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Mondiaux d’athlétisme: Pourquoi les femmes ne font pas de décathlon ?

2 octobre 2019, 20:25

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Mondiaux d’athlétisme: Pourquoi les femmes ne font pas de décathlon ?

Les épreuves combinées vont sacrer les athlètes les plus complets de la planète jeudi aux Mondiaux d’athlétisme de Doha après deux jours d’efforts. Sur dix épreuves pour les hommes et seulement sept pour les femmes, vieil héritage du 20e siècle apparemment pas près de disparaître.

«J’adorerais que les femmes fassent du décathlon, assure le recordman du monde Kevin Mayer. La situation actuelle, je ne la comprends pas. Je suis totalement convaincu qu’elles peuvent le faire et très bien.»

Le champion du monde met le doigt sur une incongruité: le décathlon reste la dernière discipline de l’athlétisme réservée aux hommes.

Evoluant plutôt lentement, le sport olympique N.1 a pourtant ouvert petit à petit toutes les portes qui étaient fermées sans raison aux femmes: le marteau et la perche (depuis 1999 aux Mondiaux), le 3.000 m steeple (2005) et le 50 km marche (2017). Mais pas le décathlon.

En 2001, le Congrès de la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF) entérine à Edmonton (Canada) la décision d’ajouter un décathlon féminin, sur les recommandations d’un comité d’experts (entraîneurs, athlètes...). C’était il y a 18 ans et rien n’a changé.

«Incroyablement dur»

La discipline existe, avec un record du monde officiel (8.358 points réussis en 2004 par la Lituanienne Austra Skujyte, double médaillée olympique sur l’heptathlon), mais n’a jamais été envisagée dans un grand championnat.

Quelques passionnés ont bien tenté le coup: le Dynamic Aulnay Club, à Aulnay-sous-Bois (93), organise quelques éditions du «décamixte», un décathlon hommes et femmes, mais abandonne au début des années 2010. Aux Etats-Unis, la «Women’s decathlon association» milite pour la discipline et organise un championnat annuel.

La Canadienne Brianne Theisen-Eaton, double vice-championne du monde et médaillée de bronze olympique de l’heptathlon, est favorable au décathlon féminin. Mais prévient que ça ne sera pas simple.

«Dans ma jeunesse, lors d’une rencontre universitaire, j’ai participé au 4x100 m, j’ai enchaîné avec le poids, la longueur, la hauteur et enfin le 4x400 m, raconte-t-elle à l’AFP. Epuisée, j’ai assuré à mon coach que je ne pourrais plus courir le lendemain ! Il m’a répondu: «Félicitations Brienne, tu as juste terminé la première journée d’un décathlon» (rires).»

«J’ai alors réalisé que le décathlon est complètement différent de l’heptathlon. C’est incroyablement dur, mentalement notamment. Si l’heptathlon était changé, il faudra un entraînement complètement différent.»

Dans un réflexe corporatiste, les plus ardents défenseurs du statu quo sont souvent les heptathloniennes elles-mêmes, qui ont peur de se retrouver sans rien du jour au lendemain, faute de savoir sauter à la perche, par exemple.

«Je peux comprendre cette envie de passer au décathlon pour les femmes, mais je serais triste de voir l’heptathlon disparaître, indique la Belge Nafissatou Thiam, championne olympique en titre. Pour plein de gens, passer de sept à dix épreuves serait une amélioration. Pour moi ce serait juste une discipline différente.»

Un changement progressif

Un point fait toutefois consensus: un hypothétique changement ne devrait pas être brutal mais pensé sur le moyen terme, laissant le temps aux jeunes catégories de se former petit à petit aux spécificités du décathlon (qui ajoute la perche, le disque, une course et rallonge le 800 m en 1.500 m), avant de proposer un décathlon féminin mondial ou olympique.

Mais il existe encore un écueil: la version officielle du décathlon féminin comprend un ordre d’épreuves différent (le poids, la hauteur et la longueur ont lieu le 2e jour au lieu du premier). Cette idée de l’IAAF, prévue pour faciliter l’organisation de deux décathlons en même temps sur le même stade, fait grincer les spécialistes. Elle change radicalement l’approche de la discipline en repoussant des épreuves explosives au 2e jour, quand les championnes sont émoussées.

«C’est la seule chose qui m’importe, que l’ordre soit le même que pour les garçons, explique à l’AFP le double champion olympique (2012 et 2016) américain Ashton Eaton. Bien sûr ça serait compliqué à organiser pour des raisons logistiques. Mais franchement, rien à foutre, il faut que les filles puissent faire exactement la même chose, sinon ça ne sert à rien.»

Un souhait qui ne restera qu’hypothèse, tant que l’IAAF ne s’emparera pas du sujet.