L’exploit de remporter les quatre courses classiques, dans la même saison, n’a été réalisé qu’une seule et unique fois dans l’histoire des courses mauriciennes vu la difficulté d’avoir un cheval capable de gagner du 1400m au 2400m (voire 2 tours à l’époque), de maintenir sa condition physique optimale sur plus de six mois et d’avoir la classe pour vaincre à poids d’âge au moins trois fois.

Cet exploit demeure l’apanage de la pouliche anglaise Winking qui avait raflé toutes les courses classiques en 1934. Depuis Pretty Mollie qui remporta successivement la Duchesse, le Barbé et le Maiden en 1951, aucun autre cheval n’est arrivé aussi près d’égaler l’exploit de Winking que White River, le pensionnaire de l’écurie Rameshwar Gujadhur. Nous avons été sur les traces de Winking pour mieux connaître cette unique lauréate, jusqu’ici, du Grand Chelem mauricien.

Winking était une pouliche baie brûlée née en 1931 en Angleterre où elle fut élevée par Mme J. O. O’Connell. Son père était l’étalon britannique Vesington Star, un cheval bai né en 1921 et qui avait couru en Irlande, en France et en Angleterre pour afficher un palmarès de sept victoires sur des parcours allant de 6 à 9 furlongs. Invaincu à 2 ans, il était un lauréat des Railways Stakes et des National Produce Stakes en Irlande.

Après des accessits dans des courses bien cotées en Angleterre, Vesington Star devint étalon au haras de M. Edward Flannery, situé dans le Comté de Cork en Irlande et c’est reconnu qu’il a transmis sa brillance juvénile à sa progéniture et ce jusqu’à sa mort en 1941.

Lady Friend, la mère de Winking, était une fille de Glasgerion et de To Feu. Elevée par M. E. Mitchell, cette alezane ne parut pas en compétition et fut dirigée assez tôt vers le haras. En 16 saisons de monte, elle produisit dix foals dont une propre sœur à Winking, nommée Fur Coat et expédiée en Afrique du Sud où elle a mis au monde, à son tour, un gagnant. Lady Friend mourut en 1939.

Carrière anglaise

Winking fut acquise yearling par M. John Johnstone, un important propriétaire anglais, et elle fut mise à l’entraînement chez Ernest Davey. Sous la férule de ce dernier, elle courut sept fois à 2 ans sans succès sur exclusivement 5 furlongs en Angleterre et en Ecosse mais en prenant quatre accessits.

Elle passa très près de la victoire en deux occasions. D’abord le 28 juin 1933 à Carlisle, elle arriva deuxième dans un Maiden Plate à une courte tête du gagnant. Puis dans un Selling Plate à Edinburg, le 24 juillet 1933, alors qu’elle en était la favorite à 7/4, elle finit de nouveau deuxième à une encolure du gagnant.

Pour ses cinq autres courses avec l’entraîneur Davey, elle termina deux fois 3e, une fois 4e et deux fois 5e. On note que M. Davey l’avait bien sollicitée en la faisant disputer trois courses en l’espace de neuf jours au mois de juillet.

Winking fut transférée chez l’entraîneur John Green en septembre 1933 et pour sa seule course sous la supervision de ce dernier, le 25 du même mois, elle prit une 5e place sur 5 furlongs à Hamilton avant d’être acquise par l’agent conjoint du Mauritius Turf Club et du Mauritius Jockey Club.

Carrière mauricienne

C’est dans un lot de 12 chevaux, embarqué sur le navire Clan Grant, que Winking arriva à Maurice le 25 décembre 1933. Le lendemain, elle prit part au tirage au sort pour l’allocation des nouvelles unités et fut sélectionnée par Amurdeeal Gujadhur, nouvel entraîneur de l’écurie de l’Honorable Rajcoomar Gujadhur.

Sous la supervision d’Amurdeeal Gujadhur (1896-1976), dit Bissoon, Winking disputa sept courses durant la saison 1934, en enleva six dont les quatre épreuves classiques et ne connut qu’une seule défaite où elle dut se contenter de la deuxième place.

Sans vouloir diminuer les mérites de son jockey Aubrey Ernest «Boy» Wimbridge, Winking semblait être une pouliche très maniable et fort généreuse. Le 24 mai, elle enleva la Duchesse sur la piste de Mangalkhan à Floréal par 4 longueurs.

Au Champ de Mars, elle remporta le Barbé (9 juillet) par 5 longueurs malgré un départ raté, le Maiden (27 août), par une longueur, portée par sa classe sur une distance considérée trop longue pour son pedigree et finalement, la Coupe d’Or (8 septembre) en dominant une autre crack, Tosca, d’une longueur. Dès la fin de la journée de la Coupe d’Or, une rumeur se répandit que Winking allait être expédiée en Inde pour poursuivre sa carrière.

Carrière indienne

Cette rumeur ne prit que quatre jours pour se révéler vraie car le 12 septembre, Winking fut embarquée sur le navire La Queda à destination de Calcutta. Une délégation l’accompagnait dont l’entraîneur Amurdeeal Gujadhur et le jockey australien Aubrey Ernest «Boy» Wimbridge. Comme prévu, le navire toucha le port de Calcutta à la fin de septembre et Winking fut aussitôt remise à l’entraînement. Pour sa première campagne indienne, elle ne déçut pas ses nombreux supporters à Maurice en obtenant deux victoires et deux accessits en huit courses.

Elle fut victorieuse à sa deuxième sortie à Barrackpore sous la selle de Wimbridge dans un handicap de 6 furlongs pour chevaux de classe III. Elle retrouva le winner’s box à sa 7e sortie quand elle fut pilotée par le jockey Scanlan dans une course de 5 furlongs, toujours pour chevaux de classe III, à Bombay. Winking eut six autres courses à son programme de sa deuxième campagne indienne mais ne put se placer.

Elle courut une seule autre fois pour sa troisième campagne en Inde sans se placer et ayant atteint l’âge de 6 ans, elle fut rapatriée à Maurice en 1937.

M. Amurdeeal Guja-dhur poursuivit sa carrière d’entraîneur en Inde avec beaucoup de succès. De la Grande péninsule, «Boy» Wimbridge rentra à Kalgoorlie, dans l’Etat de Western Australia, où il avait fait carrière. Puis, il s’exerça dans l’Etat de Victoria et revint à Maurice en 1937 et en 1938 pour honorer des contrats avec MM. Frank Lalonde et L. P. France Rivalland. Dans les années 40, Wimbridge devint entraîneur à Northam à Western Australia.

Pour sa reprise, Winking disputa quatre courses en 1938 pour un accessit sur 6 furlongs et 100 yards à Mangalkhan. Elle fit ses adieux à la compétition le 13 mai 1939 au Champ de Mars en finissant 4e sur un tour. L’Honorable Rajcoomar Gujadhur, reconnaissant, la fit loger aux écuries du Château Gujadhur à Curepipe pendant sa retraite.