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L’incendie de Notre-Dame: émotion, solidarité et polémiques

26 décembre 2019, 17:36

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L’incendie de Notre-Dame: émotion, solidarité et polémiques

Notre-Dame en feu, sa flèche qui s’écroule, l’avalanche de dons, puis les polémiques... Huit mois après l’incendie du 15 avril, la cathédrale, toujours en état d'«urgence absolue», va faire face à un de ses plus gros défis: le complexe démontage de son échafaudage.

Dès février, commencera l’opération la plus délicate du chantier herculéen de sécurisation de Notre-Dame: il s’agira de démonter un à un 10.000 tubes de métal que l’incendie a soudés.

Telle une gigantesque toile d’araignée en plein ciel, l’échafaudage déformé, fragilisé par l’incendie, menace encore la voûte et l’équilibre de la cathédrale, qui n’a pas pu accueillir de messe de Noël pour la première fois depuis plus de deux siècles.

Un symbole terrible pour les croyants, venant s’ajouter à une longue liste de débats et de polémiques sur le devenir de la cathédrale, haut lieu touristique mondial et lieu de culte.

Dès le début, la reconstruction de la flèche a déclenché une vive controverse. Faudra-t-il la refaire à l’identique, en reprenant les plans détaillés de l’architecte du XIXème siècle, Viollet-le-Duc, comme le souhaite l’architecte en chef de la cathédrale Philippe Villeneuve?

Faut-il au contraire «qu’un geste architectural contemporain puisse être envisagé» sur l’édifice emblématique - grâce à un concours international d’architectes - comme l’a souhaité dès le 17 avril le président Macron ?

«Qu’il ferme sa gueule !»: la sortie du général Jean-Louis Georgelin, nommé par Emmanuel Macron pour présider à la reconstruction en cinq ans de la cathédrale, à l’adresse de l’architecte en chef de Notre-Dame, est révélatrice du bras de fer en cours.

«Clochemerle géant»

Cette saillie a été mal prise par les experts et hauts fonctionnaires du ministère de la Culture, qui s’estiment court-circuités, et reprochent à l’exécutif de viser une reconstruction innovante à marche forcée, devant permettre à Emmanuel Macron de marquer des points pour sa réélection: le «geste architectural» sur Notre-Dame répondrait à son désir de laisser une trace dans l’histoire, comme François Mitterrand avec la Pyramide du Louvre.

«Ce qui n’était que la restauration d’un monument historique devient une sorte de Clochemerle géant», ironise Didier Rykner, spécialiste du patrimoine et fondateur de la Tribune de l’art.

Et Fabien Simode, rédacteur en chef de la revue l’Oeil, de remarquer: «la séquence Notre-Dame sonne comme une profonde remise en cause du ministère de la Culture, de sa mission, de ses outils».

Pour l’heure, la sécurisation de l’immense édifice gothique reste la priorité. Mais après le démontage de l’échafaudage, viendra le temps des choix architecturaux (avec ou sans concours d’architectes?), et des appels d’offres. La phase de reconstruction pourrait débuter en 2021.

La loi «Notre-Dame» de fin juillet a autorisé certaines dérogations pour échapper aux lourdeurs administratives: des dérogations elles-mêmes polémiques.

La lenteur, sujet de grogne

Un autre conflit a éclaté autour des négligences présumées, dans l’urgence juste après l’incendie, concernant la contamination au plomb. Les centaines de tonnes de plomb de la flèche, en fondant, avaient libéré des particules.

Les analyses n’ont pas révélé de diagnostics inquiétants ni sur les enfants de quartiers proches ni sur les ouvriers du chantier.

Mais le chantier a dû être interrompu trois semaines pendant l’été, le temps des contrôles et de l’aménagement de mesures drastiques d’hygiène pour tous les intervenants dans la «zone sale».

Autre sujet de grogne: «l’ouvrier qui a oublié un tournevis à l’intérieur devra reprendre une douche en sortant. Parfois cela fait six douches par jour, cela crée une lassitude», note un connaisseur du dossier. Des architectes et experts déplorent le temps perdu, sans compter les coûts additionnels.

Selon beaucoup d’experts, l’objectif de cinq ans fixé par Emmanuel Macron pour la restauration de l’édifice reste réalisable. Cela dépendra plus de la rapidité des procédures que des travaux eux-mêmes, vu les moyens technologiques disponibles.

L’argent n’est pourtant pas en manque: 922 millions d’euros de dons et promesses de dons confirmés, émanant de 320.000 dons, du dollar d’un enfant américain aux 200 millions d’euros du milliardaire Bernard Arnault.

Des mesures de défiscalisation ont encouragé la générosité. Mais cela a surtout témoigné, du Japon au Maroc en passant par les Etats-Unis et le Brésil, de l’immense notoriété symbolique de Notre-Dame, pour les croyants et les non-croyants.

La multiplication des interventions non prévues, la possibilité que des fonds servent à réaménager les alentours de la cathédrale - un vieux projet -, tout cela conduit à penser qu’un milliard d’euros ne serait pas de trop.

Quant à l’enquête judiciaire complexe sur les causes de l’incendie, elle n’est pas close, s’orientant vers une négligence -mégot abandonné, court-circuit...--, et non vers une piste criminelle.