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Trafic de drogue: le réseau africain monte en puissance

19 novembre 2019, 19:30

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Trafic de drogue: le réseau africain monte en puissance

«Un réseau africain se met en place ou s’est déjà bien installé à Maurice. Si on revient 20 ans en arrière, on se rend compte qu’on utilisait des Indiens pour transporter de la drogue à Maurice. Désormais, ce sont les étudiants nigérians qu’on sollicite pour fournir de la drogue à d’autres Africains à Maurice», lâche Danny Philippe, président du Collectif Urgence Toxida. Selon lui, alors que Maurice est aux prises avec son propre réseau de trafiquants locaux, l’axe africain monte actuellement en puissance à l’intérieur de l’île.

Au vu du nombre d’Africains impliqués dans les trafics mondialement, ce phénomène a pris des proportions alarmantes. «Ce fléau doit être traité en urgence. Maurice ne lutte plus uniquement contre ses ‘jockeys’ et propres trafiquants. Il y a surtout plein d’étrangers qui s’infiltrent dans le pays par tous les moyens possibles », constate un autre travailleur social.

Quelle est l’ampleur de cette implication internationale ? 55 étrangers sont actuellement en détention préventive pour des affaires de drogue, indiquent les statistiques de la Mauritius Prison Services. Sur une vingtaine de pays les plus impliqués dernièrement, on retrouve l’Afrique du Sud, le Nigeria et Madagascar. Pourquoi ? «On assiste à une nouvelle tendance, sur l’axe africain notamment. Cela est d’ailleurs corroboré par une analyse de l’Anti-Drug and Smuggling Unit (ADSU) », confie une source de la prison.

Auparavant, précise un gardien de prison, ces cas étaient plus récurrents auprès des touristes en provenance de l’île soeur ou de la France. «Aujourd’hui, ces pratiques sont devenues plus rares au sein de cette catégorie. » À l’inverse, le réseau africain a commencé à s’étendre davantage.

Cette pratique n’est pas réservée qu’à Maurice mais se retrouve être un phénomène international, explique un officier de l’ADSU. Pourquoi ? «Avec l’ouverture des couloirs aériens, notamment par des vols directs qui relient Maurice, certains y trouvent leur compte pour transporter de la drogue», avance-t-il.

Pour les trafiquants ou passeurs d’origine africaine, le policier affirme que certains n’hésitent pas à se prévaloir d’un permis d’étudiant. «Vous verrez qu’il y a une grosse affluence d’étrangers à Maurice. Cette population est bien plus importante désormais, contrairement à des périodes antérieures. Les Nigérians arrêtés pour délits de drogue, par exemple, représentent une population à risque. En fait, ces derniers ne sont pas juste bien impliqués dans le trafic des stupéfiants. Dans tous les domaines, on observe leur implication.»

Ceux-ci incluent notamment le blanchiment d’argent, l’escroquerie – surtout sur le plan informatique – et les fraudes massives à travers les guichets automatiques, entre autres. Certains viennent même comme touristes pour tâter le terrain, ajoute notre interlocuteur.

Quant à ceux venant de Madagascar, le permis de travail serait couramment utilisé dans certains cas pour faciliter leur entrée au pays. Et pour ce qui est de l’Afrique du Sud, les options d’études ou d’affaires sont souvent utilisées. «C’est pour cela qu’on doit faire le ‘profiling’. Bien sûr, certains travaillent ou étudient véritablement à Maurice mais la vigilance est de mise car nous avons effectué beaucoup d’arrestations ces derniers temps», ajoute-t-il.

Pourquoi ces pays africains sont si prisés par les trafiquants ? L’appât du gain est un facteur déclencheur face à l’enlisement dans la pauvreté du Nigeria et de Madagascar, entre autres nations, répond Alain Laridon, ancien ambassadeur de Maurice au Mozambique. «Les grands barons de la drogue ciblent davantage ces proies. Ils sont bien organisés et détectent facilement les plus vulnérables. Les passeurs sont très pauvres. Si on donne 10 000 dollars à un Africain, cela représente beaucoup pour lui.» Selon lui, les Mozambicains recrutent leurs passeurs à la campagne. Ces paysans pauvres ignorent les législations en cours. En fait, ils perçoivent Maurice comme un «paradis» où tout peut se faire facilement.

Du côté de Madagascar, l’ancien diplomate estime que le fait que le gouvernement local n’arrive pas à contrôler le pays, cela accroît la migration des travailleurs vers Maurice. «Le permis serait alors un prétexte pour les mules qui s’adonnent au trafic. D’ailleurs, les caïds les recrutent directement.» Entre-temps, les implications d’étrangers semblent s’amplifier selon les autorités policières et carcérales mauriciennes.

Sollicité à ce sujet, un officier du haut-commissariat sud-africain indique ne pas être autorisé à faire de déclaration à ce sujet. Il nous a renvoyés vers son quartier général en Afrique du Sud, qui n’a pas répondu à nos sollicitations. Nous avons aussi essayé d’avoir une déclaration de l’ambassade de Madagascar, en vain.