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Sharon Niclair: six credits au SC, au nom du fils

26 janvier 2020, 16:19

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Sharon Niclair: six credits au SC, au nom du fils

Que de sacrifices, une mère n’endure-t-elle pas pour son enfant ? Sharon Niclair, qui élève seule son fils Thomas, adolescent ayant obtenu six Credits à son examen de School Certificate, en sait quelque chose. Portrait d’une femme, qui n’a jamais baissé les bras malgré les coups de butoir de la vie et qui a heureusement pu compter sur le soutien de SOS Villages d’Enfants Maurice.

Les apparences sont souvent trompeuses. Sharon Niclair, 39 ans, qui couve des yeux son fils Thomas, est un petit bout de femme, pas plus haute que trois pommes et d’apparence frêle. Mais il ne faut pas s’y fier car comme le roseau, elle plie mais ne rompt pas.

Née Joomun, Sharon est issue d’une cellule familiale brisée et reconstituée, ses parents s’étant séparés alors qu’elle n’avait que cinq mois. Elle a grandi avec sa mère, de santé fragile et un beau-père exerçant comme chauffeur. Ils habitaient Quartier Militaire. Sharon a été scolarisée au Lycée Mauricien à Phoenix mais n’a pu étudier au-delà de la Form II car l’argent pour son transport arrivait à manquer car seul son beau-père travaillait. 

Elle tombe amoureuse du père de Thomas et contre l’avis de sa mère, elle l’épouse. Elle n’a alors que 22 ans. Ils vivent dans une maison de la National Housing Development Company (NHDC) à Atlee. Elle tombe rapidement enceinte et accouche de Thomas. La lune de miel vire en lune de fiel car son mari se révèle non seulement un joueur invétéré mais aussi un homme violent. Une des fois où elle est battue, elle prend son fils et trouve refuge chez sa mère. Mais sa paix d’esprit est de courte durée. Après un week-end, cette dernière lui fait comprendre qu’elle doit retourner chez elle avec son fils qui a alors deux ans. «Elle m’a dit qu’il fallait que je prenne patience et que ma place était auprès de mon mari». Sharon Niclair s’exécute en se promettant toutefois de ne jamais plus rien demander à sa mère. 

La violence continue de plus belle et à un moment, elle commence à rendre coups pour coups. Elle finit par porter plainte et obtient un Protection Order. Sa vie devient intenable lorsque son mari lui annonce qu’il a une liaison avec une de leurs amies communes. Et bien qu’elle lui intime l’ordre de quitter l’appartement, il vient s’installer sous le même toit qu’elle en compagnie de sa maîtresse. «J’ai tenu trois mois avant de déménager avec mon fils et d’aller vivre chez ma tante à Malherbe.»

Commencent alors des années de vaches maigres pour Sharon Niclair. Elle doit trouver du travail et se fait embaucher comme cleaner auprès d’une société de nettoyage. Elle est affectée à la Public Service Commission où elle perçoit un salaire mensuel de Rs 1 500. Pour pouvoir nourrir Thomas, le scolariser et apporter sa contribution dans son nouveau foyer d’accueil, elle prend un deuxième emploi comme femme de ménage au Lycée Labourdonnais pour Rs 4 500 par mois. «Pa ti pe kapav viv ar sa la monnaie là.» Maîtrisant le crochet, elle fabrique des boucles d’oreille qu’elle va vendre pour grappiller quelques sous supplémentaires. 

Les notes de Thomas, scolarisé à La Confiance R.C.A, et qui étaient excellentes, «il ramenait toujours cinq A», précise sa mère, chutent après la séparation de ses parents. Les résultats de Thomas plafonnent à trois A, deux B. Il a du mal à se concentrer. 

Sharon est incapable de lui donner de l’argent de poche pour qu’il s’achète ne serait-ce qu’un gâteau à la cantine scolaire. Il part à l’école rien qu’avec un pain. Et parfois, c’est un pain avec uniquement un peu de beurre clarifié (ghee) dedans. Lorsque Sharon y pense, elle a les larmes aux yeux et la gorge nouée au point d’être incapable de poursuivre son récit. «Vous ne pouvez pas savoir comment cela m’a coûté de l’envoyer à l’école ainsi….. »  

Chaque jour, l’école fournit un pain aux enfants. Thomas ramène le sien à la maison pour que lui et sa mère puissent le manger comme dîner. Ses camarades de classe et son institutrice finissent par se rendre compte de sa situation précaire et ils lui ramènent souvent du pain. De temps à autre, Sharon demande de l’aide à son beau-père qui, en cachette, le fait à l’insu de sa femme. 

Lorsque Sharon se lie d’amitié avec Jean-Philippe Joorun, Maintenance Officer au Lycée Labourdonnais et que leur relation mue en amour au point qu’ils décident de vivre ensemble, elle quitte la maison de sa tante avec Thomas et le couple va squatter un terrain à Plaine Caraye, Malherbe où vivent déjà une vingtaine de familles. Son compagnon lui construit une petite maison en tôle, dépourvue toutefois d’eau courante et d’électricité. Ils recueillent l’eau de pluie de la gouttière improvisée qu’ils utilisent pour se laver et qu’ils font bouillir pour leur consommation personnelle. 

Jean-Philippe Joorun possède bien un compte PEL sur lequel il a économisé Rs 150 000.  Il voudrait obtenir une maison de la NHDC mais comme il ne gagne que Rs 14 000 mensuellement, son dépôt doit être de Rs 250 000 pour qu’il puisse prétendre à cette maison. Le couple est donc contraint de continuer à économiser et à squatter. 

Ereintée par le cumul de deux emplois, Sharon Niclair, qui est une femme causante, se lie d’amitié avec Nathalie Edoo, travailleuse sociale impliquée dans le programme de Renforcement de la Famille à SOS Villages d’Enfants Maurice et qui est parrainé par la banque HSBC. Lorsqu’elle se confie à Nathalie Edoo, qui est basée au bureau de Curepipe, celle-ci prend conscience des difficultés que la trentenaire traverse et l’inscrit comme bénéficiaire auprès du programme de Renforcement de la Famille. 

A partir de là, la vie de Sharon et de Thomas s’améliore. Elle obtient alors des coupons alimentaires pendant trois mois auprès de Winners.  Thomas qui entame son cycle secondaire au collège Impérial à Curepipe, a la possibilité de prendre des leçons particulières gratuites d’anglais et de mathématiques avec deux enseignants à la retraite, à savoir Ananda Vydelingum et Venoo Nirsimloo, qui sont rétribués par SOS Villages d’Enfants Maurice. Au bureau curepipien, Thomas apprend aussi l’informatique. 

Avec SOS Villages d’Enfants Maurice, il participe à plusieurs activités notamment au camping. Très intéressé par le sport et surtout par le basket-ball, l’adolescent intègre le club des Black Shields où on l’appelle Ti-biscuit car il partage régulièrement sa ration de biscuits avec ses amis basketteurs. Lorsqu’il se projette dans l’avenir, Thomas se voit enseignant d’éducation physique. Sa mère l’encourage. 

Voulant divorcer pour mettre un trait sur son passé, elle prend avantage de l’aide légale à laquelle elle a droit. Mais elle est incapable d’aller au bout de la procédure de divorce car son mari est devenu sans domicile fixe et de ce fait, l’avoué commis d’office de Sharon est incapable de lui faire servir les documents y relatifs. 

Elle nourrit des inquiétudes alors que Thomas intègre la Form V car elle ne le voit jamais réviser à la maison, ou si peu, même lorsqu’elle recharge au préalable une lampe LED chez sa belle-mère. L’adolescent étudie pourtant lorsqu’il est au bureau de SOS Villages d’Enfants Maurice. 

En rentrant un après-midi, ils ont la surprise de voir un ordre d’éviction municipal sur leur petite maison de Camp Caraye. Ils essaient d’entamer des négociations avec la NHDC mais on leur conseille d’aller louer une maison. «Si nous prenons une maison en location, comment économiserons-nous pour pouvoir obtenir la totalité du dépôt réclamé par la NHDC pour obtenir une maison ? C’est illogique», estime Sharon. 

Elle est angoissée pour Thomas qui stresse à son tour à l’approche des examens de Cambridge l’an dernier. Elle croit, à tort, que pour lui, il n’y a que le sport et son chat nommé Maow qui l’intéressent. A la grande surprise de Sharon, lorsque tombent les résultats la semaine dernière, son fils obtient son School Certificate avec six Credits. «Mo pas ti pe atann sa rezilta là parski li pa ti pe revise ditou », insiste la mère pourtant émerveillée. Thomas lui-même avoue qu’il était découragé après avoir pris part à l’examen et avait peur d’avoir à refaire sa Form V. Par contre, Nathalie Edoo s’y attendait car elle interrogeait régulièrement les deux enseignants de cours particuliers qui encadrent l’adolescent. Et puis, Thomas a été assidu par rapport au programme d’employabilité offert, toujours par la HSBC, aux bénéficiaires de 14 à 16 ans de SOS Villages d’Enfants Maurice et qui leur apprend notamment comment se comporter lors d’un entretien d’embauche. 

Depuis deux ans, Sharon s’est vue offrir un emploi de cleaner au bureau curepipien de SOS Villages d’Enfants Maurice. Elle y gagne presque le salaire minimum et de ce fait, elle n’a plus besoin de cumuler les emplois. Même si elle a encore une épée de Damoclès sur sa tête en termes de logement, elle est ravie du résultat de Form V de Thomas, qui, du coup, a obtenu la somme de Rs 25 000 en Premium de la National Emporwerment Foundation, argent qu’il pourra percevoir à sa majorité. Elle confie fièrement que Thomas va entamer sa première année de Form VI le 27 janvier.

Le collège Impérial n’offrant pas de combinaison avec l’éducation physique comme matière principale en Form VI, Thomas a été obligé d’opter pour le Français, Design and Technology et Marine Science comme matières principales et l’éducation physique et le General Paper comme matières subsidiaires. 

Appelé à quantifier l’apport de l’encadrement de SOS Villages d’Enfants Maurice dans son résultat de Form V, Thomas avance un pourcentage de 45 %. Ce qui n’est pas rien. Sharon tient à exprimer ses remerciements et sa reconnaissance envers SOS Villages d’Enfants Maurice et en particulier à Nathalie Edoo, Anne-Lise Levasseur, Brino Poonoosamy, tout le personnel de l’organisation qui l’emploie et bien sûr à la HSBC. C’est fait.