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Vibhootee Santbakshsingh: l’antithèse de la grosse tête

12 octobre 2019, 08:36

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Vibhootee Santbakshsingh: l’antithèse de la grosse tête

Vibhootee Santbakshsingh aurait de quoi pavoiser car en sus d’avoir enchaîné les succès scolaires, elle est major de la première cohorte d’étudiants ayant suivi le cours de Doctor in Medicine, élaboré par les universités de Maurice et de Genève. Elle attribue sa réussite à la chance, tout en reconnaissant du bout des lèvres qu’elle a fait des efforts.

Que ce soit pour les six unités que cette Vacoassienne de 25 ans a obtenues à son examen de School Certificate, sortant seconde en biologie, pour ses trois A+ arrachés lors de l’examen du Higher School Certificate, qui lui ont permis d’être classée après les lauréats ou encore pour toutes les fois où en six ans d’études de médecine, elle est sortie première de la classe, Vibhootee Santbakshsingh les minimise. Vibs, comme ses amies l’appellent, met toujours en avant un élément de chance. Le sort a certes bon dos mais on ne peut quand même pas tout lui mettre sur le dos !

Face à l’insistance de nos questions, Vibhootee Santbakshsingh finit par répondre qu’elle ne veut pas que les lecteurs pensent qu’elle a une haute opinion d’elle. Or, elle est d’une simplicité déconcertante. En l’écoutant raconter son histoire, on se rend compte qu’elle a aussi bien un esprit scientifique qu’artistique puisqu’en sus d’exceller en sciences et en particulier en biologie, elle a suivi des cours basiques de guitare et de piano et elle se perfectionne en amateur via les vidéos de YouTube.

Lorsqu’elle pense à son avenir, Vibhootee Santbakshsingh, qui a fréquenté l’école primaire N. Saddul, puis les collèges Vacoas SSS et finalement le collège Dr Maurice Curé, hésite entre la médecine – elle est notamment curieuse à propos du fonctionnement de l’organisme humain –, le pilotage et la musique. C’est son grand-père Narendra qui la met sur la voie de la médecine. «Vu mon intérêt pour le fonctionnement du corps humain et le fait qu’il trouvait que j’avais beaucoup de compassion pour les autres, il me répétait que je ferais un super médecin », raconte-t-elle. Or, lorsqu’elle termine sa Form VI, elle réalise qu’il y a trop de médecins au chômage. Et change son fusil d’épaule, d’autant plus que son contexte familial est plus économique puisque son père Sunil est employé à la Mauritius Cane Industry Authority et sa mère Bhama, employée à la Barclays Bank. Elle fait une demande d’admission pour le cours d’Actuarial science auprès de l’université de Maurice (UoM) et une autre demande similaire en ingénierie auprès de l’université de Monash en Australie. Bien qu’elle soit acceptée par ces universités, après une sérieuse réflexion, Vibhootee Santbakshsingh se rend compte que la médecine cadre avec son désir de connaître les pathologies, leurs symptômes et surtout d’aider les autres. «Et puis, j’aime les personnes âgées en général. J’aime écouter leurs histoires, leurs préoccupations, leurs plaintes.»

La jeune femme a le choix entre aller à l’étranger pour étudier la médecine, se faire admettre dans le cours de médecine à l’UoM qui s’effectue en collaboration avec la faculté de l’université de Bordeaux et intégrer la première cohorte du cours de Doctor of Medicine, dont le programme, qui est étalé sur six ans, est dérivé de celui de la faculté de médecine de Genève en Suisse. Pour l’aider à mieux faire son choix, son père sollicite et obtient une rencontre avec le Dr Meera Manraj de l’UoM, qui a fait le lien entre cette institution du savoir et celle de Genève. Il se renseigne sur le contenu des  cours et le programme d’études en général et Vibhootee Santbakshsingh choisit le cours du Doctor of Medicine. Vingt-quatre autres personnes font de même. Les cours démarrent en août 2013.

Si au départ, les cours ont lieu à l’UoM, à la fin de la troisième année, ils se tiennent à Ébène. Lorsqu’elle termine son Bachelor et que ses résultats sont excellents, l’UoM se propose de lui offrir une bourse pour son Master. Mais cette institution se ravise sans même lui fournir d’explication. Elle ne se met pas martel en tête. Si durant les années de Bachelor, le programme est basé sur des problèmes de santé à identifier et traiter, au niveau du Master, il repose sur l’analyse et la gestion de cas réels à l’hôpital Jeetoo à Port-Louis. Les professeurs de l’université de Genève effectuent plusieurs visites à Maurice afin de former les médecins de l’hôpital Jeetoo à l’enseignement.

Vibhootee Santbakshsingh a préféré les études de cas réels à l’hôpital. «Chaque patient est un livre. Il a une histoire. Ensuite, j’ai aimé la discussion du cas en équipe. C’était plus interactif, plus intéressant et plus facile à mémoriser car je voyais le patient devant moi dans ma tête.» Elle dit avoir eu d’excellents rapports avec les chargés de cours mauriciens, qui ont fait de gros efforts pour se libérer «car ils sont à la fois médecins et formateurs

Son projet après ses trois premières années d’études portait sur l’Alzheimer à Maurice. Sa thèse dont les recherches ont été effectuées en quatrième et cinquième années et pour laquelle elle a été encadrée par le spécialiste de la médecine interne Dr Keser Pillai a porté sur l’apnée du sommeil. «Il a été un mentor fantastique et m’a vraiment aidée, de même que Francès de Lapeyre qui gère la Sleep Apnea Clinic

Lorsqu’on lui dit que de sources sûres, sa note finale était de 80 points sur 100, Vibhootee Santbakshsingh minimise les choses à nouveau. «Cela a dû se jouer à un demi-point près.» Qu’importe, l’essentiel est qu’elle soit major de la promotion. «Oui, j’ai bossé», reconnaît-elle.

Mercredi matin, elle s’est fait enregistrer auprès du Conseil de l’Ordre des Médecins afin de faire son internat de 18 mois à l’hôpital Victoria. Après cela, elle veut se spécialiser soit en gériatrie, soit en anesthésiologie ou encore en cancérologie. Elle ignore quel pays et quelle université obtiendra ses faveurs mais elle sait qu’elle ira à l’étranger.

Ce cours pour obtenir son diplôme de Doctor in Medicine était «super tant en termes de coûts car pour six années d’études, mes parents n’ont pas dépensé plus d’un million de roupies, qu’en termes de cours. Le fait que nous ayons été la première cohorte indique qu’il y aura des ajustements à faire mais ils sont mineurs et d’année en année, ce cours s’améliorera. Il faudrait davantage de chargés de cours de l’UoM car pour les six ans, nous avons eu cinq chargés de cours à plein-temps. Il faudrait plus de lecturers full-timers.»

Si elle ne regrette pas d’avoir opté pour la filière médecine, le seul aspect qui lui a paru émotionnellement dur a été durant les dernières années à l’hôpital, en particulier lorsqu’elle a séjourné dans le département de pédiatrie. «Arriver un matin et apprendre que l’enfant que l’on a vu la veille est mort et voir ses parents le pleurer, c’est très dur. Il est vrai que les personnes âgées meurent de complications telles que des attaques cérébrales ou des crises cardiaques mais disons qu’on est un peu plus préparé à cela. Mais jamais quand il s’agit d’enfants

C’est à la mi-septembre qu’elle a obtenu ses résultats. Vibhootee Santbakshsingh ignore jusqu’ici quand débutera l’internat. En attendant, elle peut télécharger tous les «anime» comme on les appelle dans le jargon des connaisseurs, c’est-à-dire les dessins animés japonais qu’elle adore et ressortir sa console PlayStation 4 qu’elle avait mis sous clé pendant les quatre derniers mois pour jouer contre ses soeurs. Il vaut mieux ne pas lui demander qui gagne lors de ces parties car elle risque encore de minimiser les choses. Sacrée Vibs…