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Euro-2020: France-Turquie, tendu à tous les étages

14 octobre 2019, 22:52

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Euro-2020: France-Turquie, tendu à tous les étages

Alerte rouge à Saint-Denis: dans un contexte sécuritaire et diplomatique sensible, renforcé par l’annulation de la venue de Jean-Yves Le Drian, les Bleus, vexés par la gifle de Konya, veulent prendre leur revanche sur la Turquie, lundi (20h45) au Stade de France, où des milliers de supporters turcs sont attendus.

Sur le terrain, l’opposition s’annonce intense entre deux nations toutes proches de se qualifier pour l’Euro-2020. Les Bleus auront leur billet en poche s’ils gagnent, mais aussi en cas de match nul voire de défaite si leurs poursuivants calent.

Pourtant, le contexte diplomatique prend le pas sur l’enjeu sportif: à quelques heures du match, le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian, qui avait inscrit la rencontre à son agenda, a annulé sa présence. «Il a décidé de ne pas y aller», a annoncé son entourage à l’AFP.

Une décision prise alors que le déclenchement mercredi dernier par le président turc Recep Tayyip Erdogan d’une opération militaire dans le nord de la Syrie contre des forces kurdes, qualifiées de terroristes par Ankara mais partenaires de longue date des occidentaux dans la lutte contre les jihadistes du groupe État islamique (EI), a déclenché un tollé international.

La France a dénoncé une «offensive unilatérale» et suspendu ses ventes d’armes vers la Turquie. Et à Paris, plusieurs manifestations en soutien aux Kurdes de Syrie ont déjà eu lieu ce week-end.

Plusieurs personnalités politiques, dont le président de l’UDI Jean-Christophe Lagarde, président du groupe d’études sur les Kurdes à l’Assemblée, ont appelé à l’annulation de la rencontre. «On ne peut décemment accueillir demain au Stade de France ceux qui saluent le massacre de nos alliés kurdes!», a-t-il tweeté dimanche soir.

M. Lagarde évoque le salut militaire réalisé par les footballeurs turcs pour célébrer leur victoire contre l’Albanie vendredi, en soutien aux soldats engagés dans l’offensive.

«Les problèmes géopolitiques, ils sont là. Que cela ait des conséquences? Forcément, sur l’environnement du match. Mais on ne va pas penser à cela», a évacué dimanche le sélectionneur des Bleus Didier Deschamps.

«Je ne veux pas que ces discussions prennent le pas sur le match, a précisé dimanche le sélectionneur turc Senol Günes. Nous encourageons nos soldats, mais je suis contre toute sorte de violence.»

Maracineanu bien présente

Au Stade de France, après l’annulation de M. Le Drian, seule la ministre des Sports Roxana Maracineanu a confirmé sa présence «parce que la France est attachée à l’esprit sportif», a fait savoir le ministère dans un communiqué transmis à l’AFP.

Le ministre turc des Sports ainsi que l’ambassadeur à Paris étaient eux déjà en visite au stade dimanche soir, et attendus lundi, tout comme celui de la Justice selon une source diplomatique turque.

Les supporters de la Turquie sont annoncés nombreux, bien plus que les 3.800 places du parcage visiteurs déjà prises d’assaut à 45 minutes du début du match, et alors que le stade devrait accueillir 78.000 spectateurs.

Dans l’enceinte, juste avant 20h00, une bronca a accompagné l’entrée sur le terrain de l’équipe de France, pour l’échauffement, suivie d’une ovation pour celle de l’équipe turque, accueillie aussi par des sifflets provenant notamment des fans français.

Dans le parcage des supporters turcs, chaque supporter est vêtu du maillot blanc de l’équipe nationale, celui qui sera porté par la sélection.

Ailleurs, disséminés partout dans le stade, les maillots et drapeaux turcs sont innombrables, à peine compensés par les petits drapeaux français disposés sur les sièges par les organisateurs du match. Certains jeunes fans ont replié la partie bleue de ce petit drapeau pour n’en garder que le rouge et le blanc, couleurs de leur équipe.

D’autres, peu nombreux, agitent les drapeaux des deux équipes en même temps.

Auparavant, sur le chemin qui menait au stade vers 18h00, les supporters se montraient plutôt unanimes: non aux sifflets pour la Marseille, oui, peut-être, au salut militaire.

«Cela va être une ambiance de malade, terrible !», prévoyait Alican, 22 ans, qui ne pensait pas siffler l’hymne français». «Ca ne se fait pas.»

Meryem, Franco-turque de 22 ans, expliquait elle qu’elle ne voit pas ce salut «comme un soutien à la guerre au Kurdistan mais comme «un hommage à nos soldats morts».

Sécurité renforcée

«J’espère qu’ils seront dans un esprit de fraternité», souhaitait avant le match Senol Günes à propos des fans turcs.

«Ce qu’il se passe en Syrie, c’est une chose, le match c’est autre chose. Bien qu’il puisse y avoir des imbrications, des provocations, nous essaierons de l’éviter», a tenté de rassurer l’ambassadeur de Turquie Ismail Hakki Musa, interrogé par l’AFP.

Lundi, pour ce match classé à risque, la préfecture a prévu un dispositif renforcé «avant, pendant et après la rencontre», avec 1.200 gendarmes et policiers et 1.400 stadiers à l’intérieur du Stade de France.

Sur la pelouse, quatre mois après avoir sombré dans la fureur de Konya (défaite 2-0), les Bleus veulent remettre les pendules à l’heure.

Mais la Turquie, coleader du groupe H avec la France, aura la même ambition et veut «faire une très belle prestation», selon Senol Günes.