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Mondial-2019: au Japon, le rugby repousse ses frontières physiques et économiques

12 septembre 2019, 17:15

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Mondial-2019: au Japon, le rugby repousse ses frontières physiques et économiques

Une préparation physique poussée à son maximum, un développement économique vers de nouvelles frontières: le rugby teste ses limites lors de la Coupe du monde au Japon, où il doit bien négocier son virage pour poursuivre sa croissance.

La précédente édition, en 2015 en Angleterre, avait été un véritable succès du point de vue économique comme sur le plan du spectacle. Avec 2,47 millions de billets vendus, World Rugby se félicitait alors d’avoir organisé le 5e événement sportif de l’Histoire, pour des retombées (3 milliards d’euros) et des audiences record. Un trésor vital pour l’organe suprême du jeu puisqu’il lui fournit 90% des revenus nécessaires à ses programmes du cycle quadriennal suivant.

Quatre ans plus tard, World Rugby espère tirer encore plus de revenus commerciaux de l’édition japonaise, la première en Asie. Et compte compenser une audience télé forcément en baisse en Europe - compte tenu des horaires matinaux - par l’explosion du nombre de ses téléspectateurs asiatiques, génératrice de juteux contrats (Heineken, Société générale, DHL, MasterCard, Land Rover et Emirates sont les six sponsors majeurs).

«Le nerf de la guerre, c’est aussi de signer des partenariats», souligne auprès de l’AFP Magali Tezenas, déléguée générale de Sporsora, organisation spécialisée dans l’économie du sport. «Sur l’événement en soi, ils n’auront certainement pas le chiffre d’affaires qu’ils ont fait en Angleterre ou qu’ils feront en France (lors de la prochaine édition en 2023), mais en termes de développement de la pratique et d’attractivité pour les partenaires, ce sont des territoires très importants.»

Ligue mondiale enterrée

Calé entre deux pays-hôtes a priori plus rentables, le Japon représente à la fois «la volonté de sortir des nations traditionnellement organisatrices» et «une zone géographique ciblée comme une terre de rugby de demain», estime Christophe Lepetit, économiste du sport au Centre de droit et d’économie du sport (CDES) de Limoges. Le besoin devient pressant: près de 25 ans après sa professionnalisation, le rugby peine à voir émerger des nations et des championnats compétitifs, et les promesses d’antan (Italie, Canada, Roumanie) se sont évanouies.

Surtout, World Rugby a dû abandonner faute de consensus son projet de Championnat des nations, pourtant soutenu par un revenu garanti de près de 7 milliards d’euros, qui aurait renfloué les caisses des Fédérations nationales.

Tandis que les Européens, à l’origine du blocage, sont fermement assis sur leur butin, le très lucratif Tournoi des six nations, les grosses nations de l’hémisphère sud (Afrique du Sud, Nouvelle-Zélande, Australie), à court de rentrées financières, tirent la langue. Au final, l’unique gagnant est la Coupe du monde en elle-même, qui conserve son caractère unique et sa lisibilité.

Et au Japon, le spectacle devrait rappeler la devise olympique: «plus vite, plus haut, plus fort». A l’image des Springboks bodybuildés sur une photo d’après-entraînement, publiée la semaine dernière, qui effraye et intrigue, les joueurs des nations phares bénéficient d’une préparation de plus en plus méticuleuse.

«Derniers pourcentages»

«Les joueurs s’entraînent plus qu’avant, certes, mais ils s’entraînent surtout mieux», explique Thierry Dusautoir qui lie cela à «l’arrivée des objets connectés». «La performance est de plus en plus mesurée, les entraînements de mieux en mieux calibrés. Donc les athlètes sont de plus en plus performants», observe l’ex-capitaine du XV de France.

Le rugby «arrive maintenant à une phase où il est maîtrisé et dans les derniers pourcentages pour gagner de la performance», résume Fabien Pelous, autre ancien capitaine des Bleus. «Ce sport est de plus en plus physique mais dans le sens de la vitesse», estime l’ancien deuxième ligne.

«On prépare des joueurs, en fonction des postes, de manière beaucoup plus spécifique qu’avant», abonde Jean-Marc Lhermet, directeur développement de Clermont. «On a des joueurs physiquement prêts comme jamais ils n’ont été prêts, mais ils sont utilisés différemment par des projets de jeu qui ont tendance à faire place à plus de mouvement, vitesse, déplacement», dit l’ancien flanker.

«Plus on avancera dans histoire du rugby et plus les choses seront maîtrisées», prédit encore Pelous pour qui «il n’y a pas de limite. Avant Usain Bolt, tu pensais que personne ne pouvait passer sous les 9«75, 9«70 mais lui l’a fait.» A vos marques...