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Appartenance ethnique: la population générale biaise davantage le Best Loser System

30 octobre 2019, 12:29

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Appartenance ethnique: la population générale biaise davantage le Best Loser System

Les membres de Rezistans ek Alternativ (R&A) ne pourront pas être candidats. Ainsi en a décidé la Cour suprême, samedi dernier. Selon Anwar Moollan, Senior Counsel, représentant l’Electoral Supervisory Commission, si un candidat ne déclare pas son appartenance ethnique, l’allocation des sièges pour le Best Loser System (BLS) sera modifiée. Mais, selon plusieurs politiciens et hommes de loi, le système est déjà faussé car, lors du Nomination Day, plusieurs candidats ont préféré s’inscrire sous la catégorie «population générale» ou, encore, décidé de leur appartenance ethnique par un tirage au sort; de ce fait, les nominés du BLS ne seront pas représentatifs.

Selon le constitutionnaliste Milan Meetarbhan, la contestation de R&A sur le rejet de ses candidatures ne pouvait avoir un autre dénouement. «Tant que la loi et la Constitution ne seront pas amendées, la Cour appliquera ce qui est écrit», avance-t-il. Même son de cloche de Parvez Dookhy, juriste et porte-parole de Ralliement citoyen pour la patrie (RCP). Il estime qu’un juge ne peut pas récrire la Constitution en ajoutant un cinquième groupe ethnique.

Les deux hommes de loi sont d’accord sur un autre point : ce système de classification de la population est arrivé à sa limite. Selon la Constitution, quatre groupes existent à Maurice : hindou, musulman, chinois et population générale. Deux catégories représentent des religions, une autre est une appartenance ethnique et le quatrième est un mode de vie, ce qui en soi est une inégalité. Puis, le choix de se catégoriser est difficile et, de toute façon, même si un individu est totalement libre de choisir comment il se définit, son choix peut être contesté. «Dans ce cas, le juge devra statuer sur le mode de vie d’une personne. Mais il se basera sur quoi pour cela ? Ou encore, si une personne change de religion, il se définit comment ? C’est un exercice quasiment impossible à faire», relève Milan Meetarbhan.

Quand tout le monde est population générale

Cette année, plusieurs partis et candidats, à l’instar de 100 % Citoyens, RCP et indépendants, ont décidé de s’inscrire sous la rubrique «population générale». Le Reform Party a laissé le choix à ses candidats mais, Roshi Bhadain, lui, s’est inscrit sous cette rubrique. Les candidats Lalit ont, pour leur part, effectué un tirage au sort pour déterminer leur appartenance. Le RCP et Lalit ont fait savoir que leurs candidats démissionneront du Parlement si jamais ils se retrouvent parmi les candidats repêchés. Le leader de Reform Party explique qu’il n’est pas à l’affût du BLS. «Nous pensons que nous devons nous battre pour tous les Mauriciens. On est obligés de remplir cette case pour être dans la course pour changer les choses.» Mais cela ne fausse-t-il pas le système de BLS? «La question n’est pas là. La dernière fois, nous avions le choix de participer sans décliner notre appartenance. Cette fois, ce n’est pas possible, donc, nous le faisons en tant que Mauriciens.»

Les autres partis concèdent que la situation va effectivement fausser le calcul du BLS, mais que, pour l’heure, il n’y a pas de choix pour ceux qui ne veulent pas se définir. Mais Lindsay Collen, porte-parole de Lalit, y voit un danger et le fait savoir : «Si tout le monde se fait classer comme population générale, il y aura une communauté qui sera sous-représentée car le BLS est toujours en cours. Dans la réalité, les députés repêchés seront d’autres communautés et il y aura une surreprésentation.»

Mais ce n’est pas aujourd’hui que ce système démontre ses limites. Selon Ashok Subron, depuis 1982, le pays a connu neuf élections générales. La Constitution prévoit 60 candidats élus sur un Parlement de 70 députés. Or, cela n’a été possible qu’en 1983, 1987 et 2000. Les autres années, le compte n’y était pas.

Solution difficile

Parvez Dookhy est catégorique qu’il faut un amendement de la Constitution pour remédier à la situation. Mais il concède la difficulté d’avoir une majorité de trois quarts pour y arriver. «Une solution serait d’essayer d’introduire le concept de référendum populaire dans la Constitution», dit-il, alors que Lalit propose un Parlement avec quatre députés par circonscription, une liste de proportionnelle non basée sur l’appartenance ethnique, moins de ministres et plus de pouvoir aux députés.

Quant à Roshi Bhadain, sa proposition est de rajouter la rubrique «Mauricien» à la Constitution. Ce qui est loin d’être une solution, déclare Parvez Dookhy : «Si cette nouvelle catégorie a droit au BLS, comment est-ce que le nombre de sièges qui leur sera attribué sera calculé car il n’y a pas de chiffres, contrairement aux quatre autres catégories. Et si les «Mauriciens» n’ont pas droit au BLS, cela crée une inégalité dans la Constitution, qui n’est pas envisageable.»

Population générale : appellation «raciste»

Si tous affirment qu’il faut entrer dans le jeu du système avant d’en venir à bout, Ashok Subron clame que le système comporte des failles depuis le début. Déjà, le recensement ethnique date de 1972. Or, 61 % des Mauriciens actuellement en vie n’étaient pas encore nés. «En tout, 75 % de Mauriciens n’y ont pas participé car il y a aussi ceux qui, en 1972, n’avaient pas 18 ans», avance-t-il. De ce fait, le BLS est calculé sur des chiffres qui ne représentent pas l’île Maurice. Mais pourquoi les candidats de R&A ne se sont-ils pas classifiés, comme les autres, comme population générale ? «Selon mon mode de vie, je peux dire que j’ai une culture indienne, chinoise, musulmane, entre autres. Le problème est qu’on me demande de choisir, alors que je ne le veux pas. Nous ne renions pas nos cultures, bien au contraire, nous les revendiquons. Mais il ne faut pas nous demander de choisir.»

Le porte-parole de R&A rappelle ensuite que le terme «population générale» est à connotation raciste. À l’époque, les esclaves et les propriétaires d’esclaves étaient dans cette catégorie. Puis, en 1962, c’étaient les «blancs et gens de couleur» avant d’englober un peu tout le monde en 1972. D’ailleurs, il fait ressortir que, dans l’histoire de l’humanité, les deux seules fois où les gens ont été catégorisés étaient pendant l’apartheid et la Seconde guerre mondiale.

Appel au CJ pour donner priorité au dossier de l’appartenance ethnique

Ashok Subron fait un appel solennel au chef juge (CJ) pour écouter le Constitutional Case au plus vite. «Comme le juge Asraf Caunhye rentre au pays de sa mission de Genève le 28 octobre, pourquoi ne pas écouter notre motion le lendemain même ?» Alors que la demande d’insérer les noms des vingt candidats de R&A et de quatre indépendants sur la liste des candidatures pour les élections du 7 novembre a été rejetée par la Cour suprême samedi, Ashok Subron estime que le Full Bench dans l’autre cas doit écouter leur motion sur le fond dans les plus brefs délais. «Bien que nous ne puissions être candidats pour les législatives de 2019, le jugement de samedi aura une répercussion sur l’affaire devant le Full Bench. Cela confirme la nécessité et l’urgence pour que le chef juge, Eddy Balancy, donne priorité à notre demande. Nous avons trop attendu et n’avons même pas objecté aux énièmes renvois réclamés.»