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Le sud pétrolier de l’Argentine étranglé par la crise économique

18 septembre 2019, 09:45

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Le sud pétrolier de l’Argentine étranglé par la crise économique

Ecoles fermées, hôpitaux au ralenti, fonctionnaires en grève : avec ses finances dans le rouge vif, la province de Chubut, principale région productrice de pétrole d’Argentine, est un exemple dramatique de la grave crise économique qui étrangle le pays.

La province de 600.000 habitants est accablée par les dettes, victime du cocktail économique explosif qui ronge le pays de 44 millions d’habitants : inflation galopante, monnaie en chute libre et dette colossale.

Enseignants, médecins, magistrats, fonctionnaires, retraités, policiers... ne sont désormais plus payés en temps et en heure.

«Je ne sais pas quand cela va prendre fin», confie avec angoisse Yael Matos, enseignante à Comodoro Rivadavia, ville pétrolière située à 1.800 km au sud de Buenos Aires.

La province est presque totalement paralysée. Plus de 60.000 fonctionnaires, enseignants, retraités n’ont pas reçu leur salaire en août. «Nous n’avons pas de date de versement, nous devions toucher notre salaire aujourd’hui, mais cela n’a pas eu lieu», déplore Yael Matos.

Sur le tableau d’une salle de classe, on peut lire la date du 1er août : le dernier jour où il y a eu classe cette année. Cela fait neuf semaines que les enseignants sont en grève, soutenus par de nombreux élèves qui occupent les écoles.

«Il y a de l’empathie de la part de la société», dit l’enseignante qui reconnaît que l’année scolaire, qui s’achève normalement en décembre, est déjà quasiment terminée.

Autopsies limitées

La situation dans les infrastructures de santé n’est pas meilleure. A l’hôpital régional, il n’y a plus assez de draps propres, les poches de sérums s’empilent dans les couloirs et un seul ascenseur fonctionne.

«Nous souhaitons être payés pour le travail que nous effectuons», explique Anita Fernandez, une employée de l’hôpital, dont nombre de travailleurs sont en grève.

Les consultations médicales spécifiquement dédiées aux fonctionnaires de la province n’ont lieu que trois fois par semaine. «Tu dois bien calculer ton jour pour tomber malade, c’est sinistre!», ironise Gladys Diaz, une autre employée.

«Cet hôpital n’a pas de moyens, pas de matériel, pas d’infrastructures», se lamente-t-elle. A la morgue, les autopsies ont été limitées par manque de produits.

Dans la ville, la baisse de l’activité commerciale est aussi palpable. «Les gens ne peuvent pas acheter car ils ne sont pas payés», raconte à l’AFP Maria, vendeuse dans un magasin «en liquidation».

Intérêts de la dette

L’activité pétrolière n’a pas non plus été épargnée par les grève et manifestations. La province de Chubut détient les 45% des réserves de pétrole du pays et 18.000 personnes travaillent dans les 17 entreprises qui exploitent les gisements fournissant 30% du pétrole et 50% du gaz naturel du pays.

«Le secteur a souffert une réduction de 30 à 40% de son activité», souligne David Klappenbach, du syndicat des cadres pétroliers, alors que la concurrence se fait plus aiguë avec d’importants investissements dans le méga-gisement de Vaca Muerta, dans la province voisine de Neuquén.

Chubut reflète la gravité de la crise qui frappe de plein fouet la troisième économie d’Amérique latine : récession, pauvreté touchant 32% de la population, taux ce chômage à 10% et une inflation depuis début 2019 qui s’élève à 30%.

De la même façon que le gouvernement du président de centre droit Mauricio Macri, qui brigue un deuxième mandat en octobre, a demandé un prêt de 57 milliards de dollars auprès du FMI pour tenter de remettre l’économie à flots, la province pétrolière a souscrit un emprunt de 700 millions de dollars.

Elle est d’ailleurs aujourd’hui la province ayant la dette par habitant la plus élevée. Mais cette aide s’est révélée empoisonnée car 80% des titres de la dette sont en dollars dans un pays où la monnaie s’est dépréciée de plus de 65% depuis janvier 2018.

«Les revenus n’ont pas tant baissé, mais les coût ont augmenté de 80% au premier trimestre 2019 par rapport à l’an dernier, et une grande part est due aux intérêts de la dette», explique à l’AFP Facundo Ball, directeur du département d’Economie à l’Université nationale de Patagonie. Près de 70% des revenus pétroliers de la province vont ainsi au remboursement de la dette.