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Analyse économique: les risques de récession interpellent dirigeants politiques et observateurs

21 janvier 2020, 10:51

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Analyse économique: les risques de récession interpellent dirigeants politiques et observateurs

Deux analyses économiques, l’une signée par la nouvelle directrice générale du Fonds monétaire internationale (FMI), la Bul-gare Kristalina Georgieva, et l’autre par le leader du MMM, Paul Bérenger, lors de sa conférence de presse hebdomadaire samedi dernier, témoignent en faisant ressortir que Maurice n’est pas l’abri des effets d’une nouvelle crise économique mondiale. Et ce, au moment où le premier diagnostic de l’économie mauricienne par le nouveau ministre des Finances, Renganaden Padayachy, se fait toujours attendre après plus de deux mois depuis son installation à l’Hôtel du gouvernement.

Les deux postures soulignent l’incertitude grandissante qui émerge à l’aube de cette nouvelle décennie. Pour la directrice du FMI, intervenant le 17 janvier dernier au Peterson Institute for International Economics, à Washington, «celle-ci nuit à la confiance des entrepreneurs et contribue au mécontentement qui gronde dans de nombreux pays». Cette incertitude entoure également le paiement de factures de millions de personnes à la fin du mois et nuit à leur santé et au bien-être futur de leurs familles. Elle souligne également les inégalités. Elle cite le cas du Royaume-Uni où «les 10 % les plus riches détiennent aujourd’hui un patrimoine presque équivalant à celui de 50 % des plus pauvres». Une situation, selon elle, comparable et observée dans la majorité des pays membres de l’OCDE où les inégalités dans la répartition des revenus et des richesses approchent ou atteignent des niveaux record.

À Maurice, un récent rapport de la Banque mondiale rappelle que l’inégalité salariale s’est aggravée, le coefficient de Gini se détériorant de 16,4 % entre 2001 et 2015 et l’écart entre les revenus des 10 % les mieux payés et des 10 % les moins bien payés ayant progressé de 37 %. À certains égards, Kristalina Georgieva note que cette tendance (la montée des inégalités) n’est pas étrangère à celle du début du XXesiècle quand «les forces conjointes de la technologie et de l’intégration ont atteint le premier âge d’or... pour atteindre la catastrophe financière».

Un désastre financier dont les effets pourraient influer négativement sur l’économie du pays. Paul Bérenger trouve à cet effet que l’heure de vérité économique a sonné pour Maurice,à un moment où les principaux piliers économiques, jadis porteurs de croissance, comme le sucre, le textile, le tourisme et dans une certaine mesure les services financiers, sont en difficulté. L’analyste financier, Kevin Teeroovengadum, estime pour sa part que Maurice n’opère pas en isolement et que les risques d’une récession semblable à celle de 1929 sont réels durant cette nouvelle décennie. Du coup, le pays est appelé à vivre cette instabilité constante, voire cette incertitude grandissante, dit-il. Et d’ajouter que l’ère de la stabilité économique est chose du passé.

Ce qui fait la patronne du FMI dire d’ailleurs que la stabilité restera un défi au cours de la décennie qui s’ouvre. Pour corriger les inégalités, bon nombre de gouvernements s’appuient sur des mesures budgétaires qui restent des outils essentiels. Mais elle estime que trop souvent le secteur financier est négligé et cela peut agir durablement sur les inégalités, avec des effets plus positifs que négatifs. «La nouvelle étude... montre comment un secteur financier peut offrir de nouvelles perspectives à l’ensemble de la population dans la décennie à venir.» Et d’ajouter que ce lien entre stabilité financière et inégalités ne concerne pas seulement la crise financière mondiale ou celle de 1929. Une étude portant sur 17 pays avancés a ainsi examiné chaque crise financière survenue entre 1870 et 2013 et confirme les résultats: soit l’accentuation des inégalités de revenu qui est toujours fortement annonciatrice d’une crise financière aux effets durables. Elle maintient que, dans les années 2020, «le secteur financier devra s’employer à prévenir ces crises ‘classiques’ et à gérer les nouvelles, dont certaines sont liées au changement climatique».

Pour le moment, on ne connaît pas la philosophie économique prônée par Renganaden Padayachy, alors que certains indicateurs virent au rouge. Compte-t-il poursuivre la même philosophie à forte connotation sociale en plaçant le travailleur au centre des priorités, avec une liste de mesures pour renforcer son pouvoir d’achat, dont le salaire minimum, le métro express ou encore le Portable Retirement Gratuity Fund? Par ailleurs, les spécialistes se demandent si cette politique est financièrement soutenable dans le temps. Quoi qu’il en soit, Renganaden Padayachy devra tôt ou tard s’exprimer pour que la population sache qu’il y a au moins un ministre des Finances à l’Hôtel du gouvernement, après l’absence d’un locataire à plein temps pendant plus de trois ans.