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Ismet Ganti: «L’industrie culturelle est presque inexistante à Maurice»

14 septembre 2019, 16:05

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Ismet Ganti: «L’industrie culturelle est presque inexistante à Maurice»

Récemment, Ismet Ganti s’activait, avec quelques autres de ses compagnons de route, au Caudan Arts Centre, à Port-Louis, pour rappeler Woodstock, le temps d’une exposition et d’un concert rock. Le public a été impressionné par le travail du peintre débordant d'énergie. L'artiste est un fringuant septuagénaire qui continue à rouler sa bosse. À 71 ans, le peintre et musicien n’est pas près de s’arrêter.

En effet, l’idée de la retraite n’a jamais effleuré Ismet Ganti. «Un artiste ne prend pas de retraite», assène celui qui pratique la musique, la peinture et l’écriture depuis son adolescence. «Pourtant, on a appris que récemment, vous avez pris votre retraite de la MBC», lui disons-nous. «Non ! Nuance, j’ai quitté la télévision nationale, mais je continue mon cheminement d’artiste», précise notre interlocuteur.

Ainsi, pour Ismet Ganti, la vie d’un artiste est un parcours consacré à la création. Toutefois, vu les conditions prévalant à Maurice, les artistes doivent prendre de l’emploi dans des institutions et exercer un métier. C’est ainsi que des créateurs d’œuvres d’art se retrouvent enseignants, journalistes, animateurs radio ou décorateurs. Cela leur laisse moins de temps pour s’adonner à la création. «L’industrie culturelle est presque inexistante à Maurice», constate le septuagénaire.

Pour soutenir son point de vue, Ismet Ganti fait remarquer que «51 ans après l’Indépendance, Maurice n’a toujours pas de galerie nationale, ni de fonds d’art contemporain, ni d’orchestre national». Terrible constat pour un pays qui a une histoire de plus de deux siècles. Ismet Ganti, qui a été pendant plusieurs années, responsable de la galerie Max Boullé, à la mairie de Beau-Bassin–Rose-Hill, estime que cette situation résulte d’un manque de vision et de volonté politique. «Les politiciens ont tort de penser que l’art est inutile», déclare-t-il.

Notre interlocuteur est convaincu que s’il y avait une politique culturelle bien avisée, de nombreux artistes se seraient consacrés à plein-temps à leur passion. Ismet Ganti, lui-même, depuis son jeune âge, avait décidé d’être artiste. «Je dessine depuis mon enfance et au début de l’adolescence, j’ai voulu faire de la musique rock que j’entendais à la radio», précise-t-il.

En effet, la vie d’Ismet Ganti est un long cheminement d’artiste. «Au collège, les matières conventionnelles m’intéressaient moyennement. Après l’école, avec mon camarade de classe Jean-Claude de l’Estrac, on passait un temps infini à découvrir l’art et à en discuter», raconte l’artiste. Les études secondaires terminées, Ismet Ganti enseigne le dessin aux jeunes élèves de l’Islamic College, à Port-Louis. Peu de temps après, il intègre le département Culture de la mairie de Beau-Bassin–Rose-Hill. «On était en 1968, j’avais 20 ans. André Decotter et Serge Constantin y étaient des responsables», se souvient l’ancien fonctionnaire municipal.

Le peintre garde un très bon souvenir de ses années passées à la galerie Max Boullé. Il y a cheminé avec de nombreux artistes. «C’était mon Bateau Lavoir», dit-il avec émotion. Cela, en référence à cette maison du quartier Montmartre, à Paris, où se retrouvaient, au début du XXe siècle, des artistes célèbres comme Picasso, Matisse, Braque et des écrivains comme Apollinaire, Cocteau et Jarry. Par la suite, Ismet Ganti a bien essayé de vivre de son art. Une entreprise difficile. Il doit donc, parallèlement, exercer une activité. C’est ainsi qu’il fait un passage dans la publicité avant d’être recruté à la MBC.

Maintenant qu’il n’est plus responsable des décors à la télévision nationale, Ismet Ganti accorde davantage de temps à la création. D’où le récent concert doublé d’une exposition au Caudan Arts Centre. L’homme est aussi bien avancé dans les préparatifs en vue de la publication d’un ouvrage d’écrits poétiques. «Donc, vous n’envisagez pas de vous arrêter ?» lui demandons-nous. Sa réponse, catégorique : «Non, un artiste doit créer jusqu’à son dernier souffle.»