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A Nagasaki, le pape François démonte le principe de dissuasion nucléaire

24 novembre 2019, 10:59

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A Nagasaki, le pape François démonte le principe de dissuasion nucléaire

Le pape François a dénoncé dimanche à Nagasaki, ville japonaise martyre de la bombe atomique en 1945, la logique de la dissuasion nucléaire garantissant la paix, une «fausse sécurité» qui selon lui envenime au contraire les tensions dans le monde.

Le souverain pontife argentin, arrivé dimanche matin sur l’île de Kyushu (sud-ouest du Japon), où se trouve la ville de Nagasaki, a d’abord prié en silence sous une pluie battante devant le principal monument du «parc de la paix», lieu d’impact de la bombe atomique. Il y a déposé une couronne de fleurs blanches que lui ont remise des survivants.

Il a d’abord parlé de «l’horreur indescriptible vécue dans leur propre chair par les victimes et leurs familles» où une bombe atomique américaine lâchée le 9 août 1945 a fait 74.000 morts sur le coup et dans les mois suivants.

Le pape doit aussi se rendre en fin de journée à Hiroshima, où avait été larguée trois jours plus tôt une autre bombe nucléaire, qui fit 140.000 morts.

Les deux bombardements précipitèrent la capitulation du Japon le 15 août et la fin de la Seconde Guerre mondiale.

«La possession des armes nucléaires et d’autres armes de destruction massive n’est pas la réponse la plus appropriée» à l’aspiration de paix et de stabilité, a attaqué le pape.

«Briser la méfiance»

«Notre monde vit la perverse dichotomie de vouloir défendre et garantir la stabilité et la paix sur la base d’une fausse sécurité soutenue par une mentalité de crainte et de méfiance qui finit par envenimer les relations entre les peuples et empêcher tout dialogue», a-t-il ajouté, démontant l’argumentaire classique de la dissuasion nucléaire.

L’horreur de la guerre et des armes, un cri récurrent de l’Argentin Jorge Bergoglio, s’inscrit dans la continuité des papes qui l’ont précédé.

Mais un rejet clair de la théorie de la dissuasion nucléaire constitue une rupture avec le passé. Devant l’ONU en 1982, Jean-Paul II avait défini la dissuasion nucléaire comme un mal nécessaire «dans les conditions actuelles».

Le Saint-Siège a ratifié en 2017 le traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN). Voici deux ans, lors d’un symposium au Vatican, François avait condamné «la possession» même d’armes nucléaires ainsi que «la menace de leur usage». Car pour lui, les relations internationales ne peuvent pas être fondées sur les intimidations militaires.

Il faut bâtir une «confiance mutuelle qui brise la dynamique de méfiance qui prévaut actuellement», a-t-il insisté à Nagasaki, où ses propos ont résonné devant des survivants du bombardement.

«Outrage continuel»

Le pape s’est aussi insurgé contre toute la filière de l’armement: «La fabrication, la modernisation, l’entretien et la vente d’armes toujours plus destructrices sont un outrage continuel qui crie vers le ciel».

En août, la ville de Hiroshima a appelé le Japon à signer le traité de l’ONU sur l’interdiction des armes nucléaires, rejeté par toutes les puissances nucléaires.

Le Japon, doté d’une Constitution pacifiste, s’est par ailleurs donné en 1967 pour principes de «ne pas produire, détenir ou introduire sur son territoire d’armes nucléaires». Reste que le pays dépend du parapluie nucléaire américain pour sa sécurité.

Le chef des 1,3 milliard de catholiques, arrivé samedi à Tokyo après une visite en Thaïlande, est convaincu de l’importance d’encourager les catholiques dans les pays où ils sont ultraminoritaires. A peine 440.000 Japonais sont catholiques, sur une population totale de 126 millions d’habitants.

Dans un deuxième discours à Nagasaki, il a rendu hommage aux premiers missionnaires et «martyrs» japonais des XVIe et XVIIe siècles, «une profonde source d’inspiration et de renouvellement» pour lui dans sa jeunesse, et rappelé la nécessité de garantir la liberté religieuse pour tous.

François rencontrera aussi lundi des victimes du séisme de magnitude 9 survenu au large du nord-est du Japon et du tsunami, qui a tué quelque 18.500 personnes le 11 mars 2011, une catastrophe naturelle suivie par le désastre nucléaire de Fukushima. Son éventuelle opinion sur l’utilisation de l’énergie nucléaire, sujet sensible, sera scrutée à cette occasion.