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Inde: des Hindous et d'autres communautés opposés à la loi sur la citoyenneté

26 décembre 2019, 21:45

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Inde: des Hindous et d'autres communautés opposés à la loi sur la citoyenneté

Il n'y a pas que des musulmans, mais aussi des Hindous, des dalits ou ex «intouchables», des Zoroastriens et des membres d'autres communautés qui descendent dans la rue en Inde depuis deux semaines pour dénoncer la nouvelle loi sur la citoyenneté, y voyant une menace aux fondements de la démocratie indienne. Des dizaines de milliers d'Indiens protestent contre cette loi très controversée qu'ils considèrent comme discriminatoire à l'encontre des musulmans et potentiellement dangereuse pour d'autres minorités de ce pays de 1,3 milliard d'habitants.

Votée le 11 décembre, la loi facilite l'attribution de la citoyenneté indienne aux réfugiés d'Afghanistan, du Pakistan et du Bangladesh, sauf pour ceux de confession musulmane. L’Assemblée nationale pakistanaise vient du reste de voter une résolution condamnant cette loi qui vient, selon elle, donner une indication sur les «tendances extrémistes de ce gouvernement indien» (voir plus bas)

Le mouvement de protestation que cette loi a suscité et qui a coûté la vie à ce jour à 25 personnes au moins est le principal défi qu'affronte le Premier ministre indien, Narendra Modi, depuis son arrivée au pouvoir en 2014. Celui-ci clame pour sa part que la nouvelle loi n'a rien de discriminatoire.

«Fondement laïc»

Kersi, un parsi (religion originaire d'Iran) de 32 ans qui travaille dans le secteur des technologies, s'est joint au rassemblement auquel ont appelé des étudiants de l'Université de Jamia Millia Islamia quelques jours après une intervention de la police sur le campus, qui a fait usage de gaz lacrymogène contre des étudiants.

Kersi, qui n'a pas donné son nom entier, se dit inquiet de voir les fondements laïcs de son pays être à ses yeux remis en cause.

«Il y a un fondement laïc à notre constitution. Il existe un élément de multiculturalisme, de pluralisme, qui est au coeur des valeurs de notre pays, ce qui nous différencie des autres pays», a-t-il expliqué.

«Cette nouvelle loi menace tout ceci comme jamais jusqu'ici. Cela va trop loin. C'est un changement profond qu'ils essaient d'imposer et avec lequel je ne suis pas d'accord et que nous devrions essayer d'empêcher.»

«Responsabilité morale»

Mansi, 29 ans, est une Hindoue appartenant à une caste supérieure. Installée aux Etats-Unis, elle est venue en vacances à New Delhi et manifeste au côté de son père de 64 ans. 

«Il y a eu des lois dans le passé qui ont été extrêmement controversées mais ce qu'ils essaient de faire maintenant c'est de modifier le droit à la citoyenneté qui est à la base de la démocratie», souligne la jeune femme. «Selon moi, cela va beaucoup plus loin qu'une seule loi touchant une seule communauté. Cela modifie l'identité de la nation (...). La majorité a la responsabilité morale de défendre les minorités marginalisées.»

«Mêmes politiques pour tous»

Nandini enseigne à l'Université de Delhi. Hindoue, elle se dit scandalisée par la manière dont la police a agi sans ménagement à l'encontre des étudiants de l'Université de Jamia et tient à leur exprimer son soutien.

«Il est important qu'on nous donne l'espace nécessaire pour exprimer notre désaccord. Cela ne signifie pas que nous sommes contre l'Etat. Nous demandons à l'Etat de mettre en place des politiques qui soient les mêmes pour tous, qui ne soient pas source de divisions et de discriminations», a-t-elle ajouté.

«Comme Hitler»

Pranav Yadav, 20 ans, est un étudiant appartenant à la caste inférieure. Il a menti à ses parents pour prendre part aux manifestations car il «ne pouvait pas simplement demeurer chez lui et ne rien faire quand mon pays est attaqué par des forces fascistes».

«C'est une sorte de projet systématique d'attaquer les musulmans en Inde. Chaque fois que le Bharatiya Janata Party (BJP) est au pouvoir, il a un projet qui consiste à prendre pour cible les Musulmans», affirme-t-il.

«En gros, c'est comme si un dirigeant avait une communauté dans le nez et obtenait la majorité pour soutenir cette idée. Comme Hitler l'a fait avec les juifs ou comme la Birmanie le fait avec les musulmans Rohingyas.»

«Après les musulmans, ils peuvent prendre pour cible n'importe quelle autre communauté. Tout ce dont ils ont besoin c'est d'un bouc émissaire et pour l'instant les musulmans semblent être les parfaits boucs émissaires.»

«Plus important que l'indépendance»

Pour Promila Chaturvedi, 79 ans, une Hindoue qui appartient à une classe supérieure, il est très important de faire entendre sa voix contre l'injustice. «Je veux protéger ma constitution. Je veux montrer ma solidarité avec la communauté musulmane. Nous voulons leur dire nous sommes avec vous jusqu'à la dernière goutte de notre sang», a affirmé Chaturvedi, les cheveux blancs ramassés en chignon.

«Cela peut être comparé à notre lutte pour la liberté mais c'est encore plus important parce qu'ils (les Britanniques) étaient des étrangers mais eux, c'est notre peuple. S'ils se comportent ainsi, nous ne le tolèrerons pas.»