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Demande d’augmentation de prix: du pain sur la planche

19 janvier 2020, 20:30

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Demande d’augmentation de prix: du pain sur la planche

70 sous de plus pour le pain maison et Re 1,40 pour la baguette : telle est l’augmentation souhaitée par l’Association des boulangers. Dès demain, lundi 20 janvier, celle-ci réitérera sa demande de révision du prix du pain aux autorités. Pourquoi cette réclamation ? Est-ce impératif à la survie de leur gagne-pain ?

«Nous ne pouvons plus tenir le coup. Dès demain, je relancerai le ministre du Commerce pour une rencontre. On doit impérativement trouver une solution avant le 24 janvier, donc avant la rentrée parlementaire», déclare Nasser Moraby, président de l’Association des propriétaires de boulangeries.

L’organisation réclame une hausse de 27 % sur le prix du pain. Ainsi, le pain maison coûterait alors Rs 3,30 au lieu de Rs 2,60, soit 70 sous plus cher. Quant à la baguette, elle reviendrait à Rs 6,80 au lieu de Rs 5,40, équivalant à une hausse de Rs 1,40. Selon le boulanger, ces taux datent de mars 2019 et nécessitent une mise à jour. «Car avec la compensation salariale que nous devons payer, il faut tout recalculer», ajoute-t-il.

 Du pain béni pour les boulangers mais perdu pour les consommateurs qui subiront cette flambée potentielle de prix.

Dépenses en hausse

Néanmoins, les fabricants persistent dans leur réclamation. Pourquoi «Les dépenses ne cessent d’augmenter. La dernière révision du prix du pain date de 2012. Depuis, on a dû payer sept compensations salariales pour les travailleurs», indique Nasser Moraby.

Ses propos sont rejoints par ceux de Percy Camarapen, directeur de la boulangerie Vatel Bleu à Curepipe : «Nous subissons beaucoup d’augmentations au niveau de la main-d’œuvre. J’ai au moins une vingtaine d’employés. À cela se rajoutent les frais de logement, d’eau, d’électricité, d’allocation pour les repas, entre autres. La hausse est totalement justifiée.»

D’ailleurs, le manque de main-d’œuvre rajoute de l’huile sur le feu. Car les ouvriers mauriciens ont largement délaissé le secteur, critiquent plusieurs boulangers. «Si nous n’avions pas l’autorisation d’emmener des travailleurs étrangers à Maurice, il aurait fallu payer le pain maison à Rs 5-6 l’unité ou alors nous n’aurions pu assurer la régularité de la production», affirme Nasser Moraby.

98 % de travailleurs étrangers

D’après son dernier recensement, sur 225 boulangeries de service, 175 font partie de l’association. 98 % des travailleurs affectés dans ces établissements membres sont des étrangers. Et ce majoritairement, d’origine bangladaise.

Combien coûte cet effectif ? Rs 650 par jour, précise notre interlocuteur. Le tarif passe à Rs 850 le dimanche et Rs 1 200 en jour férié en termes de salaires. À ce taux, les ouvriers qui travaillent six jours sur sept, touchent bien plus que le salaire minimum. Aux compensations et coûts de production, les boulangers évoquent d’autres difficultés, tels que les équipements et les intrants comme la levure et l’améliorant qui sont des ingrédients utilisés dans la fabrication du pain.

«L’État nous considère comme un service essentiel. Nous fournissons notamment le pain aux hôpitaux, la Special Mobile Force etc. Bien que le gouvernement ait classifié le pain dans la catégorie des produits ‘VAT zero-rated’, cela ne couvre que 7 sous de dépenses pour la production d’un pain maison. Le pire est qu’après l’évaluation de notre comptable, ce chiffre n’atteignait que 4 sous», souligne Nasser Moraby.

Supermarchés plus sollicités

Certes, pour eux, il ne s’agit que d’une… bouchée de pain. En sus de cela, plusieurs boulangers traditionnels confient que la production est à la baisse. Par conséquent, ce produit ne se vend plus comme des petits pains même dans les boutiques et tabagies. En revanche, les supermarchés, qui ne forment pas partie de l’association, semblent être plus sollicités par les consommateurs de pain.

Toutefois, ces derniers s’alignent également sur la nécessité d’une révision du prix. «Comme les boulangers, nous sommes nous aussi engorgés par les coûts. Les ingrédients sont de plus en plus chers. Le service doit aussi être assuré jour et nuit», affirme-t-on au sein d’un groupe spécialisé dans la grande distribution.

Pour sa part, Andrew Sin, directeur général d’Intermart, constate que cette demande est inévitable : «Le salaire minimum est couplé à une pénurie de la main-d’œuvre qualifiée. Et en plus, on note une dépréciation graduelle de la roupie face aux principales devises. C’est sûr que tout augmente. On se doit de contenir ces augmentations le plus longtemps possible afin de ne pas pénaliser nos clients».

Si les supermarchés s’accordent également sur la révision de prix, qu’en est-il de la position de l’État ? La situation semble longue comme un jour sans… pain puisqu’en dépit de nos multiples tentatives, le ministre du Commerce ne nous a pas répondu.

L’évolution du prix

Au début de 2008, il fallait débourser Rs 2,15 pour un pain maison. Mais dès le 19 janvier 2008, le prix a grimpé de 23 %, passant ainsi à Rs 2,65 l’unité. Quelques mois plus tard, donc en décembre 2008, ce tarif a été revu… à la baisse. Le pain coûtait alors Rs 2,50. Puis suivant une décision du cabinet ministériel le 15 juin 2012, de nouveaux tarifs ont été fixés. Le pain maison était majoré de 8 %, équivalant à Rs 2,70 l’unité. Mais cinq ans plus tard, donc en juin 2017, une mesure budgétaire est venue ramener ce prix à Rs 2,60. En dépit d’une demande d’augmentation en mars 2019, le tarif a été maintenu jusque-là par les autorités.

En chiffres

100 000 tonnes de farine sont commandées annuellement par Maurice. C’est ce qu’affirme Nasser Moraby. Ce taux est destiné à la production de plusieurs produits dont le pain, les dholl puris entre autres. Hélas, les données sur la consommation et fabrication spécifiques du pain ne sont pas disponibles.

Jayen Chellum, de l’ACIM : «C’est une demande exorbitante»

Il ne mange pas de ce pain-là. En effet, la révision de prix demandée par l’Association des propriétaires de boulangeries lui laisse un goût amer. Jayen Chellum, de l’Association des Consommateurs de l’île Maurice (ACIM), la perçoit comme étant «exorbitante». «Il faut avoir tous les chiffres et voir sur quoi les boulangers se basent pour leur demande. Combien de pains sont planifiés ? Est-ce plus les pains traditionnels ou spéciaux qui sont produits ? Sur quoi perçoivent-ils des pertes etc. ?» s’interroge-t-il. D’autres éléments comme la disponibilité journalière et la qualité sont aussi à considérer selon lui dans la considération de cette révision de prix.