dans son pays natal où le cannabis, dit-il, pousse comme de l’herbe folle. Il avait décidé de s’y risquer en constatant la forte demande à l’université qu’il fréquentait et le prix exorbitant réclamé. Il a été pris et attend sa sentence qui sera prononcée incessamment par la cour d’assises.

L’avocat et ancien Attorney General Rama Valayden est sur la même longueur d’onde que Danny Philippe. Il va même plus loin en affirmant que le cannabis importé aurait pu être cultivé à Maurice. Des devises étrangères auraient été économisées et des emplois créés. Il ajoute toutefois que cette «activité devrait être rigoureusement contrôlée par les autorités». 

«C’est nous qui avons créé un marché pour l’importation de gandia»

«Tout comme le Subutex, c’est nous-mêmes qui avons créé un marché pour l’importation de gandia», affirme Rama Valayden. Comment ? «Par la répression brutale de ceux qui cultivent ou consomment du cannabis.» Il compare la situation à La Réunion, où la répression est plutôt légère. Ce département de la France n’a pas connu par conséquent la montée de la consommation de drogue synthétique et d’autres drogues dures, explique-t-il. 

«Nous le demandons depuis plusieurs années. Il faut revoir les lois. Ce n’est ni par la répression ni par la destruction de plants de gandia que le problème sera résolu», dit le travailleur social. «Quand on ferme une porte, une autre s’ouvre pour laisser entrer de la drogue dans le pays.» 

L’ADSU serait-elle donc en train de mobiliser beaucoup de ressources alors que ses efforts ne sont pas si efficaces ? Car soit les drogues sont importées, soit les consommateurs se tournent vers des produits plus dangereux, comme le synthétique…