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Hôpital: des anges abandonnés et une adoption difficile

29 septembre 2019, 22:30

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Hôpital: des anges abandonnés et une adoption difficile

Un bébé abandonné à l’hôpital Victoria… Le destin de cette petite fille, sans parents, avait ému les internautes la semaine dernière. Mais elle n’est pas la seule à être dans ce cas, à Candos. Et ailleurs. Qu’advient-il des enfants qui n’ont pas de parents, de proches ? Et l’adoption dans tout ça ?

Ces petits êtres, fragiles, n’ont pas eu la chance d’avoir une vie comme les autres. Privés de l’amour des parents, mais surtout délaissés, ils ont élu domicile, malgré eux, dans une des salles de l’hôpital Victoria, à Candos.

Il est 15 h 30. Les couloirs de l’hôpital Victoria sont bondés. Parents, proches, amis sont venus rendre visite à des malades. Nous nous dirigeons vers la «Pediatric Ward 12». Dans cette salle réservée aux enfants, les petits malades sont nombreux. Mais ce sont quelques lits qui attirent le plus l’attention. Autour, point de visiteurs…

Selon les nombreuses infirmières sur place, ces enfants-là ont été abandonnés à hôpital. «Dan sa lasal-la, ena 4 zanfan ki nepli ena fami…» D’ailleurs, il y a une semaine, c’est une maman venue rendre visite à son enfant qui a attiré l’attention des Mauriciens – via les réseaux sociaux - sur un bébé d’environ un an et demi qui n’a pas été déclaré et qui est à l’hôpital depuis la naissance. Selon les dires des médecins traitants, la petite fille n’a jamais été vaccinée et présente des troubles de motricité (correspond au simple fait de ne pouvoir produire un mouvement).

Quatre enfants

«Pa enn ena isi. Ena 4 koumsa la», répètent les infirmières rencontrées sur place. «Il y a cette petite fille, un autre enfant de deux ans environ et deux autres âgés entre 7 et 8 ans.» Eux, sont seuls. «Zamé inn trouv dimounn vinn get zot…» Toutefois, par peur de représailles de la part de la direction de l’hôpital, les nurses n’en diront pas plus. On nous empêche de nous approcher trop près des enfants. Il faut se contenter de les regarder de loin…

D’où le fait que certaines personnes n’ont pas hésité à lancer des appels de solidarité sur les réseaux sociaux afin d’apporter un peu de réconfort à ces petits anges. Lait, couches, lingettes, vêtements ou encore céréales et autres sont les bienvenus. «Tou séki amené nou pou servi», soulignent les infirmières. Bien que l’hôpital fournisse le strict minimum. «Normal nou pou donn baba-la, sirtou so dilé tousala. Mé si gagn linz par exanp, ti pou bon. Pou bann lezot zanfan la ousi…»

Sinon, une fois qu’un enfant est abandonné à l’hôpital, il est pris en charge par des Medical Social Workers durant toute la durée de leur séjour dans les centres hospitaliers, s’ils ont des maladies ou autres, pour des soins spécifiques. «Ensuite, ils sont dirigés vers des shelters où ils passeront une bonne partie de leur adolescence. Ils y restent jusqu’à ce qu’ils aient 18 ans.»

Retrouver leurs parents

Avant cela, si les autorités parviennent à retracer un proche, on lui demande s’il veut prendre l’enfant sous son aile, sous certaines conditions, bien entendu. Qui plus est, des suivis sont effectués pour s’assurer que l’enfant grandisse dans les meilleures conditions. «Pa pou al met li dan enn latmosfer kot li pou al pas ankor plis mizer.»

Plus tard, quand ils ont eu 18 ans donc, les enfants peuvent, à leur niveau, entamer des recherches pour retrouver leurs parents. «Mais c’est difficile et cela demande pas mal de ressources.» Quid des enfants qui n’ont pas été déclarés ? Ils sont pris en charge par le ministère de l’Égalité du genre en collaboration avec l’état civil afin de pouvoir obtenir un extrait de naissance…

 

Shane et les autres

<p style="text-align: justify;">Vous vous souvenez peut-être du petit Shane. Abandonné, il est à l&rsquo;hôpital SSRN depuis fin 2017. Une source autorisée au sein du ministère de la Santé confie que l&rsquo;enfant y est toujours. &laquo;<em>Il est toujours dans le même établissement hospitalier car il souffre de plusieurs pathologies et cela prend beaucoup de temps à guérir.</em>&raquo;&nbsp;</p>

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<p style="text-align: justify;">Mais alors, combien sont-ils dans le même cas que Shane ? Le chargé de communication du ministère explique qu&rsquo;il n&rsquo;y a pas de chiffre exact en ce qu&rsquo;il s&rsquo;agit des enfants abandonnés dans les hôpitaux. &laquo;<em>Ce sont des cas rares, des coïncidences sur des périodes non spécifiques</em>&raquo;, explique-t-il. Il ajoute par ailleurs, qu&rsquo;il ne sait rien de précis sur les enfants que nous avons vus à l&rsquo;hôpital Candos.</p>

<p style="text-align: justify;">Toujours est-il que selon des infirmiers qui travaillent dans des hôpitaux publics, il y a aussi des cas rarissimes où des corps de bébés mort-nés à l&rsquo;hôpital, ne sont jamais réclamés par la famille. &laquo;<em>Les petits corps sont alors conservés à la morgue durant des mois avant d&rsquo;être enterrés par le personnel chargé de le faire. F</em>er leker fermal boukou sa&hellip;&raquo;</p>

 

Adoption : Tout sauf un jeu d’enfant

Le nombre d’enfants abandonnés augmente de jour en jour. Touchés par ce phénomène, nombre de Mauriciens, sur les réseaux sociaux notamment, se demandent comment faire pour adopter ceux qui n’ont pas été gâtés par les circonstances, le destin. Mais il s’avère que ce n’est pas chose facile…

Eux ont cependant pu le faire. Cela fait 12 ans que Sandya (nom d’emprunt) et son époux ont adopté Emilia. Elle est arrivée dans leur vie comme un cadeau. D’ailleurs, Sandya ne cesse de le dire. Nouveaux mariés, ayant le désir immense de devenir parents, la nouvelle a eu l’effet d’un coup de massue : ils ne peuvent avoir d’enfant.

Bien des galères plus tard, Sandya fait la connaissance d’une jeune femme. «Je l’ai rencontrée quand elle venait de tomber enceinte. Elle était jeune, pas mariée et rencontrait des difficultés financières.» Elles se lient d’amitié et la jeune femme lui avoue qu’elle ne pourra pas garder ce bébé qu’elle attend et que le père n’en veut pas non plus…

Elle sait que Sandya et son mari veulent un bébé. La jeune femme lui propose alors de «prendre» l’enfant qu’elle attend. Bien évidemment, cette dernière ne refuse pas. «Dès qu’elle a accouché, on a enclenché les démarches. J’ai engagé un avoué et nous avons eu recours à une adoption simple et en deux mois ma fille était mienne», raconte Sandya émue.

Aujourd’hui, Emilia est une enfant épanouie. Elle est au courant du fait qu’elle a été adoptée mais n’a jamais démontré l’envie de connaître ses parents biologiques jusqu’ici. Et même si après une adoption simple, l’enfant ne rompt pas les liens avec ces derniers, les parents biologiques d’Emilia n’ont jamais souhaité côtoyer la petite non plus…

Si Sandya a eu la chance d’adopter aussi facilement un enfant, les choses sont loin d’être aussi simples. À Maurice, il existe trois types d’adoption. L’adoption simple donc. Puis, l’adoption plénière – qui rompt tout lien de filiation et tout contact entre l’enfant et ses parents biologiques. Il y a aussi la légitimation par adoption, qui se passe entre un couple, où l’épouse souhaite que son enfant biologique soit reconnu par son mari, qui n’est pas le père de l’enfant, par exemple. Toutefois, c’est l’adoption simple, soit quand les parents biologiques donnent leur consentement à l’adoption de leur enfant, qui est la plus courante.

«Memorandum of consent»

Les choses vont très vite dans ces cas-là, comme pour Sandya. Car après que les parents adoptifs et parents biologiques ont chacun signé un affidavit pour indiquer officiellement leur intention respective, un «memorandum of consent» est rédigé et présenté devant un juge de la Family Court, accompagné de preuves d’identité.

Par la suite, après que le juge et les deux parties ont signé ledit mémorandum, il y aura une enquête du ministère public pour s’assurer que les parents adoptifs respectent tous les critères requis : maison décente, qu’ils ne sont pas impliqués dans des affaires en cour, qu’ils ont un travail, entre autres.

Après l’enquête, un rapport est remis au parquet et le juge rend son verdict lors de la comparution finale en cour. Selon l’avocate Jenny Mooteealloo, les procédures pour ce genre d’adoption peuvent se faire en moins d’un an si les parents qui souhaitent adopter n’ont aucun problème avec la justice. «Le salaire n’est pas un facteur qui peut empêcher l’adoption. Il faut simplement que les parents soient stables dans leur vie.» D’ajouter que pour une adoption simple, on n’est pas obligé d’être marié comme c’est le cas pour une adoption plénière.

Adoption plénière

D’ailleurs, l’adoption plénière, dont la demande se fait directement auprès d’un juge en chambre, est très difficile à Maurice. Cela concerne les enfants abandonnés dans des shelters et orphelinats notamment. À noter que lors d’une adoption plénière, l’enfant perd tous liens avec sa famille biologique.

Ainsi, à Maurice, même si beaucoup d’enfants sont placés dans des endroits précités ou encore abandonnés dans des hôpitaux, on ne peut pas les adopter sans que les parents ne signent un affidavit… Par exemple, si une personne a un coup de cœur pour un enfant dans une crèche, elle doit entamer les recherches pour savoir qui sont les parents biologiques de l’enfant, avant de pouvoir l’adopter.

Cela parce qu’il n’y a pas jusqu’aujourd’hui un organisme autorisé de l’État qui puisse établir un registre d’enfants adoptables comme demandé par la Convention de La Haye du 29 mai 1993, à laquelle Maurice a adhéré le 29 septembre 1998. D’ailleurs, le non-respect de cette convention a fait que depuis 2015, toutes les adoptions par des étrangers sont gelées.

National Adoption Council

Car les adoptions par des étrangers se font uniquement via des démarches individuelles et les familles doivent se déplacer à Maurice afin de constituer leur dossier qu’ils soumettront devant le National Adoption Council (NAC) pour approbation. Et vu que le NAC ne «propose» pas d’enfants à l’adoption, les étrangers doivent aller à la recherche de parents qui souhaitent faire adopter leur enfant. Et ce contact entre parents biologiques et futurs parents adoptifs, au temps de la procédure, est clairement expliqué par la Convention, car cela peut engendrer un trafic d’enfants contre de l’argent, fléau contre lequel luttent des juridictions internationales.

Par ailleurs, selon un officier du NAC, le gouvernement travaille afin de moderniser les manières dont on procède à Maurice pour les adoptions, afin que cela respecte les acomptes de la convention de La Haye. Toutefois, révèlent des sources, tout stagne depuis très longtemps…

Au grand dam des enfants et de ceux qui souhaitent leur donner une vie meilleure…