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Les Irlandais aux urnes, le Premier ministre joue son avenir

8 février 2020, 19:23

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Les Irlandais aux urnes, le Premier ministre joue son avenir

Les Irlandais votent samedi lors d’élections législatives périlleuses pour le Premier ministre irlandais Leo Varadkar, où sa campagne axée autour du Brexit a semblé loin des préoccupations des électeurs, qui tournent autour du logement et de la santé.

Le chef du gouvernement sortant a voté en milieu de journée dans la périphérie de Dublin. Sans cravate, une paire de baskets de ville aux pieds, il est apparu détendu, se prêtant au jeu des selfies et saluant tous les membres du bureau de vote.

Jeune (41 ans), métis, homosexuel, incarnant une Irlande autrefois très catholique qui se modernise, Leo Varadkar voit après presque trois ans au pouvoir sa popularité s’émousser.

Selon un sondage publié en début de semaine dans l’Irish Times, le parti du Premier ministre, le Fine Gael, arriverait en troisième position, avec 20% des intentions de vote. Il serait devancé par son grand rival, le Fianna Fail (23%), également de centre droit.

Depuis l’indépendance il y a un siècle, le paysage politique irlandais est dominé par ces deux partis de centre droit, qui gouvernent le pays alternativement ou en coalition comme dans le gouvernement sortant.

La sensation de la campagne est venue du Sinn Fein, parti nationaliste de gauche. Ancienne vitrine politique de l’Armée républicaine irlandaise (IRA), le parti a été donné en tête avec 25% des intentions de vote.

«Les gens nous ont dit tout au long de la campagne qu’ils veulent le changement», a déclaré la cheffe du Sinn Fein en votant à Dublin.

Elle promet un référendum sur l’unification de l’Irlande avec la province britannique du nord dans les cinq ans et ses propositions pour bâtir des logements, un des thèmes majeurs dans la campagne, trouvent un écho particulier auprès d’un électorat jeune et urbain.

«Affreux bazar»

Alexander Faw, étudiant en physique de 22 ans, espère que les deux grand partis de centre-droit qui dominent la vie politique du pays depuis un siècle perdront le pouvoir au profit d’un gouvernement davantage marqué à gauche.

«Ils ont fait échouer le pays un certain nombre de fois», juge-t-il, interrogé par l’AFP à Dublin, citant au nombre de ses préoccupations les logements sociaux et le système public de santé.

Pour Viviane Fitzpatrick, qui travaille dans une association, son vote marque surtout son opposition à un parti plutôt qu’un ralliement. «C’est un affreux bazar depuis des années», explique cette femme de 49 ans après avoir voté dans la capitale.

Soulignant l’importance de l’écologie, elle espère aussi, comme une large majorité d’Irlandais, que le prochain gouvernement se concentrera sur des questions comme le logement et la santé.

Dans les faits, les chances de voir le Sinn Fein accéder au pouvoir à l’issue de ces élections sont extrêmement faibles. Le parti nationaliste de gauche ne présente que 42 candidats pour 160 sièges de députés.

De plus, Fine Gael comme Fianna Fail excluent toute alliance avec ce parti au passé sulfureux en raison ses liens avec l’IRA, organisation paramilitaire opposée à la présence britannique en Irlande du Nord.

Le chef du du Fianna Fail, Micheal Martin, s’est dit «confiant», en votant à Cork (sud). «Nous avons une obligation envers le peuple de travailler aussi dur que nous le pouvons pour faire en sorte qu’il y ait un gouvernement en ordre de marche après cette élection», a-t-il déclaré.

Souvenir des «Troubles»

Leo Varadkar s’est vu reprocher d’avoir fait campagne davantage sur le Brexit que sur les préoccupations des électeurs.

Une semaine après la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne le 31 janvier, l’Irlande et ses 4,9 millions d’habitants se trouvent en première ligne. Il s’agit du seul pays de l’UE à partager une frontière terrestre avec le voisin britannique, et les liens économiques entre les deux pays sont étroits.

Des discussions commerciales avec l’UE approchent, aux conséquences considérables sur les échanges sur l’île d’Irlande. Leo Varadkar a mis en avant son rôle dans la mise au point d’une solution évitant le retour à une frontière physique entre les deux Irlande.

Cette question, l’une des plus épineuses de l’accord de divorce entre Londres et Bruxelles, a fait resurgir le souvenir des trois décennies des «Troubles» en Ulster, province britannique, entre républicains (majoritairement catholiques) et unionistes (surtout protestants), qui ont fait 3.500 morts.

Environ 3,3 millions d’électeurs sont appelés aux urnes. Ouverts depuis 07H00 (locales et GMT) les bureaux de vote ferment à 22H00, heure à laquelle sera publié un sondage sortie des urnes.

Le décompte ne commencera que dimanche matin, et s’annonce long, notamment du fait du mode de scrutin, très complexe.

Une fois les résultats officiels connus, commenceront les tractations pour former un gouvernement de coalition, à moins qu’un parti ne parvienne à décrocher 80 sièges, scénario hautement improbable.

Après les dernières élections en 2016, il avait fallu 70 jours pour que les deux grands partis s’accordent pour former un gouvernement.