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Alain Law Min: «Une baisse dans la durée de la dette publique est un défi»

18 septembre 2019, 14:05

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Alain Law Min: «Une baisse dans la durée de la dette publique est un défi»

Si ce n’est pas demain la veille que les Mauriciens jetteront aux oubliettes les billets de banque, les services bancaires par voie électronique s’installent peu à peu dans nos habitudes. «Lesscash Mauritius» semble être une vision plus adaptée, au dire d’Alain Law Min, qui nous fait également part du positionnement de la MCB sur le continent africain et les défis y relatifs, en passant par la situation économique du pays.

«Cashless Mauritius», vous y croyez ?
En premier lieu, je préfère me référer plutôt à «Lesscash Mauritius», plutôt qu’à «Cashless Mauritius ». Depuis plusieurs années, il y a une tendance d’un shift du paiement en cash vers le paiement par cartes et d’autres voies électroniques. Globalement, nous constatons que la croissance des paiements en cash est moindre que celle de paiements par voies électroniques.

Cette tendance a été encore plus visible avec l’entrée en opération de notre application mobile JuicebyMCB, qui a déjà atteint environ 260 000 souscripteurs, ce qui a mené vers une hausse dans les transactions ‘cashless’ : durant les 12 derniers mois, les transactions mensuelles par ce biais ont doublé, passant de 600 000 à 1,2 million. Cette tendance bien présente est d’ailleurs appelée à s’accélérer, avec l’utilisation de paiement par cartes ‘contactless’ et aussi à travers le paiement par code QR via les mobiles. Ces modes de paiement ont l’avantage d’offrir aux clients non seulement facilité, rapidité mais aussi sécurité.

De plus, l’utilisation du code QR permettra de démocratiser davantage les paiements électroniques, cela en prenant en ligne de compte que le nombre de commerçants de petite taille qui acceptent le paiement électronique est actuellement relativement faible. Par ailleurs, le National Payment Switch et l’Instant Payment System (MAUCAS) rendront les paiements interopérables entre les banques et les commerçants, débouchant sur une hausse du nombre de paiements par voie électronique. Tout ceci mènera, nous l’espérons, à une réduction des paiements en cash mais cela ne veut pas dire une disparition, de sitôt, du cash !

Les produits de la MCB sont déjà connus à travers le pays, toutefois certains sont réticents à migrer vers le digital. Comment remporter cette bataille ?
Il y a toujours une certaine réticence, surtout parmi les plus âgés, à changer leurs habitudes. Toutefois, les jeunes générations, notamment les millenials, sont beaucoup plus prompts à adopter la banque digitale. D’ailleurs, au cours de ces dernières années, à la MCB, nous nous sommes engagés en faveur de l’éducation des clients qui visitent nos agences, afin qu’ils optent pour des moyens alternatifs d’effectuer leurs transactions. Nous avons aussi des ‘greeters’ et des kiosques électroniques afin, justement, de démontrer à nos clients la facilité d’utilisation de ces canaux alternatifs.

Nous pouvons, dans la même veine, compter sur notre contact centre. Avec notre programme de transformation digitale, nous développons un parcours complet pour une meilleure interaction digitale entre les clients et les produits et services au sein des différents segments d’activités comme le retail, le corporate ou encore pour les SME. Le but étant de créer un écosystème rapide, simple et sécurisé.

Dans le processus de développement de ces produits et services, nous embarquons les clients afin de co créer des produits qui soient faciles à utiliser. C’est, certainement, un long processus, afin d’accroître l’éducation financière de nos clients. Ce qui n’est pas différent pour les économies matures et fortement bancarisées, comme la nôtre, à travers le monde.

Le niveau de la dette publique est source d’inquiétude. Sommes-nous dans la zone rouge ?
C’est vrai que la dette publique, qui se situait à 64,6 % à fin juin 2019, a pris une certaine pente ascendante au fil des années. Ce qui mérite toute notre attention au vu de nos ambitions macroéconomiques. Malgré cela, je pense qu’une lecture attentive et holistique de cet indicateur est essentielle. Tout d’abord, il est bon de souligner que le niveau de notre dette est inférieur à ceux en vigueur au sein de plusieurs économies sur le plan international. D’autre part, avec une composante externe qui demeure relativement faible, la structure de la dette publique mitige partiellement les risques potentiels qui peuvent y être associés, notamment liés aux fluctuations des devises ou du niveau des taux d’intérêts.

Cela étant dit, la dette publique actuelle est supérieure au ‘statutory target’ de 60 % du Produit intérieur brut que les autorités se doivent de respecter à fin juin 2021. Alors qu’il est à noter que les autorités se sont engagées à ramener le niveau de la dette à des proportions plus soutenables à travers diverses initiatives, il est important de s’assurer de la baisse dans la durée. Cela dépendra d’une gestion saine des dépenses publiques et de l’entrée de recettes fiscales dans les caisses de l’État, avec un cadre d’affaires qui soit attrayant pour atteindre un taux de croissance économique appréciable. Ce qui, je l’admets, reste un défi au vu des challenges de nos différents secteurs économiques, dans un contexte international difficile.

La MCB a l’ambition de pénétrer le marché africain, en particulier les operations de «Private Banking». Quels sont les défis y relatifs ?
À la MCB, nous avons un business model, qui prend avantage de notre expérience et de notre expertise dans les secteurs spécifiques afin d’offrir des produits et services à des segments de marchés niches. Parmi, nous trouvons le commodity trade finance dans le secteur énergétique et les matières premières, le financement d’investissements structurés dans les secteurs de l’hôtellerie, de l’agriculture et la production d’électricité, notamment, ou encore fournir des services de banque privée et de gestion de patrimoine aux particuliers à revenus élevés.

Il est vrai que le niveau de risque est plus important lorsque nous devons traiter avec des interlocuteurs étrangers opérant dans des pays à risques. Tout d’abord, il est important d’avoir une connaissance approfondie des clients et de leurs antécédents, qui ne sont pas toujours disponibles. L’onboarding des clients est un défi, surtout pour les particuliers à revenus élevés, dans des pays qui n’ont pas le même niveau de transparence quant à la source des fonds.

Puis, faire des affaires en Afrique est généralement plus difficile avec un environnement économique fragile, en grande partie dépendant de l’agriculture et des produits de base, une monnaie locale volatile accompagnée d’un manque de devises étrangères, un endettement élevé, un faible niveau de gouvernance et des difficultés administratives liées au commerce et aux affaires en général.

Cela étant dit, il y a plusieurs pays en Afrique qui s’en sortent très bien à plusieurs égards, tant en termes de croissance, de gouvernance ou encore de diversification économique.

Comment s’imposer en prenant en consideration de telles contraintes ?
Le continent africain est composé de 54 pays présentant des opportunités et des profils de risque différents et il est important que chaque banque puisse définir clairement sa stratégie, où se positionner, en fonction de leur propension aux risques. Au niveau de la MCB, nous privilégions un business model qui repose sur une forte connaissance des clients dans le segment de marchés niches, une bonne maîtrise de nos produits et services et une structure de gestion de risques pointue. Nous opérons avec une présence étendue sur le terrain, à travers nos cinq subsidiairies and associates dans la région et nos quatre bureaux de représentation, ce qui nous permet d’avoir une connaissance des clients et de leurs activités. Nous avons aussi noué des relations significatives avec les banques en Afrique, ce qui nous permet de recueillir des informations sur le terrain et d’identifier les pistes pour le développement des affaires. Un des axes de l’expansion internationale de la MCB est la promotion de sa stratégie «Banque des banques». Cette initiative vise à positionner la MCB en tant que centre régional d’excellence de service-conseil, de formation, d’externalisation des opérations de paiements internationaux et de sous-traitance des opérations monétiques. L’agence Moody’s Investors Service a aussi, récemment, revu à la hausse la note de dépôt à long terme de la MCB qui est passée de Baa3 à Baa2. La MCB devient ainsi la banque commerciale à avoir la meilleure note avec investment grade de tout le continent africain ! Ce qui améliore, substantiellement, notre positionnement stratégique en Afrique et aussi de réaliser nos ambitions sur le continent.

Maurice se veut être un centre financier international, or, notre réputation en a pris un coup à travers les Mauritius Leaks....
Il est vrai que de telles informations sur la juridiction mauricienne peuvent avoir un impact négatif, en particulier lorsqu’elles sont rapportées dans la presse à l’échelle internationale. Cependant, grâce à des actions concertées entre les secteurs public et privé, en réaction à ces Mauritius Leaks, et avec une communication ciblée et efficace, cet impact a été largement atténué. Il faut aussi préciser que des mesures ont été prises afin de contrecarrer les effets négatifs de telles publications sur notre centre financier.

Des réformes ont été entreprises dans le but de renforcer les additional substance requirements et d’amender les régimes fiscaux des banques et des compagnes du Global Business. Il est aussi important de souligner que Maurice est «compliant» selon les critères de l’OCDE et de l’Union européenne. Il est aussi essentiel de savoir comment présenter et promouvoir notre centre financier en mettant l’accent sur la proactivité et la communication et d’avoir un engagement fort entre le secteur public et le secteur privé.

Au-delà, il ne faut pas, non plus, se cantonner au seul aspect du régime fiscal, la juridiction mauricienne doit mettre en avant une offre holistique qui est basée sur une série d’éléments, dont les services à forte valeur ajoutée, le cadre légal et régulateur ou encore le climat d’investissement.