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Vinod Seegum: «Il existe de plus en plus de syndicalistes lèche-bottes»

10 décembre 2019, 20:30

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Vinod Seegum: «Il existe de plus en plus de syndicalistes lèche-bottes»

On constate que vous avez une dent contre certains de vos confrères, de par vos récentes déclarations et vos «posts» sur votre page Facebook. Quelles en sont les raisons ? 
C’est une histoire qui date depuis des années. Mais j’ai fait ces commentaires à la suite de ma rencontre avec le ministre de la Fonction publique, Vikram Hurdoyal, fraîchement installé à son poste. J’étais le premier syndicaliste à le rencontrer et cela a fait des jaloux.

Avez-vous au préalable sollicité une rencontre avec lui ? 
C’est un échange de civilités. Je lui ai envoyé un message de félicitations et je lui ai demandé de trouver du temps pour rencontrer notre syndicat.

Cette rencontre, vous l’avez demandée seulement pour discuter des enseignants en tant que président de la Government Teachers’ Union (GTU) ? 
Mais non. Beaucoup de travailleurs et syndicalistes pensent que je ne suis que le président de la GTU. Il se trouve que je suis à la tête de l’All Civil Service Employees’ Federation qui compte 18 000 membres. La majorité sont des instituteurs du préscolaire et du primaire, des Deputy Rectors, des recteurs, des employés du ministère de l’Agro-industrie de même que des fonctionnaires attachés au département du service de l’Énergie (Electrical Service Division) des différents ministères. Savez-vous que notre syndicat est souvent boycotté ?

Pourquoi ? 
Parce qu’il y a des syndicalistes qui se sont souvent opposés à notre présence lors des négociations. J’ai même vu chez un ministre une requête venant d’un syndicaliste pour qu’il ne nous reçoive pas. Seuls les dirigeants de trois fédérations sont souvent invités autour des tables de négociation.

Mais ce sont des fédérations quand même ? 
Le fonctionnent les syndicats est mal connu. Il y a trop de fédérations à Maurice. Il est difficile de tenir des négociations avec les représentants de toutes ces fédérations. Alors les autorités ont demandé qu’il y ait des confédérations. Et il faut au moins deux fédérations pour créer une confédération. Je l’ai fait. Je suis dirigeant de la Confederation of General Trade Unions. Donc, j’ai le même droit que les autres.

À travers cette confédération, avez-vous pu assister aux dernières tripartites sur la compensation salariale ? 
Oui, nous étions invités et j’ai délégué un représentant parce que moi, j’évite de m’asseoir à côté de ces syndicalistes dont certains sont des lèche-bottes…

Vous allez très loin dans vos propos... 
Je pèse mes mots. Certains ont donné des mots d’ordre pour voter pour tel ou tel parti aux dernières élections générales. Est-ce leur rôle ? Au sein d’un syndicat, il y a plusieurs tendances.

Passons au récent événement. Avant les négociations, certains syndicalistes ont réclamé entre Rs 600 et Rs 1 200 comme compensation salariale. Mais à la fin de l’annonce de l’augmentation de Rs 300, ils se sont montrés satisfaits. Et cette augmentation ne concerne pas ceux qui touchent plus de Rs 50 000.

Avec Rs 50 000 par mois un employé peut bien vivre, n’est-ce pas ? 
Oui. Mais d’autres ont des difficultés. Ils ont des emprunts. Leurs enfants étudient parfois à l’étranger. Et je vous rappelle qu’en 2015, juste après la victoire de l’alliance Lepep, le gouvernement avait accordé une somme de Rs 600 across the board, c’est-à-dire à tous les employés. Mais ce n’est pas la seule chose que je condamne.

Après la déclaration des ministres, des syndicalistes se bousculent pour parler à la MBC. Certains menacent même des «cameramen» pour qu’ils puissent passer à la télévision. Alors que plusieurs ne savent pas quoi dire car ils ne connaissent pas leur n dossier et ne comprennent même pas ce que veut dire l’inflation !

Les travailleurs ne sont-ils pas les grands perdants devant cette guerre syndicale ? 
C’est dommage. Mais c’est à cause de la gourmandise de certains. Dans un passé récent, des syndicalistes siégeaient sur des boards et gagnaient plus que leurs salaires. Je peux même avancer le chiffre de Rs 100 000.

Vous semblez jaloux. N’avez-vous pas eu l’occasion de siéger au sein de «boards», vous ? 
Jamais de la vie je ne siégerai au sein d’un board. Je ne peux faire ce que je dénonce. Je suis un syndicaliste et mon rôle est de défendre les travailleurs. Point à la ligne. C’est parce que je dénonce ce genre d’attitude, des lèche-bottes, comme je vous ai dit plus tôt, que je suis la bête noire d’une grande majorité des syndicalistes à Maurice. Je ne reçois aucun sou en tant que président d’un syndicat. Seuls les frais de mes déplacements sont assurés.

Vous avez quand même bénéficié de voyages ? 
Je suis membre du board du Comité syndical francophone de l’éducation et de la formation. C’est seulement quand il y a la réunion de ce board que je me déplace.

Par contre, savez-vous qu’il y a des lobbies surtout pour être présent à des conférences du Bureau inter- national du travail, qui se tiennent chaque année à Genève ? Auparavant, cette conférence durait jusqu’à un mois. Maintenant elle a été ramenée à une vingtaine de jours. Et ces syndicalistes obtiennent de fortes sommes d’argent comme per diem. Jusqu’à 10 fois plus ce qu’ils reçoivent comme salaires ! La plupart du temps, ils n’assistent même pas aux débats. Ils marquent leur présence et ils vont faire du shopping ou visiter des lieux !

Vous n’avez donc jamais été choisi pour faire partie d’une délégation menée par un ministre ? 
En deux fois, j’aurais pu en faire partie. Mais je n’y étais pas. Parce que je ne fais pas partie de ces syndicalistes «manzé-bwar».

Pourquoi cette «décadence» au niveau des syndicalistes ? 
Ils ne se soucient que de leurs intérêts. Pourquoi selon vous, il y a des syndicalistes à vie à Maurice ? C’est parce qu’ils jouissent de beaucoup d’avantages.

Justement comment se fait-il que certains restent présidents au fil des ans, quoiqu’ils soient des retraités ? 
Très bonne question. Laissez-moi vous expliquer d’abord comment se font les élections à la GTU. Ce sont des élections comme celles des élections générales, qui se déroulent sous la supervision d’un Returning Officer. L’élection se fait à travers un isoloir. Et un membre a un seul droit de vote par procuration. Tandis que chez certains, on utilise des subterfuges pour rester président. Il n’y a pas de contrôle sur les votes par procuration. Une personne peut voter pour plusieurs membres.

Pis. Certains organisent des séminaires et ils ciblent de nouveaux membres pour y assister. Et à la fin quelqu’un propose qu’un tel reste président pour deux ans encore. C’est un vote à main levée. Qui est celui qui ne lèvera pas la main ? Et on va dire que 100 membres ont voté pour que ce président reste en poste.

Et vous-même, vous êtes là depuis longtemps ?
Oui, je suis président de la GTU depuis 2005. Depuis, j’ai toujours été réélu. C’est le choix des membres de la GTU.

Mais en même temps, laissez-moi vous dire que l’année prochaine je pars à la retraite en tant qu’enseignant. J’aurai droit à plusieurs mois de congé préretraite. Mais une fois que j’aurais atteint l’âge de la retraite, je ne resterai pas une seule seconde comme président de la GTU. Et pourtant, certains souhaitent que je reste. Ce ne sera pas le cas. Vous pourrez vérifier par vous-même en temps et lieu.

Pour terminer, qu’est-ce qui vous a le plus marqué durant votre carrière de syndicaliste ? 
Sans aucun doute l’alignement des salaires des instituteurs du primaire sur ceux des enseignants des collèges. Ce fut une âpre lutte. En 2012, j’avais appris que le rapport du PRB allait faire une telle recommandation. Je n’étais pas trop sûr et je voulais m’assurer auprès de ce bureau. Quelqu’un m’a dit d’aller dormir sur mes lauriers, car il y aura cette recommandation. Or à la surprise générale, cela n’était pas inclus. J’ai appris par la suite qu’il y a eu un fort lobby qui s’était formé de la part des syndicalistes…

Et savez-vous qui était derrière ce mouvement ? 
Cela coule de source. Qui est cet enseignant du secondaire qui aurait souhaité qu’un instituteur du primaire touche les mêmes salaires que lui ! Ils pensent qu’ils ont un autre statut et se prennent pour des supérieurs. Et pourtant au niveau du primaire, il y a des instituteurs qui sont plus compétents que certains enseignants du secondaire.

Je poursuis mon récit. Quand cela n’a pas été inclus, j’ai fait des démarches pour que le tir soit rectifié dans le rapport des Errors and Omissions. Le comité était présidé par Dev Manraj. Ils ont tout fait pour que l’alignement des salaires ne soit pas une réalité. Mais Dev Manraj a fait ce qui était juste et les instituteurs ont obtenu gain de cause.